Accélération de l’extermination des Tutsi pendant la période allant du 25 au 30 mai 1994 dans les lieux non libérés par le FPR

Du 25 au 30 mai 1994, le Gouvernement génocidaire était en train de perdre la guerre contre les troupes du FPR Inkotanyi, et intensifiait ses efforts pour continuer à distribuer des armes, des grenades et des munitions aux milices Interahamwe et aux militaires de l’armée rwandaise pour qu’ils accélèrent la mise en œuvre du Génocide. Ce Gouvernement a également intensifié ses efforts dans la mobilisation de la population pour inciter celle-ci à participer à la réalisation de l’ultime objectif génocidaire d’exterminer tous les survivants Tutsi partout dans le pays.

1)      Transmission de directives pour accélérer le Génocide avec ce qui a été appelé “auto-défense civile”

Le 25 mai 1994, le Gouvernement génocidaire dirigé par Jean Kambanda a transmis à tous les Préfets des instructions écrites qui leur ordonnaient d’accélérer l’extermination des Tutsi. Ces directives ont été mises en œuvre dans ce qui a été appelé “auto-défense civile” qui devait intensifier la mobilisation de la population Hutu pour les inciter à participer à l’exécution du Génocide, sous le faux prétexte qu’il s’agissait de se défendre, en propageant le mensonge selon lequel les Tutsi qui vivaient encore avaient constitué, partout dans le pays, des brigades qui avaient été entraînées par les Inkotanyi dans le but de tuer les Hutu.

Ces directives indiquaient également les modalités pour continuer à distribuer des armes, des grenades, des munitions et des machettes dans toutes les localités dans lesquelles il y avait des Tutsi encore en vie, comme à Bisesero où les Tutsi continuaient, à l’aide de leurs armes traditionnelles, à se défendre et à résister aux attaques des tueurs.

Les Ministres ont reçu mission de se rendre dans les Préfectures qui n’étaient pas encore contrôlées par les troupes du FPR Inkotanyi, pour transmettre ces directives et participer avec les militaires et les gendarmes du Gouvernement génocidaire à la distribution du matériel nécessaire pour accélérer l’exécution du Génocide. Les Ministres de l’Information et de l’Intérieur, respectivement Eliezer Niyitegeka et Edouard Karemera, ont accompli leur mission d’accélérer l’extermination des Tutsi dans la Préfecture de Kibuye.

Eliezer Niyitegeka et Edouard Karemera ont été condamnés pour crime de génocide à la prison à perpétuité par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Eliezer Niyitegeka est décédé en détention au Mali le 28 mars 2018.

Callixte Nzabonimana, le Ministre de la Jeunesse et du Mouvement Associatif, a quant à lui reçu la mission particulière de continuer à coordonner l’extermination des Tutsi dans la Préfecture de Gitarama, et il y est arrivé. Nzabonimana a lui aussi, en date du 31 mai 2012, été condamné pour crime de génocide à la prison à perpétuité par le TPIR.

La Préfecture de Butare a continué à être confiée à Pauline Nyiramasuhuko, Ministre de la famille et de la promotion féminine, qui a été condamnée pour crime de génocide à quarante-sept (47) années de prison par le TPIR.

Devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), l’ancien premier ministre du Gouvernement génocidaire, Jean Kambanda, a plaidé coupable des crimes commis dans le cadre de l’auto-défense civile pendant le génocide, en indiquant que ce programme revêtait un caractère criminel planifié par son Gouvernement dans le but d’exterminer les Tutsi.

“Before the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR), the former Prime Minister of the genocidal Government, Jean Kambanda, pleaded guilty to the crimes committed in the context of civil self-defense during the genocide, indicating that this program was a criminal character planned by his Government with the aim of exterminating the Tutsi.”

2)      Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a finalement déclaré qu’un Génocide était en train d’être perpétré au Rwanda

Le 25 mai 1994, Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que les massacres qui étaient commis au Rwanda étaient constitutifs d’un Génocide. Le Secrétaire général de l’ONU, a également affirmé que le fait de ne pas avoir envoyé des troupes au Rwanda a été un échec pour l’ONU, mais aussi, en général, celui de la communauté internationale.

A la même date, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, qui a son siège à Genève en Suisse, a tenu une réunion et a adopté à l’unanimité une résolution qui constate que  « des actes à caractère de génocide ont pu survenir au Rwanda » et prévoit l’envoi sur le terrain d’un rapporteur spécial chargé de mener une enquête au sujet des exactions commises.

La Commission a demandé au Conseil de Sécurité de l’ONU de faire tout son possible pour que ceux qui ont planifié et mis en œuvre le Génocide au Rwanda soient poursuivis en justice. La Commission a souhaité que le Conseil de Sécurité de l’ONU agrandisse le mandat du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie pour que celui-ci puisse être compétent pour juger ceux qui ont planifié et mis en œuvre le Génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda.

La Commission a, en même temps, désigné un expert pour le Rwanda, le professeur ivoirien, René Degni Segui, doyen de la faculté de droit de l’Université d’Abidjan qui a reçu mission de se rendre au Rwanda, enquêter sur les crimes commis au Rwanda et de faire un rapport détaillé à la Commission des droits de l’homme de l’ONU.

3)      Des militaires des Forces armées rwandaises se sont désolidarisés du Gouvernement génocidaire pendant que les troupes du FPR-Inkotanyi continuaient à libérer le pays.

Le 27 mai 1994, certains membres des officiers supérieurs des Forces armées rwandaises, dont le Capitaine François Munyurangabo, se sont désolidarisés des militaires qui mettaient en œuvre le Génocide contre les Tutsi. Entre autres, le Capitaine François Munyurangabo a piloté l’avion du Gouvernement rwandais qu’il avait amené à Dar-Es-Salam, l’a conduit à Nairobi et a déclaré rejoindre le FPR-Inkotanyi pour participer à la libération du pays. Il sera réintégré dans la nouvelle armée nationale.

Le 29 mai 1994, les troupes du FPR-Inkotanyi ont pris la ville de Nyanza et ont pu sauver quelques Tutsi qui vivaient encore. Le lendemain, le 30 mai 1994, les troupes du FPR-Inkotanyi ont pris la ville voisine de Ruhango. Les forces génocidaires reculaient sous la pression militaire des troupes du FPR-Inkotanyi qui chaque jour gagnaient du terrain, raison pour laquelle le Gouvernement génocidaire a demandé à l’ONU de l’aider à avoir des pourparlers avec le FPR-Inkotanyi.

CONCLUSION

A mesure que les forces du Gouvernement génocidaire étaient battues par les troupes du FPR-Inkotanyi qui arrêtaient le Génocide dans différentes régions du pays, les génocidaires redoublaient d’efforts pour exterminer les Tutsi qui avaient survécu ici et là. Ces derniers jours du mois de mai 1994, plus d’un million de Tutsi avaient déjà été tués dans toutes les préfectures du Rwanda. Le programme auto-défense civile dans le cadre duquel avaient été distribués des armes, des grenades et des munitions, y a été pour beaucoup. Quoique ce programme ait été accéléré pendant le Génocide, il avait été mis en place dès 1991 avec l’objectif avoué d’exterminer tous les Tutsi du Rwanda.(Fin).

* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)