3ème Sommet du « Compact with Africa » / Discours du chef de la diplomatie marocaine  

Kigali: Le Ministre marocain des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger, M. Nasser Bourita, a représenté Sa Majesté le Roi Mohammed VI au 3ème Sommet du « Compact with Africa », qui s’est tenu à Berlin, le mardi 19 novembre 2019.

A cette occasion, le chef de la diplomatie marocaine a prononcé un important discours, dont ci-après les grandes lignes :

L’initiative Compact with Africa continue de se déployer et a montré sa pertinence. La 1ère édition a été celle de l’installation, la 2ème celle de la consolidation et la 3ème sera, a-t-il espéré, celle d’une inflexion et de la concrétisation.

  1. Bourita a qualifié le « Compact with Africa » d’instrument pertinent et qui présente un gage de lucidité car il s’agit d’un partenariat qui « ne commet pas l’erreur de prendre l’Afrique pour ce qu’elle n’est plus – c’est à dire un simple marché de consommation-, mais il s’agit d’un partenariat qui conçoit notre continent pour ce qu’il est désormais, à savoir une terre d’opportunités à saisir, de défis à relever et, à terme, de co-croissance à générer.

En outre, le Ministre a estimé que  la force du Pacte tient à son pragmatisme, car il s’agit d’un « partenariat basé sur l’esprit d’entreprise. Il est intéressé, mais solidaire; économique, mais porté par une vision politique; il est exigeant, mais réaliste. Un partenariat pour les réformes certes, mais qui n’attend pas leur aboutissement pour se déployer ».

A cela s’ajoute son inclusivité en ce sens qu’il réunit les facteurs de réussite d’un partenariat public-privé, estimant, par ailleurs, que ce qui génère l’adhésion autour du Compact c’est sa lucidité sur les défis et les opportunités en Afrique, sa responsabilité solidaire, et sa vocation à transformer la coopération en partenariat mutuellement bénéfique, à produire un effet démultiplicateur par la force de l’entreprise, et à générer un cercle vertueux de co-croissance.

Le Ministre a rappelé que l’Afrique connaît moins de guerres, mais plus de conflits asymétriques et, surtout, plus de terrorisme, dès lors qu’elle soit passée d’un mouvement terroriste au début des années 2000 (AQMI), à une douzaine actuellement. L’Afrique, a-t-il indiqué, est exposée à moins de crises humanitaires, mais à plus d’inégalités structurelles, puisque 7 des 10 pays les plus inégalitaires au monde, se trouvent en Afrique (selon la Banque Mondiale). Il a souligné que l’Afrique, qui comptera quelques 2.4 milliards d’habitants en 2050, a besoin d’opportunités économiques et d’emplois stables. Le marché africain a lui aussi, évolué. En véritables « game changers », La ZLECAF et l’Open Sky décloisonnent le continent, ouvrant ainsi la voie à l’émergence d’une Afrique intégrée.

D’un autre côté, M. Bourita a indiqué que le Maroc participe à ce sommet avec une double perspective :

– Celle des bénéficiaires du Compact (les pays africains) ; et

– Celle du promoteur du Compact (l’Allemagne).

D’une part, en tant que bénéficiaire du Compact, le Maroc a signé avec l’Allemagne, il y a un an, une déclaration d’intention sur le « Partenariat pour encourager les réformes », dans un élan de continuité naturelle d’un processus national. Car, le Maroc n’a pas attendu la création du Compact pour s’engager dans une trajectoire de promotion structurelle et durable de ses équilibres macroéconomiques.

Dans ce cadre, le Ministre a souligné que « des réformes majeures ont été lancées, visant à maitriser les principaux risques pesant sur les finances publiques (réforme des subventions, réforme des retraites, loi organique des finances…) ». Le Maroc, qui occupait la 117ème place dans les années 2000, se rapproche aujourd’hui des 50 plus grandes économies mondiales. Cette amélioration n’a rien de fortuit. Elle est le résultat des réformes courageuses pour améliorer le climat des affaires, a-t-il souligné.

D’autre part, le Ministre a rappelé que la Vision Royale de la politique africaine s’appuie sur les partenariats public-privé, autant qu’elle mobilise la coopération intergouvernementale.  Qu’il s’agisse des institutions bancaires, des groupes immobiliers ou des opérateurs téléphoniques ; l’entreprise marocaine se conçoit comme une entreprise africaine. Sa méthode est le partage d’expertise.  Sa démarche est la transparence. Sa finalité est le co-développement du continent.

Il a ajouté que « notre ambition n’est pas le Compact, mais l’Afrique. Le Compact est au service de l’Afrique. L’inverse n’est pas – et ne devrait – pas être vrai. L’Afrique n’est pas l’objet d’une ambition. Elle est l’ambition en soi, et la raison d’être de ce que nous y entreprenons.

Sa Majesté le Roi l’a déclaré solennellement dans Son Discours historique marquant le retour du Maroc à l’Union Africaine : « L’Afrique, si longtemps négligée, est devenue incontournable. L’ère où elle n’était qu’un objet dans les relations internationales est révolue ».

Le développement n’est autre que la croissance durable, qui endigue les inégalités structurelles ; celles-là mêmes qui génèrent l’instabilité et réinitient le cercle vicieux de la décroissance. C’est là d’ailleurs le sens du Nouveau Modèle de Développement, appelé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, celui de la prospérité sociale ; où croissance, investissement et développement se complètent et s’améliorent mais ne se substituent pas l’un à l’autre.

Par ailleurs, M. Bourita a partagé les conclusions tirées de cette première phase de vie du Compact :

– D’abord, il est important d’élargir le Compact with Africa. Par une ouverture plus large aux pays d’Afrique, la vocation du Compact doit être transrégionale.

Aux 12 pays africains membres du Compact –dont le Royaume du Maroc, doivent s’adjoindre demain d’autres pays frères, dans une logique de cohérence, de complémentarité, mais aussi de mixité (géographique et économique). Nous gagnons tous à créer l’émulation ; et parfois le chemin du développement est plus simple à emprunter à plusieurs.

– Nous devons abattre les stéréotypes selon lesquels le marché africain, serait, par un facteur intrinsèque, plus risqué que les autres marchés. La confiance génère la confiance. Ce constat élémentaire est d’autant plus vrai que l’Afrique d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui.

– La coopération inter-continentale ne doit pas occulter le potentiel de coopération intra-continentale. A l’heure de la ZLECAF, le compact doit aussi nous montrer que si les investisseurs étrangers s’intéressent à l’Afrique, les investisseurs africains eux-mêmes doivent s’y pencher, au moyen notamment d’une coopération triangulaire.

Nous sommes assurément dans une nouvelle ère de la coopération ; une aire qui reconnait les failles de l’action verticale Nord/Sud, qui dépasse les limites de l’action « gouvernement à gouvernement » et apprivoise la nécessité d’une approche innovante, pragmatique et décomplexée. (Fin)