DISCOURS DE S.E. MOUSSA FAKI MAHAMAT PRESIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE

17EME SESSION EXTRAORDINAIRE DE LA CONFERENCE DE L’UNION AFRICAINE SUR L’INDUSTRIALISATION

25 NOVEMBRE 2022

NIAMEY (NIGER)

Excellence Mohamed Bazoum, Président de la République du Niger,

Excellences Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Mesdames et Messieurs les Ministres, Membres du Conseil exécutif,

Mesdames et Messieurs les Ministres, de l’Industrie et du Commerce,

Mesdames Messieurs les Commissaires, 

Distingués Invités,

Mesdames et Messieurs,

Trois ans après les assises inaugurales de la réunion annuelle de coordination entre l’UA et les Communautés économiques régionales et Mécanismes régionaux, la belle cité de Niamey s’est à nouveau mobilisée pour accueillir cette session extraordinaire de la Conférence de l’UA consacrée à l’industrialisation et à la diversification économique et la zone de libre échange continentale africaine (ZLECAF).

Je voudrais, en premier lieu, exprimer mes remerciements et ceux de toute la Commission de l’UA à S.E. Mohamed Bazoum, Président de la République du Niger pour la chaleur de l’accueil et pour les bonnes conditions de travail mises à notre disposition à l’effet d’assurer un déroulement productif et harmonieux à nos délibérations. Qu’il lui plaise de bien vouloir transmettre ces marques de gratitude et de satisfaction au gouvernement et au peuple frère du Niger.

Permettez-moi aussi de saisir cette occasion solennelle pour renouveler la reconnaissance de la Commission de l’Union africaine à SE Mahamadou Issoufou, en sa qualité de Champion pour la Zone de libre-échange continentale africaine. Son engagement et son dévouement, auréolés d’un savoir-faire éprouvé, ont largement contribué à sortir la Zone de libre-échange continentale africaine de ses limbes et la hisser sur ses fonts baptismaux opérationnels. 

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Le libellé du thème de notre rencontre, « Industrialiser l’Afrique : un engagement renouvelé pour une industrialisation et une diversification économique inclusives et durables » combine deux regards sur la problématique de l’industrialisation du continent. Le premier regard est rétrospectif, le second prospectif.

La rétrospection est confirmée par le renouvellement de l’engagement en faveur de l’industrialisation. Nos leaders, vos Excellences, n’ont jamais manqué de conférer à l’industrie une valeur stratégique en la positionnant, à la fois, comme un objectif majeur et un moyen salutaire dans la quête de la transformation économique.

Ce positionnement s’est manifesté par la proclamation des Décennies 1, 2 et 3 du développement industriel de l’Afrique ainsi que par l’adoption de stratégies successives. La plus récente de celles- ci, datant de 2008, est la Stratégie pour la mise en œuvre du Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique, connue sous l’acronyme anglais de « AIDA ».

Toutes ces politiques d’industrialisation élaborées au fil des décennies et adoptées par les organes délibérants de l’Union africaine ne se sont pas toujours soldées par des résultats conséquents. Le reconnaître sans détours est une motivation pour nous surpasser dans nos efforts d’amélioration de nos résultats.

Si d’incontestables progrès significatifs sont observés dans certains États membres, dans d’autres en revanche le secteur de l’industrie a stagné quand il n’a pas régressé. Il ne représente en moyenne que moins de 15% dans le produit intérieur brut.  Par ailleurs, les produits exportés n’accusent qu’un très faible contenu technologique. Ces contre-performances nous interpellent doublement, en tant qu’États membres et en tant qu’organisation continentale.

Le regard prospectif que nous nous apprêtons à jeter sur le processus de l’industrialisation de notre continent devrait donc se nourrir, d’une part, de l’interrogation sur le passé, sur l’identification des facteurs qui ont plomber l’Afrique dans sa marche vers l’industrialisation et d’autre part sur les tendances lourdes, les ruptures et les germes de changement qui sont en train de façonner l’avenir de l’économie mondiale.

