LE 24 AVRIL 1994: LA MISE EN OEUVRE DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSI À TRAVERS TOUT LE PAYS

By  Bizimana Jean Damascène*

Le 24 avril 1994, les massacres de Tutsi ont continué à travers tout le pays, de très nombreux Tutsi ont été tués. Les militaires et les gendarmes ont eu une grande responsabilité dans l’accélération de la mise en œuvre du Génocide dans le sud du pays, et à leur tête  il y avait des membres de la Garde Présidentielle chargée de la protection du Président Habyarimana, en collaboration avec d’autres militaires et des gendarmes. Voici ci-après le rappel des principaux  massacres de Tutsi qui ont été commis le 24 avril 1994.

1.            Massacres de Tutsi à Mayunzwe, Ruhango

2.             

Mayunzwe était un des Secteurs parmi les six Secteurs qui composaient la Commune Tambwe, et y habitaient le plus grand nombre de Tutsi dans cette Commune. En 1994, la Commune Tambwe était dirigée par l’ancien Brigadier de la Commune du nom de MUREKAMBANZE François qui a participé aux massacres de nombreux Tutsi. Près de 850 Tutsi de ce Secteur ont été tués, et la plupart le furent le 24 avril 1994 à l’endroit appelé “calvaire”. Les Tutsi qui avaient été chassés de leurs domiciles le 21 avril 1994 et amenés sur la colline appelée “calvaire”, ont été tués à l’aide d’armes traditionnelles, gourdins cloutés, machettes et autres.

A la tête des tueurs il y avait Sebuhuku qui était membre du MDR et dirigeait les tueurs lors des attaques, Murekambanze Francois, Hitimana Fulgence alias Rubara, Mundanikure Faustin, Sibomana Alphonse, Rwagahungu Pascal alias Gace, Niyonsenga Selemani, Rwasa Cyprien, Nyandwi alias Caporal, Ntwari et d’autres. Il y avait également des tueurs venus d’ailleurs et qui n’habitaient pas Mayunzwe, comme Uwayisaba de Bamwara et Gasuguri de Rukaza, et d’autres.

MUREKAMBANZE François qui a participé aux massacres de nombreux Tutsi, a fui a l’étranger et est recherché par la justice.

2.      Massacres de Tutsi à Kabgayi, Muhanga

De nombreux Tutsi se sont réfugiés au Petit Séminaire St Léon, au collège St Joseph, au Grand Séminaire Philosophicum de Kabgayi, dans les anciennes maisons de la TRAFIPRO désignées sous le nom de CND pendant le Génocide et à l’hôpital de Kabgayi. Personne n’a pu cependant entrer dans la cathédrale de Kabgayi parce que Monseigneur Nsengiyumva Thaddée, évêque de Kabgayi a refusé d’accueillir des réfugiés dans la cathédrale de peur que celle-ci ne soit détruite. A l’entrée de Kabgayi il y avait des barrières de sorte qu’un grand nombre de Tutsi n’ont pas pu accéder aux bâtiments où s’étaient réfugiés les autres. Les Tutsi ont commencé à s’y réfugier vers le 20 avril 1994.

Dès l’arrivée des réfugiés, les Interahamwe venaient sélectionner les Tutsi qui étaient  ensuite tués soit dans les bâtiments, soit à l’extérieur et dans le bois de Kabgayi. Parce que les Tutsi qui se réfugiaient à Kabgayi venaient de différentes localités, les Interahamwe qui venaient d’autres préfectures arrivaient avec la liste des Tutsi qui s’y étaient réfugiés et les amenaient pour les tuer.

Les Tutsi étaient tués, et leurs femmes et filles violées, les Interahamwe amenaient celles-ci, et soit les ramenaient, soit ne les ramenaient pas et les tuaient. Parfois des obus étaient envoyés sur les bâtiments, surtout à l’endroit appelé CND, et tuaient des réfugiés. Les Tutsi à Kabgayi sont également morts de faim et de maladies a cause de la saleté dans laquelle ils vivaient car ils n’avaient pas accès à l’eau.

