“Le 20 Juin : Pourquoi la Célébration de la Journée des Réfugiés?” – Aissatou Ndiaye

La Représentante du HCR, Aissatou Ndiaye; 

La Journée des Réfugiés a été célébrée ce 20 Juin dans le site de Norrsken à Kigali en présence de la Ministre en charge des Réfugiés, Solange Kayisire, de la Représentante de l’Agence onusienne des Réfugiés (HCR), Aissatou Ndiaye, des divers partenaires, et des délégués des réfugiés et chercheurs d’asile, dont certains ont livré des témoignages d’espoirs bâtisseurs du futur.

La Représentante du HCR, Aissatou Ndiaye, explique l’origine de cette Célébration :

« La Journée du 20 Juin a commencé à être célébrée depuis 2001.  La première fois. C’est depuis l’anniversaire de la Convention sur les réfugiés en 2000. Et en 2001, on a décrété que le 20 Juin serait la Journée Internationale des Réfugiés. C’est très important de savoir que ce sont des personnes qui souffrent, qui sont avec nous. Nous devons leur donner de l’espace pour qu’ils puissent trouver la sécurité, étant donné qu’ils fuient leur pays d’origine à cause des conflits ou des persécutions. Il faut une fois l’an leur consacrer une journée pour qu’on puisse parler d’eux, les assister, et les aider à trouver une solution durable. Et la meilleure solution durable est que la paix revienne chez eux afin qu’ils retournent chez eux. Aujourd’hui, on a célébré cela au Rwanda, dans tous les pays du monde ».

Abordant la question de l’autosuffisance des réfugiés, elle répond :

« Nous travaillons avec le Gouvernement rwandais, et les partenaires. Il faut aider les réfugiés pour qu’ils puissent s’aider eux-mêmes. Nous amenons des financements pour assister les réfugiés dans différents domaines. Les réfugiés qui sont au Rwanda, c’est depuis longtemps, depuis 20 ans en moyenne. Il faut les aider à ne plus dépendre de l’assistance humanitaire, mais de développer leurs capacités pour qu’ils se prennent en charge. Et dans cela, il y a l’éducation, des formations professionnelles pour trouver du travail, parce qu’au Rwanda, on a la possibilité de travailler en tant que réfugiés. Ce n’est pas tous les pays qui donnent cette opportunité aux réfugiés. C’est dans ce sens-là que nous travaillons.  Donner les capacités, développer l’expertise pour que les réfugiés puissent contribuer, parce que nous sommes dans un environnement de développement. L’assistance humanitaire se raréfie et il faut aider les réfugiés à contribuer économiquement dans le tissu socio-économique du Rwanda. C’est dans ces sens-là que nous travaillons : le HCR, les partenaires et tous les acteurs de développement ».

Quand le HCR rend le réfugié moins dépendant de l’aide

Il existe un département au sein du HCR de Kigali dénommé Unité pour l’Amélioration des Conditions Economiques du Réfugié en vue de le rendre moins dépendant de l’aide. C’est dire que l’autonomie économique du réfugié est un aspect qui vise à rendre au réfugié sa dignité et son autosuffisance économique.

Pour cela, le HCR travaille avec ses nombreux partenaires. Certains utilisent leur argent. Ce sont des partenaires de mise en œuvre 

Pour atteindre son objectif, le HCR recourt à ses propres ressources pendant que d’autres partenaires galvanisent leurs fonds. On les appelle des partenaires opérationnels. Le HCR travaille avec le Ministère de tutelle ou MINEMA (Ministère de la Gestion des Désastres et des Réfugiés), le MINALOC (Ministère de l’Administration Locale), le MINECOFIN (Ministère des Finances et de la Planification Economique), les agences de l’Etat, les banques, le Secteur Privé et les ONG.

On a plusieurs projets visant l’autosuffisance du réfugié et qui sont mis en œuvre conjointement par le MINEMA, la BRD (Banque Rwandaise de Développement) et les banques commerciales. On peut citer dans ce cadre le Projet Jya Mbere (ou Va de l’avant) visant l’inclusion socio-économique du réfugié au Rwanda.

Des femmes réfugiées vendent leurs produits dans des stands

Le Projet Jya Mbere doté de $US 80 millions est financé par la Banque Mondiale. Il a débuté en 2019 et devait se poursuivre jusqu’en 2024. Mais suite à la Covid-19 qui a handicapé son cours, il a été prolongé jusqu’à 2026.

