14-17 juin 1994: les massacres de tutsi à la paroisse catholique Sainte Famille et au Centre Saint Paul à Kigali et l’opération spéciale des soldats du FPR pour sauver les refugiés

By Dr BIZIMANA Jean Damascène*

Les dernières dates de juin 1994 ont été marquées par les défaites de l’armée du Gouvernement génocidaire qui ont perdu la plupart des localités des villes de Kigali et Gitarama. Raison pour laquelle  des survivants Tutsi parmi ceux qui se cachaient à la Paroisse catholique Sainte Famille et au Centre National de Pastorale Saint Paul ont été tués par les Interahamwe dirigés par des officiers supérieurs de l’armée parmi lesquels il y avait les Colonels Renzaho Tharcisse et Laurent Munyakazi. C’est dans la nuit du 16 au 17 juin 1994 que les troupes Inkotanyi ont libéré les Tutsi qui se cachaient au Centre National de Pastorale Saint Paul.

1)      APERÇU DES MASSACRES COMMIS CONTRE LES TUTSI À LA PAROISSE SAINTE FAMILLE À KIGALI

Les premiers massacres qui ont été commis contre les Tutsi qui s’étaient réfugiés à l’Eglise  Sainte Famille l’ont été le 15 avril 1994, date à laquelle ont été tués près de 135 hommes et jeunes gens de sexe masculin.

Après la libération par les troupes du FPR Inkotanyi des Tutsi qui s’étaient réfugiés au Centre National de Pastorale Saint Paul, la fureur des tueurs s’est rabattue sur les réfugiés Tutsi à l’Eglise Sainte Famille. Le 17 juin 1994, aux alentours de 10 h du matin, un groupe de nombreux tueurs a attaqué l’Eglise Sainte Famille et ont tué plus de 100 Tutsi de sexe masculin et deux filles.

Le 15 juin 1994, la MINUAR a évacué des Tutsi vers le territoire contrôlé par le FPR Inkotanyi. Il s’agissait surtout de femmes, de filles et d’enfants parce que le Colonel Laurent Munyakazi avait demandé au Conseiller Odette Nyirabagenzi et à Angelina Mukandutiye d’amener des Interahamwe encercler le lieu où les réfugiés Tutsi devaient embarquer dans les véhicules qui devaient les évacuer, pour empêcher les hommes et jeunes gens de sexe masculin de partir, sous le prétexte fallacieux de ne pas renforcer le FPR Inkotanyi. Les tueurs, avec la complicité de l’Abbe Wenceslas Munyeshyaka, venaient quand ils le voulaient à l’Eglise Sainte Famille prélever des réfugiés pour aller les tuer, surtout que cette église était encerclée en permanence par des gendarmes et des Interahamwe de façon qu’il était devenu même très difficile pour les Tutsi de s’y réfugier.

Le 19 juin 1994, des tueurs accompagnés par le Colonel Laurent Munyakazi, Mukandutiye Angelina, Nyirabagenzi Odette, Kamatamu Euphrasie, le Colonel Renzaho Tharcisse et le Père Munyeshyaka, ont pris et tuee près de 17 autres  jeunes hommes, parmi lesquels il y avait Rubashankwaya Bonaventure qui travaillait au MINIFINECO (Ministère des Finances et de l’Economie), Munyensanga JMV, Athanase, Aloys, Ignace, Kasongo, Alexandre, Jean Damascène, Safari, Jean Pierre et d’autres qui n’ont pas pu être identifiés comme cela apparait dans le jugement du General major MUNYAKAZI Laurent rendu par la haute cour militaire le 16/11/2006.

Le 20 juin 1994, la MINUAR a transporté pour la troisième fois des Tutsi vers le territoire contrôlé par le FPR Inkotanyi mais n’a pas pu les embarquer tous, ce qui a permis aux tueurs  de continuer à prendre ceux qui sont restés un à un pour les tuer, jusqu’à ce que le FPR Inkotanyi a pris la ville de Kigali et libéré les Tutsi réfugiés à l’Eglise Saint Famille.

Le 26 juin 1994, le Colonel Munyakazi Laurent en compagnie de Mukandutiye Angelina et d’autres Interahamwe parmi lesquels il y avait le nommé Mugubiri, sont allés à l’Eglise Sainte Famille enlever près de 70 jeunes gens qu’ils sont allés tuer.