En effet, les scénarios prospectifs de l’économie mondiale seront influencés par l’évolution démographique estimée actuellement à 8 milliards d’êtres humains, l’accélération des mutations technologiques en cours, la pression des changements climatiques, la sécurisation de l’accès aux sources énergétiques, les risques liés à la mondialisation de la finance, la montée des tensions sécuritaires due  aux conséquences désastreuses  du terrorisme et des défis  à la sécurité alimentaire, ainsi que les  conditions climatiques etc.

C’est dans ce contexte que nous devrions aujourd’hui repenser le modèle d’industrialisation de l’Afrique. L’enjeu déterminant, dans le choix de s’industrialiser, réside dans la prise en compte objective de l’ensemble de nos potentialités et dans la pertinence des arbitrages entre une pluralité de schémas.   

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Classiquement, la porte d’entrée de l’industrialisation s’ouvre sur l’agriculture au sujet de laquelle l’Afrique dispose d’énormes potentialités. La transformation du secteur agricole, à travers la Déclaration de Malabo, devrait permettre l’augmentation de la productivité qui se traduirait par la réduction des importations des produits alimentaires estimées à 15 milliards de dollars par an et libérerait des ressources humaines et financières pour le développement de l’industrie.

L’énergie, variable importante de toute activité industrielle, agissant à la fois comme facteur de production et de compétitivité, détermine, en fonction de sa disponibilité, le choix à opérer en matière d’industrialisation. En Afrique, l’investissement dans l’énergie pourrait opérer comme un vecteur d’intégration régionale et de promotion de l’industrie quand nous savons que la consommation de l’énergie reste très faible sur le continent. Plus de 600 millions d’africains n’ont jamais connu d’électricité!

Certes, nos efforts d’industrialisation porteront prioritairement sur la transformation de nos ressources naturelles. Cette option bien compréhensible devra cependant s’obliger à construire une passerelle vers les avancées fulgurantes de la 4ème révolution industrielle qui mobilise des technologies de pointe axées sur les diverses composantes de l’intelligence artificielle.

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Au-delà des priorités sectorielles à définir selon les spécificités et les potentialités de chaque pays, le processus d’industrialisation gagnerait à être pensé dans une logique de diversification complémentaire et horizontale entre les États membres.

La traduction de ces choix dans la réalité est subordonnée à une interaction positive entre la dynamique des réformes internes déjà engagée et la dynamique externe.

Au plan interne, l’industrialisation associée à la diversification économique, viendra bouleverser toutes les politiques publiques pour les reconfigurer conformément à ses propres exigences, qu’il s’agisse des politiques en matière d’éducation et de formation, du climat des affaires, des normes et de la conformité, de l’investissement, de la concurrence, de la propriété intellectuelle et j’en passe.

A ces réaménagements à opérer en interne viennent s’ajouter les effets, pas toujours heureux, de la dynamique du contexte externe.  Ce dernier reste déterminant pour l’industrialisation des pays africains. Il permet de réaliser des économies d’échelle nécessaires pour améliorer la production et les exportations, attirer les financements extérieurs pour pallier les carences de l’épargne intérieure, s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales, renforcer la demande en transfert de technologie, développer le commerce intra-africain par les divers leviers offerts par la ZLECAF dont je me félicite des progrès accomplis. Le Rapport du Président Issoufou et celui du conseil extraordinaire des ministres du commerce africain nous éclaireront mieux à cet égard. 

Au-delà de toutes ces dimensions connues que je viens de rappeler, je retiens que l’industrialisation, la diversification économique, la Zlecaf sont déterminants assurément. Il reste cependant solidement établi que les immenses difficultés à aplanir, tant au niveau des infrastructures de base qu’aux niveaux juridiques et techniques, ne seront jamais surmontées sans une forte volonté politique.  Cette condition n’a qu’un seul nom : notre unité et la force de notre détermination transformatrice. A l’Afrique de s’armer de cette volonté. 

Le jour où elle le fait industrialisation et la ZLECAF seront devenues ces deux bâtisseurs de l’Afrique que nous voulons: une Afrique  intégrée, prospère et en paix.

Je vous remercie de votre bienveillante attention. (Fin)