Les cadavres se sont accumulés et Kabgayi s’est rempli d’un air nauséabond. Les tueurs ont pris la décision de ne plus tuer sur place et ont amené un véhicule dans lequel ils ont embarqué des Tutsi à partir de ceux qui étaient les plus éduqués et ceux qui étaient les plus nantis, ainsi que les hommes et les jeunes gens, et allèrent les tuer ailleurs. Certains d’entre eux ont été tués à Ngororero, à la Nyabarongo, et des religieux à Bukomero, et à d’autres endroits non identifiés.

Les Tutsi ont été tués surtout le 5 mai 1994, le 24 mai 1994, jusqu’au 1er juin 1994.

Le 2 juin 1994, les réfugiés Hutu sont partis très tôt, après avoir appris que les Inkotanyi étaient sur le point de prendre Kabgayi. Sont restés les Tutsi survivants; le massacre de tous les Tutsi avait été planifié, et ceux-ci s’étaient préparés à la mort car encerclés de partout  par les tueurs; lorsqu’ils entendirent le bruit d’une fusillade, ils ont cru que c’était la fin, que l’on avait commencé à les tuer, mais ils ont vu les Inkotanyi surgir du CND, de l’endroit appelé Kamazuru. Les tueurs ont déguerpi sans avoir pu exterminer les Tutsi comme ils l’avaient planifié. Au mémorial du Génocide de Kabgayi, plus de 10,000 corps des victimes y ont été inhumés.

Des religieux avaient été tués, enlevés du Grand Séminaire, du collège St Joseph et d’autres bâtiments de Kabgayi, abandonnés et trahis par leurs collègues. Ainsi par exemple, le Père Emmanuel Rukundo, qui a participé aux massacres de Kabgayi, et  violé des femmes Tutsi avant de les livrer à la mort.

Rukundo a été, le 2 octobre 2010, condamné pour crime de génocide à 23 ans de prison par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).

3.      Massacres de Tutsi à Bibungo, Mukinga, Kamonyi

Le 24 avril 1994, lorsqu’un groupe de tueurs est venu à Mugina tuer les Tutsi qui s’y étaient réfugiés, certains parmi ceux-ci avaient d’abord pu survivre en se réfugiant à l’église. Les tueurs leur ont demandé de sortir, et les réfugiés ont obtempéré, mais arrivés à l’extérieur de l’église, tous les hommes ont été massacrés par les tueurs. Ceux-ci ont d’abord manifesté la volonté d’épargner les femmes, les filles et les enfants, dont la plupart étaient blessés, et pris la décision de les amener à Kabgayi.

Alors que des tueurs les escortaient sur le chemin vers Kabgayi, ils sont arrivés à Bibungo et y ont rencontré le Major Karangwa Pierre Claver qui était chef du service des renseignements de la gendarmerie; celui-ci leur demanda où ils amenaient ceux qu’ils escortaient, les tueurs lui répondirent qu’il avait été décidé d’épargner les femmes, filles et enfants, et qu’ils les amenaient à Kabgayi. Le Major Karangwa s’y est opposé et ordonna qu’ils soient tués sur place; les réfugiés Tutsi furent mis dans la maison d’un Tutsi du nom de Moko et certains ont été jetés vivants dans une fosse latrine. Karangwa leur donna de l’essence avec laquelle les Tutsi furent brûlés vifs dans la maison, tout comme les tueurs mirent des herbes sèches dans la fosse latrine pour brûler également ceux qui y avaient été jetés vivants.

 Le Major Karangwa a fui en Hollande où il vit actuellement. Il n’a jamais été poursuivi pour répondre de ses crimes devant les tribunaux.

4.      Massacres de Tutsi à Nyakarekare, Ruhango

Pendant le Génocide, plus de 30 Tutsi se sont réfugiés à l’église ADEPR  de Mbuye et y ont été tous tués. Ce massacre a été planifié par MAFUREBO  Daniel qui était Conseiller du Secteur Mbuye, en collaboration avec le Responsable de la cellule Nyakarekare, MISAGO Emmanuel alias RUSUMO. Les réfugiés Tutsi furent tués et jetés dans une fosse dans laquelle étaient déversés les déchets d’un abattoir.

CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et mis en œuvre par l’Etat rwandais. Les Massacres des Tutsi à partir du 7 avril 1994 au matin, en même temps et à travers tout le pays, est la preuve que le plan du Génocide avait été préparé par l’Etat. (Fin).

* Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)