2)      APERÇU DES MASSACRES COMMIS CONTRE LES TUTSI AU CENTRE NATIONAL DE PASTORALE SAINT PAUL À KIGALI

Le 22 avril 1994, des tueurs qui venaient de massacrer des Tutsi qui s’étaient réfugiés au Centre d’Etudes de Langues Africaines (CELA), se sont rendus au Centre National de Pastorale Saint Paul où ils ont tué 4 personnes parmi lesquelles il y avait Rutsinduka Aristarque et Rukundo Damien.

Le 14 juin 1994, de nombreux tueurs sont venus au Centre National de Pastorale Saint Paul où ils ont enlevé entre 72 et 80 Tutsi qu’ils ont amenés au Secteur Rugenge, puis à l’endroit qui était appelé CND où ils les ont tués. Dans ce groupe de tueurs il y avait de nombreux Interahamwe parmi lesquels il y avait Nkeshimana Jean Pierre alias Kivide, Fidèle Castal, Furaha alias Shitani, Mugubiri et d’autres, ainsi que le Conseiller Nyirabagenzi Odette, Mukandutiye Angelina, le Colonel Laurent Munyakazi, le Père Munyeshyaka Wenceslas et d’autres.

Avant de venir enlever ceux qui ont été tués à cette date, le Colonel Munyakazi Laurent, en compagnie de Nyirabagenzi, Mukandutiye et le Père Munyeshyaka, ont organisé une réunion le 13 juin 1994 avec les Tutsi qui s’étaient réfugiés au Centre Saint Paul et leur ont demandé s’ils voulaient être évacués vers le territoire contrôlé par le FPR Inkotanyi ou vers celui qui l’était par l’armée du Gouvernement génocidaire. Le même jour ils ont dressé une liste de ces réfugiés qui se sont douté que celle-ci a été utilisée pour la sélection de ceux qui allaient être tués.

Le même jour, les tueurs ont dit qu’ils reviendront le 17 juin 1994 pour exterminer tous les Tutsi qui y étaient. Ce plan a échoué parce que, dans la nuit du 16 au 17 juin 1994, les troupes du FPR Inkotanyi ont libéré ceux qui étaient au Centre National de Pastorale Saint Paul et les ont amenés dans un endroit sécurisé.

Les troupes Inkotanyi, avant d’aller libérer les réfugiés Tutsi du Centre National de Pastorale Saint Paul, ont commencé à affronter dans des combats violents les troupes du Gouvernement des Abatabazi dans la journée du 16 juin 1994, et sont arrivées au Centre National de Pastorale Saint Paul pendant la nuit de façon que les réfugiés Tutsi ont eu de la peine à croire que c’était bien les Inkotanyi qui venaient à leur rescousse ; raison pour laquelle, alors que la plupart étaient évacués, certains d’entre eux sont restés et ont été tués le lendemain 17 juin 1994.

Le 15 juin 1994, après l’intervention qui la veille avait permis de libérer de nombreux Tutsi, il y avait un jeune homme Hutu du nom de Gasore Gustave qui avait aidé des Tutsi à se réfugier au Centre National de Pastorale Saint Paul et qui lui-même y est resté parce qu’il craignait que s’il quittait les lieux il allait être tué par les tueurs qui avaient appris qu’il avait sauvé des Tutsi.

Le même jour, un groupe composé de ses parents et de ses frères l’ont extrait de l’endroit où le Père Célestin Hakizimana l’avait caché dans son logement ; celui-ci les a suppliés de ne pas l’amener mais ses parents lui ont rétorqué qu’il devait aller répondre à des questions que lui poseraient les autorités, et ont amené Gasore qui a été tué à l’endroit qui était appelé SOFERWA.

 3)      L’ASSASSINAT DU JOURNALISTE ET POLITICIEN ANDRÉ KAMEYA LE 15 JUIN 1994

KAMEYA André était le rédacteur en chef du journal RWANDA RUSHYA, grand critique de l’Etat, et qui était également un des fondateurs du parti PL. Le journal RWANDA RUSHYA était publié deux fois par mois, et s’opposait aux écrits des journaux qui soutenaient le régime du MRND, parmi lesquels figurait notamment le journal Kangura. Kameya a été le premier à publier des photos des Inkotanyi, affirmant que c’était des enfants du pays qui rentraient dans leur patrie, dans un article intitulé U RWANDA MU RUNDI”. Il a été parmi les personnes les plus recherchées car il était soupçonné de collaborer étroitement avec le FPR Inkotanyi. KAMEYA, son épouse Nyiramuruta Suzana et leur fille Oliva, ont été tués sur l’ordre du Préfet de Kigali, le Colonel Renzaho Tharcisse, et du Colonel Munyakazi Laurent.

