Kwibuka27: «Conforter les survivants pour les aider à retrouver la résilience si nécessaire à leur reconstruction» – Ambassadeur Sebashongore

L’Ambassade du Rwamda en Belgique, les autorités belges, la communauté rwandaise en Belgique, et les amis du Rwanda, ont organisé la 27ème commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Lire le message de l’Ambassadeur du Rwanda en Belgique, Dieudonné Sebashongore, visant à conforter les survivants du génocide pour les aider à retrouver la résilience si nécessaire à leur reconstruction :

Au nom du gouvernement de la République du Rwanda, et en mon nom propre, j’aimerais tout d’abord vous remercier de vous être joints à nous. Nous apprécions ce geste de soutien en ce jour essentiel où nous commémorons, pour la 27ème fois, les victimes du Génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 au Rwanda. 

Pour la deuxième année consécutive, nous nous réunissons dans des circonstances exceptionnelles qui nous empêchent de nous rassembler en grand nombre. Heureusement, la technologie nous permet malgré tout d’être en communion avec les survivants, pour nous souvenir des disparus et mener une réflexion sur le Génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

La commémoration est un moment sacré pour rendre hommage aux vies perdues et aux survivants. Nous les honorons en préservant leur mémoire, en restituant l’humanité qu’on leur a enlevée, et en confortant les survivants afin de les aider à trouver la résilience si nécessaire à leur reconstruction.  

Le devoir de mémoire exige également de mener une réflexion quant au rôle de l’éducation. Enseigner l’histoire du Génocide perpétré contre les Tutsi est le meilleur moyen d’éviter les dérives négationnistes qui prolifèrent en ce moment, et dont la Belgique est malheureusement un terreau de prédilection.

Un génocide est un phénomène politique et historique spécifique. Il s’agit de la destruction totale, systématique et organisée d’un groupe visé dans son entièreté, pour ce qu’il est. D’innombrables documents, témoignages et rapports de recherches facilement accessibles attestent de l’aspect incontestable du génocide qui a ciblé les Tutsi en 1994.

Nommer les choses clairement est d’autant plus important que vingt-sept ans après les faits, le négationnisme et le révisionnisme jouent sur les mots et les détails pour distordre les faits et manipuler l’histoire.  Il est essentiel que nous soutenions, ensemble, ce travail de mémoire afin d’honorer ceux qui sont disparus.  

C’est en enseignant l’histoire du génocide, ses conséquences et les leçons apprises, qu’on offre aux nouvelles générations les outils nécessaires pour promouvoir les droits de l’Homme, et prévenir d’autres génocides.

La justice est essentielle dans notre processus de reconstruction. Je me réjouis des procès qui ont été entamés contre des suspects au cours de l’année écoulée. 

L’arrestation en mai dernier de Félicien Kabuga, l’un des cerveaux du génocide, après 26 années de traque, est un signe particulièrement encourageant, et ce d’autant plus que son arrestation a été rendue possible par une étroite coopération entre plusieurs pays européen et le Mécanisme international des Nations Unis appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux en ce compris le TPIR. 

Mais de nombreux génocidaires présumés continuent de vivre en liberté, en Belgique, en France, au Royaume-Uni et à travers le monde. La lutte contre l’impunité doit rester une priorité pour nous, ainsi que pour nos partenaires. Malgré ces développements encourageants, la tâche qu’il nous reste à accomplir est conséquente.

Nous devons également demeurer vigilants face à la montée de nouvelles formes de négationnisme de plus en plus insidieuses. Le temps du déni pur et simple du génocide est passé, remplacé par des débats stériles et infondés visant à diluer la spécificité́ du crime perpétré contre les Tutsis et à entretenir une confusion artificielle autour des faits.

Une confusion d’autant plus à entretenir que la majorité de la population et des dirigeants occidentaux possèdent des connaissances limitées sur le continent africain. Cette absence de compréhension des bases de notre histoire ouvre la porte à tous les abus. 

