L’armée burundaise reste muette sur la mort de ses militaires en RDC mais les enterre

Un prêtre de la communauté des Pères Dominicains, bénit le cercueil du major Ernest Gashirahamwe au moment où ses anciens compagnons d’armes se prosternent avant son inhumation, le 16 novembre 2023 à Bujumbura

Ce jeudi, l’armée burundaise a inhumé le plus haut gradé de ses militaires tombés sur le champ de bataille en RDC. Le M23 dit avoir capturé plusieurs éléments de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) ces deux dernières semaines et tué beaucoup d’autres. 

Le haut commandement de l’armée burundaise reste muet sur cette situation.  Au moins vingt militaires ont déjà perdu leur vie dans les affrontements avec le M23, selon des sources contactées par le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé le dossier. 

Depuis quelques jours, l’armée burundaise inhume ses hommes, tués par les rebelles du M23 dans la province du Nord-Kivu à l’est de la RDC. L’enterrement se fait dans la discrétion, pour la plupart des cas.

Ce jeudi, c’était le tour du major Ernest Gashirahamwe. Il est tombé sur le champ de bataille sur le sol congolais le 5 novembre dernier. Il commandait une compagnie (plus de 120 militaires). Il a été enterré dans le plus grand cimetière de Mpanda, en province de Bubanza (ouest du Burundi).

Un représentant de la FDNB , a loué le courage de cet officier sans parler de la mission à laquelle il était affecté quand il est décédé.

« […] Il avait intégré l’armée burundaise en date du 23 octobre 2002. Il a été affecté à différents camps où il a rempli sa mission avec courage, détermination et bravoure de façon exceptionnelle. Il a été posté dans des centres des opérations de maintien de la paix où sont formés les militaires déployés dans les pays voisins ou ceux avec qui nous avons signé des accords.

« Le major Gashirahamwe Ernest est mort le 5 novembre 2023 alors qu’il remplissait sa mission quotidienne », a dit le colonel Miburo qui a lu le parcours professionnel du défunt. Il a rappelé que cet officier a servi en Somalie dans le passé. Le ministre burundais en charge de la défense et des anciens combattants, Alain Tribert Mutabazi s’est joint à la famille de Gashirahamwe mais n’a pas pris de parole.

Morgue

Selon nos sources, les corps des militaires tués sur le territoire du vaste pays de l’Afrique centrale ne sont pas conservés à l’hôpital militaire de Kamenge (nord de la ville commerciale Bujumbura). Ils reposent plutôt dans une morgue située non loin de l’aéroport international de Bujumbura.

Des cadavres enterrés dans la précipitation

Selon des sources militaires et des témoins, certains corps sont enterrés dans la précipitation sans que les familles des concernés ne soient informées. Il s’agit là des cadavres qui arrivent étant déjà dans un état de décomposition.

« Même dans le cas du major Ernest, c’est sa famille proche seulement qui a vu le corps », a indiqué à SOS Médias Burundi un proche qui a participé à l’enterrement.

Chiffres

D’après le très célèbre activiste burundais Pacifique Nininahazwe, au moins 13 militaires burundais dont le major Gashirahamwe et un sous-officier, ont été tués ces derniers temps au Nord-Kivu. Trois autres soldats ont été pris en otage par le M23.

« Nous avons capturé plusieurs militaires, nous en gardons vraiment en otage beaucoup d’entre eux. Notre unité de renseignements est en train de faire la vérification pour connaître l’identité des otages et leur provenance », a affirmé à SOS Médias Burundi le major Willy Ngoma, porte-parole militaire de la rébellion.

Et d’ajouter : «nous en avons tué beaucoup partout, à Kitschanga et dans d’autres localités…même un commandant-bataillon, un major de l’armée burundaise a été tué, beaucoup d’officiers sont morts… Je vous rassure qu’il y a un commandant-bataillon qui a été tué. Il y en a plusieurs qui ont été tués, vous aurez les détails le moment venu ».

La rébellion a sorti un communiqué le 14 novembre, qui invite la presse à une conférence de presse ce samedi 18 novembre à Bunagana non loin de la frontière avec l’Ouganda, une localité que le M23 contrôle depuis mi-juin 2022. Les otages devraient être présentés à la presse locale et internationale et un bilan des récents affrontements donné.

Le 9 novembre dernier, le porte-parole de l’armée burundaise a accusé le M23 d’avoir bloqué à deux reprises en octobre dernier un convoi de l’armée burundaise qui allait ravitailler en vivres les militaires burundais à Mweso et Kitshanga dans le Nord-Kivu. La veille, les militaires burundais avaient déserté leurs positions dans les deux localités, une situation qui s’est accompagnée d’un déplacement massif des populations civiles.

Selon le colonel Floribert Biyereke, « le contingent burundais est obligé de prendre des mesures qui s’imposent ». Dans un point de presse où les journalistes n’ont pas été autorisés à poser de questions, il a parlé d’une situation « qui ne peut pas perdurer ».

Des enterrements soigneusement préparés pour éviter que les familles se connaissent

Ce jeudi, lors de l’enterrement du major Gashirahamwe, une autre famille venait d’inhumer un autre soldat qui est aussi tombé sur le champ de bataille en RDC. Mais les autorités burundaises se sont arrangées pour que les convois ne se croisent pas.

« Nous, au moment où on arrivait à Mpanda, eux ils étaient en train de repartir. Leur convoi a été dévié et redirigé vers une autre rue non principale pour que l’on ne se croise pas. Le Burundi est petit vous savez et presque tout le monde se connaît. Les autorités militaires ne veulent pas que les familles des militaires tués en RDC se connaissent », a dit à notre rédaction une personne qui a participé à l’inhumation du major Ernest Gashirahamwe.

Ces informations sont également confirmées par l’activiste Nininahazwe.

Pour des militaires qui meurent en mission de maintien de la paix en Somalie par exemple, la famille reçoit l’équivalent de la moitié de 100 mille dollars en francs burundais sur le taux officiel au moment où l’autre moitié est versée au gouvernement burundais.

Pour les victimes de la guerre en RDC, la situation reste confuse.

Le Burundi dispose de deux contingents sur le sol congolais. Le premier est affecté dans la force régionale de l’EAC, l’autre ayant été déployé dans un cadre bilatéral entre les gouvernements burundais et congolais.

Les éléments de la FDNB qui sont connus pour avoir participé dans la libération de la capitale somalienne Mogadiscio des mains des terroristes shebab et qui se démarquent dans la lutte contre des milices en Centrafrique, sont humiliés dans le Nord-Kivu par le M23 suite au manque d’équipements nécessaires et de ration suffisante, selon des sources proches du dossier.

Sur les réseaux sociaux, la mort de militaires burundais sur le sol du plus grand voisin de l’ouest du Burundi, a suscité beaucoup d’indignation.

Les autorités de la petite nation de l’Afrique de l’est restent muettes mais enterrent ces militaires « tombés au champ de la honte » (Fin)