La Maison Shalom fête ses 30 ans au camp de Mahama sous le signe de «l’amour humanitaire»

Marguerite Barankitse lors de la célébration du 30ème anniversaire de sa fondation

Maison Shalom, une ONG humanitaire burundaise qui opère au Rwanda depuis huit ans, fête ses 30 ans d’existence cette semaine. De Ruyigi (Burundi) au camp de Mahama (Rwanda) en passant par Kigali, son amour humanitaire est aussi salué par plus de 5000 jeunes réfugiés burundais scolarisés. 

Recherchée par son pays, Marguerite Barankitse, fondatrice de la Maison Shalom, jouit pourtant d’une place d’honneur sur la scène internationale, rappelle le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé ce dossier.  

Le 24 octobre 1993, l’idée de la Maison Shalom est née au diocèse de Ruyigi à l’est du Burundi, comme le relate Marguerite Barankitse qui y travaillait à cette époque.

« J’ai d’abord recueilli des enfants orphelins au lendemain de l’assassinat du président Ndadaye. Leurs parents venaient d’être tués au sein du même diocèse. Certains de ces enfants étaient issus d’ethnies différentes de la mienne. Mais moi, je l’ai fait par le simple amour du prochain », se souvient-elle.

De 1993 à 2015, la Maison Shalom a connu des hauts et des bas, comme le rapportent des témoignages lors de la célébration de son 30ème anniversaire à Kigali au Rwanda.

« Ascension particulière dans tous les domaines, orphelinat, écoles primaires et secondaires, formation professionnelle, lancement d’un hôpital et d’un établissement de microfinance, etc., Ruyigi prend presque le nom de Maison Shalom », affirment ceux qui sont passés par les centres de la Maison Shalom.

De l’humanitaire au « criminel présumé »

Avant d’être épinglée par le régime burundais comme « ennemi juré », l’ancien président burundais Pierre Nkurunziza avait remis un trophée et baptisé Barankitse « Maman Burundi », en guise de reconnaissance aux œuvres charitables de la Maison Shalom.

Mais la situation change avec la crise de 2015. Barankitse est mise sur une liste de présumés putschistes, un mandat d’arrêt international est lancé contre elle, alors qu’elle est en exil.

« Je suis déçue que parmi les autorités burundaises qui me haïssent, plusieurs d’entre elles sont passées par la Maison Shalom, jusqu’au sommet de l’Etat. Mais, rien n’arrêtera la force de l’amour. Je dois rester debout dans la dignité. Je ne désarme pas », assure-t-elle.

Elle ne nie pas son activisme pour « la dignité ». «Comment ne pas se lever contre un régime sanguinaire qui tue ses enfants, souvenez-vous de Jean Népomuscène Komezamahoro (le premier enfant qui a été tué par la police le premier jour des manifestations contre un autre mandat de feu président Pierre Nkurunziza le 26 avril 2015) et d’autres vies fauchées? Je suis contre ces assassinats, rien que ça. Je rêve d’un Burundi digne », a-t-elle lancé.

Le nom de « Maggy » résonne à Mahama

Quand elle a fui le pays au début de la crise politique de 2015, elle a délocalisé les activités de la Maison Shalom au Rwanda, essentiellement au camp de Mahama « pour être au plus près de mes compatriotes avec qui nous avons fui ensemble».

Dans ce camp qui a d’abord accueilli plus de 72.000 Burundais, la Maison Shalom y a apporté une assistance significative.

« Plus de 5000 jeunes scolarisés de la maternelle à l’université en passant par le secondaire et la formation professionnelle, plus de 2100 réfugiés soutenus économiquement ou encore plus de 2000 cas de suivi psychologique », relate le rapport de la Maison Shalom.

« Ici à Mahama, le nom de ‘Maggy’ est une fierté pour nombreux d’entre nous. Par exemple, il y a des projets d’agro-élevage, des formations en art culinaire, des encadrements culturels, des actions de lutte contre la délinquance juvénile, sans parler des centres de loisir, d’études ou encore des élèves scolarisés et des universitaires qui viennent de Mahama », s’enthousiasment des parents et éducateurs au camp de Mahama.

Les cérémonies marquant le 30ème anniversaire de la Maison Shalom débutées le mardi 24 octobre, se sont poursuivies justement au camp de Mahama le jeudi de cette semaine.

« C’est la joie en tout cas pour nous, on a vu des enfants qui dansaient et chantaient, plusieurs témoignages qui louent les actions de la Maison Shalom. Donc, on dirait que nous avons retrouvé la dignité en plein exil », se réjouissent des réfugiés burundais.

La Maison Shalom est pour le moment une ONG Humanitaire de droit rwandais. Sa fondatrice détient un statut de réfugié du Luxembourg.

Au cours d’un débat ce mercredi au siège de la fondation à Kigali, aux côtés de l’éminent défenseur des droits humains, longtemps fonctionnaire onusien Eugène Nindorera, Aissatou Dieng-Ndiaye, représentante pays du HCR au Rwanda, a souligné que la Maison Shalom est « un partenaire incontournable pour le relèvement communautaire de la vie des réfugiés au Rwanda».

Ces panélistes ont insisté sur « l’adaptation de la notion d’Ubuntu en temps de crise, notamment dans le contexte de l’exil » dans lequel vivent l’essentiel des bénéficiaires des activités de la Maison Shalom.

Depuis sa création, plus de 47.000 enfants sont passés par la Maison Shalom. (Fin)