C’est ainsi que le Parlement européen a voté deux résolutions pétries d’omissions et d’incompréhensions au cours des derniers mois. Il est extrêmement regrettable que des institutions respectables aient offert une telle plateforme aux théories révisionnistes les plus folles.  

A l’avenir, nous espérons que le respect que nous avons pour la souveraineté de ces institutions deviendra réciproque afin de faciliter, entre autres, la relance de la coopération interparlementaire et le respect de la séparation des pouvoirs chers à notre état de droit. 

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Vous le savez, le Rwanda est un sujet vendeur. De notre histoire tragique à notre renaissance inespérée, nombreuses sont les personnes qui utilisent notre réalité pour se mettre en avant.

Les 27 dernières années ont été semées de rumeurs et de scandales fabriqués de toute pièce. Malgré les difficultés, il est important de ne pas prêter attention à ces distractions dont le seul objectif est de nous dévier de la trajectoire transformatrice que nous nous sommes fixés.  

Heureusement, ces distractions existent en parallèle à de véritables contributions envers le travail de mémoire. L’année qui vient de s’écouler en a été un très bel exemple, avec l’adaptation au cinéma des romans comme “Petit Pays” et “Notre Dame du Nil”; la publication du rapport Duclert ou la divulgation d’archives en passant par la sortie d’ouvrages pertinents et l’organisation de webinaires instructifs. 

Si la vérité est toujours plus lente fasse aux mensonges, il n’en demeure pas moins que son ancrage dans l’histoire est inversement proportionnel au buzz des élucubrations. Tâchons de faire abstractions du doigt qui cache la forêt, et prenons le temps d’apprécier nos victoires et les bonnes nouvelles qui nous arrivent.

Restons donc positifs. Vous connaissez la vérité. Les négationnistes de tous bords disparaîtront un jour sans laisser de trace, car les mensonges, aussi envahissants qu’ils soient, ont peu de poids face à la réalité des faits.

Chers compatriotes,

Face à la destruction de notre nation due au génocide des Tutsi en 1994, nous avons pu nous relever en faisant ces trois choix: 

1) Rester ensemble et unis ;  

2) être responsable vis-à-vis de notre peuple et de nous-mêmes ; 

3) être ambitieux pour porter plus loin notre pays dans son accomplissement ;

La lutte que nous devons mener pour la vérité a plusieurs dimensions et nous concerne tous. Même lorsque les attaques que nous subissons prennent un aspect politique, c’est fondamentalement la survie de notre nation qui est de nouveau engagée.

Nous venons de loin, et nous pouvons nous réjouir du chemin parcouru. Mais la bataille continue. Ne soyons pas naïfs. L’idéologie et la haine qui ont fait plonger le Rwanda dans l’abîme il y a 27 ans continuent de se répandre. Nous ne pouvons pas être timides, paresseux, ou limités dans nos actions.

Nous devons faire bloc et s’assurer qu’il soit le plus hermétique possible. Focalisons notre énergie sur ce qu’il y a à faire et non sur les éléments qui contribuent à nous défaire. Nos querelles ou nos erreurs servent la cause de nos détracteurs aux détriments de la mémoire des nôtres. 

Très chers rescapés, 

La crise sanitaire actuelle nous isole en ce moment difficile où vous replongez dans les souvenirs terribles des 100 jours de 1994. Puisse la force qui vous a permis de sortir de l’abîme, à nouveau vous accompagner pour les jours, semaines et mois à venir.

Nous ne pouvons être présents à vos côtés, ni vous apporter le réconfort nécessaire, mais nos pensées sont avec vous. Nous allons également organiser plusieurs actions au cours de cette période, pour symboliquement entretenir la flamme que nous venons d’allumer et de ce fait constituer une chaleur qui, je l’espère, contribuera à vous épauler.  Je vous remercie pour votre attention.  (Fin)