Kameya André a été tué dans la nuit du 15 au 16 juin 1994. Le 16 juin 1994, Odette Nyirabagenzi et d’autres tueurs avec qui elle collaborait, se sont rendus au Centre National de Pastorale Saint Paul pour clamer qu’ils l’avaient tué. Le 14 juin 1994, Kameya André avait passé la journée avec son fils Kameya Olivier au couvent des Sœurs Bizeramariya. Ce jour, les Interahamwe ont circulé toute la journée à l’Eglise Sainte Famille, au Centre National de Pastorale Saint Paul et à l’endroit où était vendu le journal Kinyamateka.

Le matin du 15 juin 1994, Kameya André est allé voir le Père Munyeshyaka Wenceslas pour lui demander de l’aider à fuir parce qu’il était très recherché mais le Père Munyeshyaka Wenceslas l’a plutôt immédiatement amené chez Nyirabagenzi Odette, le Conseiller du Secteur Rugenge, qui était un lieu de rencontre des Interahamwe, laquelle Nyirabagenzi était celle qui recherchait le plus Kameya. C’est un des Interahamwe du nom de Ntambara qui était présent, qui a révélé où avait été enseveli le corps de Kameya, à 200 mètres du domicile de Nyirabagenzi Odette.

4)      LE PÈRE GUY THEUNIS A PRÉTENDU QU’IL N’Y A PAS EU DE MASSACRES À L’EGLISE SAINTE FAMILLE, POUR COUVRIR LE PÈRE MUNYESHYAKA ET CRIMINALISER A TORT LE FPR-INKOTANYI

En 1996, THEUNIS, dans un article publié dans le journal des Pères Blancs en France appelé Le Lien, a nié toute participation du Père Munyashyaka dans le Génocide perpétré contre les Tutsi. THEUNIS qui avait quitté le Rwanda le 12 avril 1994, a, dans son écrit, prétendu que Munyeshyaka n’a été coupable d’aucun massacre que ce soit au Rwanda pendant le Génocide, alors que THEUNIS n’avait pas été présent quotidiennement pour pouvoir juger du comportement de Munyashyaka. Le Père THEUNIS a martelé qu’aucun massacre n’a eu lieu à l’Eglise Sainte Famille : «MUNYESHYAKA n’a tué personne au Rwanda, il n’y a eu aucun mort à l’église Sainte Famille » « accuser ce prêtre de génocide est chose inacceptable ».

Le Père Supérieur des Pères Blancs en France, François RICHARD, dès qu’il a pris connaissance de l’écrit de THEUNIS, a rédigé une lettre d’accompagnement diffusée dans tous les milieux dirigeants de l’Eglise catholique en France demandant le soutien au Père MUNYESHYAKA parce qu’il serait un bouc émissaire de la politique criminelle du FPR. C’est ainsi que le criminel MUNYESHYAKA a pu échapper à la justice en France et a été accueilli favorablement par les chrétiens, abusés par les mensonges de THEUNIS, et qui, jusqu’aujourd’hui, continuent à le soutenir. Rappelons que Munyeshyaka a été condamné, par les Juridictions Gacaca, pour crime de génocide à la prison à perpétuité.

En octobre 1997, THEUNIS a écrit, dans le journal français LA CROIX, un article qui nie la réalité du Génocide perpétré contre les Tutsi, rejetant sur le FPR la responsabilité des massacres commis par les Ex-FAR et les Interahamwe, en arguant que dans le territoire qui était contrôlé par le FPR dans la ville de Kigali, sept cent nonante deux (792) personnes auraient selon lui été tués, beaucoup plus que les six cent (600) qui l’auraient été dans le territoire contrôlé par les ex-FAR : « il y a eu pratiquement autant d’assassinats de civils dans la zone gouvernementale (environ 600) que dans la zone contrôlée par le FPR et pourtant fort réduite (792) » !