D’autres projets sont mis en œuvre par la Caritas et World Vision. Ils octroient des dons aux réfugiés ayant bénéficié d’une formation en entreprenariat. Ces réfugiés peuvent alors mettre en œuvre leur plan d’affaires qui permet d’émerger de la dépendance de l’aide et de sortir de la pauvreté.

D’autres partenaires mettent l’accent sur la formation professionnelle. C’est le cas de la GIZ (Agence de Coopération Allemande) et Maison Shaloom qui renforcent les jeunes au niveau des métiers. C’est aussi le cas de La Croix Rouge du Rwanda, partenaire de la Croix Rouge Belgique, tous présents dans les camps des réfugiés de Mahama, Nyabiheke, Kiziba, Mugombwa et Kigema. Notons qu’on a d’autres réfugiés dans des sites urbains comme la Mairie de la Ville de Kigali, Huye et Bugesera.

Dans le camp de Mugombwa, district de Gisagara, on a une coopérative agricole qui exploite le marais de Misizi. Le district a donné la terre à cette coopérative composée de réfugiés et de Rwandais des environs qui constituent la communauté hôte. Ce sont en tout 1400 ménages qui ont des activités agricoles de culture de haricot et de maïs. Ils travaillent durant trois saisons pour l’autosuffisance alimentaire. Leur récolte est vendue à des entreprises fournissant de la farine de maïs. Les ménages gardent une certaine quantité pour la consommation domestique. C’est une occasion d’obtenir du revenu tout en améliorant la sécurité alimentaire.

Ce même modèle de projet est en place dans le camp de Kigeme, district de Nyamagabe, pour l’exploitation du marais de Mushishito. Le marais de Nyabicwambo dans le district de Gatsibo est travaillé sur le même schéma. 

Ces trois marais exploités par des réfugiés et la communauté hôte attestent une expérience de possible cohabitation entre réfugiés et communauté hôte.

Le HCR et ses partenaires ont aménagé les marais et fourni des intrants et des semences, ainsi que des outils agricoles. Le gros lot est le système d’irrigation en place et posé d’une façon moderne. 

On divise l’espace en petites parcelles et chaque famille exploite la sienne. C’est une expérience en investissement apportée par le HCR et ses partenaires et qui valorise l’inclusion financière profitable à beaucoup de réfugiés et de citoyens locaux.

D’autres partenaires comme Inkomoko donnent des prêts aux réfugiés, sans qu’elle n’exige pas des dépôts. Inkomoko est présent dans tous les camps et sites urbains pour réfugiés de Kigali et Huye.

Inkomoko travaille sur base d’une inclusion financière et dispense de la formation professionnelle. L’autre partenaire qui intervient dans l’appui aux réfugiés est Give Direct, qui donne de l’argent aux ménages des camps de réfugiés et des sites urbains pour réfugiés.

Au total quatre mille ménages dans ce camp de réfugiés de Mugombwa et dans cinq secteurs du même district ont bénéficié de l’appui de Give Direct. L’appui consiste en l’octroi de 800 mille Frw par ménage donnés en deux tranches. 

Le Projet Jya Mbere doté de $ US 80 millions est financé par la Banque Mondiale 

Le Projet Jya Mbere (ou le Projet Va de l’avant) a débuté en 2019 et il prolongera ses activités jusqu’en 2026. Il comprend quatre volets : 

1.Amélioration des infrastructures dans les districts qui abritent des réfugiés : L’on peut citer les Ville de Bugesera et Kigali, puis les districts Kirehe, Gatsibo, Gisagara, Nyamagabe et Karongi.

Les activités se focalisent sur la construction des écoles techniques et la formation générale, la construction de routes vers les camps de réfugiés, car souvent ces camps sont éloignés des autres centres.

2. Une partie est consacrée à l’inclusion économique (soit $US 12 millions en dons octroyés à des gens qui ont des projets économiques bénéficiant aux réfugiés.

3. Le 3ème volet a trait à l’environnement. Il améliore des endroits montagneux comme Kigeme et Mugomba où il y a des ravines à aménager.

4.Le 4ème volet général est la gestion et le monitoring du projet. On revient ici au volet 2 mis en œuvre par la BRD et qui donne l’argent aux banques. Ensuite les banques donnent l’argent aux clients.

