Exécution du génocide des Tutsi dans l’ancienne commune de Kabarondo

Kigali: Dans la Préfecture de Kibungo, les milliers de Tutsi ont été tués le plus souvent à l’arme blanche. Seules quelques armes à feu avaient été distribuées à la population et utilisés pendant le génocide.

Dans la Commune Kabarondo le site qui a connu le massacre d’un très grand nombre de Tutsi pendant le Génocide commis contre les Tutsi est l’Eglise de Kabarondo. Des Tutsi qui étaient venus des Communes environnantes comme Kayonza, Rukara et Kigarama s’y étaient réfugiés. Ceux qui n’avaient pas pu rejoindre les autres à l’Eglise ont été abattus dans leurs propriétés ou ailleurs, et jetés dans les latrines. Les Secteurs où il y a eu le plus de tueries sont Ruyonza, Ruramira, Nkamba, Rukira et Nyungwe.

Dans cette Commune, les familles cohabitaient de sorte qu’il était facile d’identifier si tel est Hutu et si tel est Tutsi. Ainsi, les Tutsi ne pouvaient pas cacher leur identité.

Selon un survivant du génocide de la Commune Kabarondo qui était le curé de la Paroisse de Kabarondo, le génocide a été planifié et rigoureusement exécuté. Il met en évidence le carnage qui a été commis dans son Eglise de Kabarondo où il avait accueilli 4.000 personnes fuyant les tueries entre le 7 et le 13 avril 1994, en évoquant «un effroyable épisode de l’histoire du Rwanda».

Selon cet informateur, se réfugier dans les Eglises était un réflexe gravé dans la mémoire collective des Tutsi, depuis les pogroms de 1959 et 1963. A 9 ans, il a lui-même fui les persécutions en se réfugiant dans une Eglise. En effet, jusqu’en 1994, les édifices religieux étaient considérés comme des sanctuaires inviolables.

A la Paroisse, les réfugiés étaient apeurés, et racontaient comment, dans les Communes voisines, les Tutsi étaient traqués et que des chiens étaient utilisés pour les débusquer.

Pour leur sécurité, les réfugiés de la paroisse avaient organisé des rondes autour de la Paroisse. Selon l’informateur, avant le 13 avril « Tout autour, on tuait des gens, on tuait des enfants, on éventrait des femmes, tout le monde ne parlait que de ça à la Paroisse ». Et le 13 avril, le génocide gagna presque toute la région de Kabarondo.

Les massacres ont débuté à 8h00, et ont duré toute la journée, avec plusieurs vagues d’attaques. Les réfugiés de l’Eglise de Kabarondo jetaient des pierres sur leurs assaillants. Ces pierres et ces briques étaient normalement destinées à agrandir l’Eglise. Mais ils ne pouvaient pas faire face aux machettes et aux grenades des tueurs, car ils étaient attaqués de toute part.

Enfin, vers 17h, les portes de l’Eglise ont été défoncées, les miliciens Interahamwe ont pris le relais des militaires et tué les survivants tutsi à l’arme blanche, et ont pillé tout ce qu’ils pouvaient. Ce jour-là, au moins 2.000 Tutsi ont été tués.

Selon la survivante Francine Uwera, l’assaut avait duré des heures, et elle était couverte de sang, tandis que son amie Beata Uwamwezi s’était écroulée, blessée à l’épaule. Au milieu de l’après-midi du 13 avril, les assaillants parvinrent à défoncer la porte de l’Eglise. Ils hurlèrent aux réfugiés de sortir, les mains en l’air, et d’exhiber leurs cartes d’identité où figurait la mention de l’ethnie, et les ont fait agenouiller, baisser la tête, et commencèrent à les donner des coups de gourdin et de machettes.

Le survivant du génocide Jean-Damascène Rutagundira à l’Eglise de Kabarondo est crucial, car il fut l’un des seuls survivants à assister à la scène depuis l’extérieur de la Paroisse « J’étais avec un ami, nous étions cernés par les Interahamwe d’un côté, et les balles de l’autre. Dans la confusion de la bataille, nous nous sommes couvert le visage et on s’est mêlé à la foule des tueurs», raconte-il.

Il avait pu assister aux tueries de ses proches devant l’Eglise, sans oser intervenir de peur de trahir sa présence dans la foule des assassins.

Dans ces tueries du 13 avril 1994, le survivant du génocide a perdu 21 membres de sa famille, dont son épouse, ses frères et ses sœurs et tous ses enfants. Le dernier était âgé de quelques semaines. Ce jour-là à l’Eglise, le sol était couvert de cadavres.

Une survivante, Constance Mukabazayire, a rapporté les propos du Bourgmestre de Kabarondo avant les tueries de l’Eglise de Kabarondo lors d’une réunion tenue sur la place du marché « Allez tuer les Tutsi. Aucun enfant hutu ne doit demander un jour à quoi ressemblait un Tutsi ». Dès lors, le feu vert était donné, et les tueries se sont répandues dans toute la Commune Kabarondo.

Le témoin-bourreau François Nzigiyimana a témoigné sur le fait qu’Octavien Ngenzi était venu au Secteur de Rubira, avec 4 véhicules, pour récupérer des hommes qui devaient aller enterrer les corps des victimes de l’attaque de l’Eglise. Selon lui, Octavien Ngenzi voulait enterrer ces corps pour que les Inkotanyi ne les trouvent pas à leur arrivée. En route pour Kabarondo, les véhicules s’arrêtèrent pour récupérer des pelles et des houes dans un local du CERAI.

Arrivés à Kabarondo, le Bourgmestre sépara les gens en deux, un groupe étant chargé de l’enterrement des corps de la Paroisse, un autre de ceux du centre de santé.

Le même témoin-bourreau faisait partie du second groupe et a ajouté qu’un policier communal les accompagnait. Il déclare qu’arrivés au Centre de Santé, ces hommes qui devaient évacuer les corps des victimes trouvèrent des corps ainsi que des personnes blessées lors de l’attaque de la Paroisse. Dans le groupe, certains enterraient les corps, tandis que d’autres tuaient les rescapés. Les rescapés hurlaient lorsque les Interahamwe les achevaient au Centre de Santé. Les membres du groupe des Interahamwe qui étaient allés au Centre de Santé avaient tout fait pour terminer vite et aller tuer dans d’autres endroits. (Fin)