THEUNIS a continué à dire qu’aucun massacre n’a été commis contre les Tutsi à l’Eglise Sainte Famille, et que seulement trois personnes y ont été tuées par des projectiles du FPR. Que près de 50 autres ont été tuées le 17 juin 1994 en représailles de 50 personnes qui auraient été tuées devant l’école primaire de la Paroisse Sainte Famille par le FPR très tôt le matin du même jour : « on n’a jamais tué dans l’église de Sainte Famille à Kigali. (…) trois seuls sont morts à l’intérieur de l’église (…) et l’ont été lors du bombardement de l’église par le FPR (…) la cinquantaine de personnes tuées, le 17 juin 1994, par des miliciens en représailles du raid du FPR qui a assassiné plus de 50 personnes dans les classes de l’école primaire ce même jour, à 3 heures du matin ». En peu de mots, THEUNIS veut faire croire que les Interahamwe n’ont tué personne à l’Eglise Sainte Famille si ce n’est les massacres qu’ils ont commis pour se venger des provocations meurtrières du FPR. 

Le 15 juin 1997, un article a été publié dans le numéro 326 du journal Bulletin d’Information Africaine, à parution mensuelle et qui est diffusé par la communauté des Pères Blancs ; il s’agissait d’un article sur une conférence de presse donnée par le Père THEUNIS, Colette BRAECKMANN et Filip REYNTJENS. A un journaliste qui demandait quelle était la cause de la guerre au Rwanda, le Père THEUNIS a répondu en ces termes : « C’est une constante. Les Hutus sont généralement pacifiques. Ils voulaient une évolution non violente. La violence vient toujours du même côté. D’un seul côté. (…) Du côté des Tutsis. Ce sont toujours les Tutsis qui provoquent, qui d’une manière ou d’une autre gâtent les choses. » La haine des Tutsi et le négationnisme du Génocide perpétré contre les Tutsi ne sont pas nouveaux chez le Père Theunis. C’est en effet une personne qui a collaboré étroitement avec le Gouvernement Habyarimana pour diffamer le FPR.

Dès le commencement de la guerre de libération par le FPR Inkotanyi en 1990, lui et son collègue le Père Jef Vleugels, ont ensemble diffamé le FPR et soutenu le Gouvernement en place à l’époque. Les massacres commis par ce Gouvernement étaient attribués par ces deux Pères Blancs au FPR Inkotanyi. Même lorsque des personnes innocentes ont été mises en prison sous le prétexte fallacieux qu’ils seraient des complices du FPR, THEUNIS et VLEUGELS ont écrit que le FPR avait effectivement des complices dans la ville de Kigali, et ont soutenu la politique qui consistait à emprisonner et à tuer les Tutsi qui étaient accusés de complicité avec les Inkotanyi.

Entre 1990 et 1994, THEUNIS et VLEUGELS ont collaboré ensemble pour écrire de nombreux articles hostiles au FPR qui étaient envoyés en Europe et ailleurs dans le monde entier pour y être diffusés au moins chaque semaine dans des journaux internationaux. Ces écrits étaient envoyés par fax (télécopie) et paraissaient comme s’ils étaient la voix du Gouvernement Habyarimana et de son armée.

            CONCLUSION

La Paroisse Sainte Famille et le Centre National de Pastorale Saint Paul sont parmi les bâtiments les plus importants de l’Eglise catholique dans la ville de Kigali. Les Tutsi s’y sont réfugiés  parce qu’ils croyaient y trouver leur sécurité et qu’ils espéraient que les hommes de Dieu les accueilleraient à bras ouverts et veilleraient sur eux. Ils y ont expérimenté le mal et le bien. Parmi ceux qui les ont tués il y avait des chrétiens avec lesquels ils priaient chaque semaine ou assistaient ensemble quotidiennement à la messe. Il y a même eu des religieux, à la tête desquels le Père Munyeshyaka Wenceslas a porté une lourde responsabilité pour comploter contre les Tutsi, les tuer et violer les femmes. Il y a également eu le Père Blanc Guy Theunis qui a collaboré avec Munyeshyaka à plusieurs reprises comme il l’a souvent écrit lui-même, et qui a mis beaucoup d’efforts pour aider le Père Munyeshyaka à se réfugier en France et à cacher les crimes dont il est coupable.

Mais il y a aussi l’héroïsme du Père Hakizimana Célestin qui est actuellement l’évêque du Diocèse catholique de Gikongoro. Mgr Hakizimana Célestin a aidé les réfugiés Tutsi comme il le pouvait, les a protégés contre les tueurs jusqu’à l’arrivée des Inkotanyi qui les ont libérés. Ceux qui n’ont pas pu les suivre ont été le 17 juin 1994 exterminés par les Interahamwe. (Fin)

* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG).