Diocèse de Byumba: recours au théâtre communautaire pour lutter contre les violences basées sur le genre

Au premier plan à droite : L’Abbé Jean-Marie-Vianney Dushimiyimana et les enfants.

Avec l’appui de l’ONG suisse Secodev (Service Coopération Développement), le Curé de la Paroisse Cathédrale de Byumba au Nord du Rwanda, l’Abbé Jean-Marie-Vianney Dushimiyimana, a développé un projet d’animation autour du théâtre pour changer les mauvais comportements qui minent la communauté, en menant une lutte contre la violence basée sur le genre. D’abord en attaquant à la racine les maux qui sont à l’origine de cette déviance pernicieuse pour la stabilité et la paix dans les ménages. 

Les pièces de théâtres s’en prennent aussi à la dilapidation du revenu de la récolte agricole ou du bétail, au mépris et à l’absence de respect mutuel au sein du couple, à la propension pour l’alcoolisme.

C’est un théâtre qui vise d’abord les enfants et les jeunes, surtout scolarisés, pour la promotion de l’égalité des droits entre hommes et femmes, en vue d’une meilleure inclusion dans la société et une amélioration des conditions socio-économiques.

« Huit jours après Pâques, j’ai organisé une Fête pour amener les enfants et les jeunes à comprendre que Pâques ou la résurrection du Christ signifie le passage de la mort à la résurrection ou la traversée des moments difficiles. Cela signifie, pour eux, préparer un pays et un avenir meilleurs pour leur vie. Un pays où la femme est respectée et dispose des mêmes droits que l’homme, où la violence conjugale et les grossesses des jeunes filles mineures sont bannies. Nous avons opté comme stratégie, l’utilisation du théâtre communautaire pour y exposer les problématiques de la société, amorcer une discussion pour suggérer des solutions durables et qui conviennent à chacun. Les enfants de toutes les religions sont conviés à cet événement. Les groupes cibles sont certes les enfants et les jeunes, mais aussi les couples et les adultes, les veuves, les bourreaux et les victimes du Génocide contre les Tutsis qui a endeuillé le pays. Tous vont acquérir et consolider des valeurs chrétiennes et humaines qui sont des solutions pérennes pour bannir les conflits domestiques », a-t-il indiqué.

Enfants servants de messe : Inculquer l’esprit missionnaire dès l’enfance.

L’Abbé Dushimiyimana ajoute que le théâtre se focalisera sur les expériences positives et négatives vécues en famille par les enfants. Ces expériences seront transposées dans le théâtre communautaire afin que le public constate et partage ce qui se passe dans les ménages.

« Il s’agit de communiquer pour le changement de comportement. Les choses vont aller vite. Les « Enfants » de l’école primaire et secondaires sont le premier groupe cible qui va communiquer le message que nous voulons transmettre à travers le théâtre attractif. La pièce de théâtre sera présentée également aux couples et aux familles minées par des conflits. Ils vont acquérir certaines valeurs et discuteront des problématiques exposées. Le « Forum des couples » présentera des solutions à partir des thématiques diverses et variées qui seront exposées dans les activités de théâtre. Chaque thème durera 15 à 20 minutes. Chaque individu pourra voir ce qui touche différentes familles. Secodev et le Diocèse Catholique de Byumba désirent donc promouvoir la réduction des inégalités et des violences basées sur genre qui restent bien trop présentes au Rwanda et à travers le monde. Il est dès lors essentiel d’agir dès le jeune âge », poursuit l’actuel Curé de la Paroisse Cathédrale de Byumba.

La sensibilisation des enfants vise à provoquer une prise de conscience et un changement en profondeur des mentalités. On espère qu’avec l’école, l’Eglise et les organisations paysannes, les messages atteindront les enfants, les jeunes et les adultes.

Interrogé sur l’implication de l’Eglise Catholique et de ses partenaires dans le processus d’éradication de la pauvreté, l’Abbé Jean-Marie-Vianney rétorque que sous l’appui de Secodev, le Diocèse a soutenu et accompagné, grâce à des projets de coopération au développement, les populations les plus vulnérables. Celles-ci ont été organisées en coopératives pour qu’elles puissent vivre dignement de leur travail et améliorent leurs conditions de vie. La Paroisse Cathédrale de Byumba a plusieurs initiatives d’assistance aux personnes vulnérables dont les filles-mères, les veuves et les enfants de la rue des quatre secteurs administratifs du district de Gicumbi à savoir : BYUMBA, NYANKENKE, SHANGASHA, KAGEYO. Grâce à ces initiatives et à l’appui de la Paroisse, 654 jeunes mères célibataires se sont organisées en groupes et bénéficient d’un encadrement visant leur autonomie socio-économique. La même Paroisse enregistre 3012 veuves qui ont été accompagnées à s’organiser en associations d’entraide mutuelle où elles y développent des activités génératrices de revenus. Elles sont solidaires et reçoivent un accompagnement psycho-social, étant donné que plusieurs d’entre-elles ont des signes des terribles traumatismes causés par la guerre et le Génocide de Tutsi de 1994. Elles font également face à une pauvreté sans pareille, à la solitude et à la discrimination familiale et sociale », dit-il.

Des jeunes jouent une pièce de théâtre pour fustiger l’alcoolisme.

Secodev est une organisation non gouvernementale suisse à but non-lucratif, active depuis 1970 dans la coopération au développement, œuvrant en faveur des populations défavorisées en Afrique et en Asie. Soucieuse de la responsabilité sociale qu’elle porte en gérant des fonds publics et privés, elle a obtenu le label Zewo en 2020. Sa mission est de soutenir et d’accompagner, grâce à des projets de coopération au développement, les populations les plus vulnérables pour qu’elles puissent vivre dignement de leur travail et améliorer leurs conditions de vie. Secodev s’est dotée d’un modèle qui a fait ses preuves dans la mise en œuvre de projet promouvant l’égalité homme-femme et l’inclusion sociale.

Secodev était le Service de Coopération au Développement de Caritas Genève jusqu’en 2014. Aujourd’hui en tant qu’organisation non gouvernementale indépendante, elle travaille en collaboration avec des partenaires locaux, dans le développement de programme à fort impact social.

Face à la cohabitation entre bourreaux et victimes du Génocide des Tutsis au Rwanda, l’Abbé Dushimiyimana informe que le Diocèse de Byumba s’est doté d’un programme très élargi en matière d’Unité et de Réconciliation, notamment à travers la Commission Justice et Paix. 

« Nous avons beaucoup de clubs chargés d’Unité et de Réconciliation. Et nous avons surtout beaucoup de déviants positifs. Nous avons beaucoup de témoignages donnés par des femmes et des hommes qui sont sorties des conflits, jouissant ainsi des fruits de la réconciliation. Nous avons un service psycho-social ici au niveau du diocèse qui essaie de les accompagner psychologiquement. Ceux qui sont des déviants positifs sont accompagnés. Ils sont renforcés économiquement. Ils travaillent ensemble », confie encore l’Abbé Dushimiyimana. 

Un public de jeunes et d’enfants suivant une pièce de théâtre dans une salle du diocèse.

En guise, de conclusion, le Curé du Diocèse de Byumba a tenu à formuler l’essentiel de son message en ces termes:

« D’abord aux enfants, je dirais qu’ils sont à la fois le pays et l’Eglise d’aujourd’hui et de demain. Alors pour nous, les pasteurs, nous ne devons pas ménager nos efforts, nous devons travailler d’arrache-pied pour que ces enfants soient bien encadrés, eux qui fondent les piliers solides de l’église et de la société. Ils doivent aussi savoir que l’Eglise est là pour eux, mais à également besoin d’eux comme porte-paroles et moteurs de la lutte contre les conflits domestiques, pour la promotion de l’Unité et la Réconciliation des familles et le développement socio-économique des ménages. Pour les parents aussi, je dois rappeler que le premier engagement à honorer, c’est l’éducation aux valeurs. Il ne suffit pas de scolariser son enfant, les parents sont tenus à l’éducation aux valeurs humaines et chrétiennes. Les parents n’ont plus suffisamment de temps à accorder à leurs enfants. Je souhaite leur dire qu’ils doivent avoir un temps suffisant pour l’éducation des enfants. Alors l’Eglise aussi, à travers les initiatives socio-pastorales, sera toujours le protagoniste du développement humain intégral. Enfin, je dirais à Secodev que la Paroisse Cathédrale de Byumba salue avec respect son engagement dans le processus de changement de comportement visant justement le développement socio-économique de nos collines. Il mérite toujours des remerciements, parce que leur contribution demeure pour nous d’un précieux support ». 

Notons qu’en ce jour du 23 Avril, plus de mille enfants et jeunes, ainsi que leurs 60 encadreurs, ont participé au lancement du projet de théâtre communautaire et à la messe marquant la résurrection du Christ qui a été célébrée par le Curé de la Paroisse Cathédrale de Byumba. Après le repas, ces jeunes ont suivi une pièce de théâtre montrant la propension des parents à se tourner vers une consommation d’alcool abusive, ou encore la douloureuse épreuve des grossesses précoces et non désirées qui guette les jeunes filles mineures. Ensuite, deux jeunes filles-mères victimes de ces abus sont venues s’exprimer devant le public avec leurs deux garçons de cinq ans. Elles ont raconté leurs déceptions et leurs souffrances, sur cette grossesse précoce qui a brisé leurs rêves d’avenir et stoppée la poursuite de leurs études. De tels témoignages font partie d’une vaste campagne axée sur la lutte contre les violences sur le genre (GBV) et qui a déjà commencé. (Fin)