Pour être éligibles, certaines exigences doivent être remplies :

-Etre réfugiés avec un bon plan d’affaires ;

-Etre Rwandais avec 10 % des travailleurs qui sont des réfugiés ;

-Etre un entrepreneur qui intervient directement dans les camps (y avoir des activités qui profitent aux réfugiés) ;

-Travailler avec une banque connue sur le marché du Rwanda. Le client demande directement l’argent à sa banque tout en y déposant son business plan. Beaucoup de demandes de crédit et de banques ont été sélectionnées, dont la BK-UBPR-Equity Bank – KCB-LesSACCO – I&M Bank.

La banque peut accepter ou pas d’octroyer le crédit. Car, il faut que le projet soit bancable. Si le projet est approuvé, la banque transfère le dossier à la BRD pour confirmation que le don sera octroyé. L’on doit noter que le don ne couvre pas la totalité des fonds demandés :

-Pour un projet d’une valeur allant de 0 à 5 millions Frw : le client couvre 50 % et le projet 50 % ;

-Pour un projet allant de de 5 à 25 millions Frw : le projet couvre 40 % et le client 60 % ;

-Pour un projet de plus de 25 millions Frw : le client couvre 70 % et projet 30% ;

Ce qui est intéressant : si le client n’a pas encore payé 30 % du crédit commercial, il faut le demander. Et la banque couvre la partie si les conditions sont remplies.

Des femmes réfugiées vendent leurs produits dans des stands

Ceci a créé des difficultés : Quand ils ont appris que ce projet existait, certains réfugiés ont commencé des business plans et ont demandé des crédits, alors que la banque ne finance pas par exemple des projets agricoles. La banque accorde des crédits pour des activités commerciales. Autrement, la banque utilise ses propres termes pour l’octroi d’un crédit de business. Ce qui fait que certains réfugiés n’ont pas réussi à financer leurs projets.

Beaucoup de réfugiés ont initié des projets surtout avec Inkomoko qui octroie des dons. C’est alors que ces réfugiés ont bénéficié des banques commerciales. L’exemple est la microfinance Mutanguha basée à Mahama, Kigeme et Gatsibo, mais aussi la BK et la banque populaire : beaucoup de Rwandais ont reçu des fonds de ces différentes banques. 

La Maison Shalom appuie des réfugiés du secteur agricole. A Nyabiheke, on donne de l’argent aux réfugiés qui louent la terre.

Le grand défi constaté est le capital de base. Plusieurs projets interviennent en apportant des réponses à cette barrière, en donnant des contributions en argent ou en fournissant des compétences par la formation en entreprenariat donnée par des professeurs. L’on peut ainsi augmenter les capacités de production. 

Pour ce qui est des formations, les réfugiés étudient au Rwanda et ils sont intégrés dans les écoles publiques. L’Etat paye les locaux et les enseignants, ainsi que le matériel, y compris l’alimentation des enfants (School Feeding Programme) à midi à Kigali et à Mahama. 

L’on peut aller jusqu’à 12 années de formation de base ou 12YBE. Ceci a été l’un des succès de Global Compact on Refugees ou CRRF (Cadre de Réponse globale à la question des Réfugiés). L’initiative a été adoptée en 2016 par l’Assemblée Générale de l’ONU devant la crise des réfugiés de Syrie et Libye. Le nombre de réfugiés a augmenté avec un grand afflux vers l’Europe. C’est à ce moment qu’on a adopté Global Compact on Refugees.

Les pays ont travaillé ensemble pour trouver des réponses face aux nombreux migrants morts dans leur traversée vers l’Europe. C’était lors de la présidence d’Obama aux USA et avant Tromp.

L’objectif était d’aider les pays hôtes à supporter le coût de la charge des réfugiés, aider les réfugiés à devenir autosuffisants. Pourquoi un jeune entrepreneur se noie dans la Méditerranée ? C’est parce qu’il mène une vie trop précaire dans le camp d’accueil. Il a été proposé un engagement par pays pour une aide en faveur du réfugié.

Les pays ont ainsi décidé de mettre tous les enfants réfugiés dans le système éducatif national. Par exemple, l’on a cessé de créer des écoles au milieu des camps, avec un enseignement non qualifié et des programmes non valides, au cours desquels l’enfant étudie seul. (Fin)