LE 3 MAI 1994: LA MISE EN OEUVRE DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSI À TRAVERS TOUT LE PAYS*

A cette date du 3 mai 1994, le gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre leur plan criminel d’extermination des Tutsi dans toutes les régions du pays. Voici ci-après le rappel des principaux massacres de Tutsi qui ont été commis le 3 mai 1994.

1.  Massacres de Tutsi à l’ADEPR de Gihundwe, Rusizi

L’ADEPR Gihundwe est érigé dans l’actuel District de Rusizi, Secteur Gihundwe, et c’est à cet endroit qu’a été mise en place la premièreéglise ADEPR au Rwanda. Après ledéclenchement du Génocide le 7 avril 1994, se sont réfugiés à l’ADEPR Gihundwe et au Groupe Scolaire Gihundwe, de nombreux Tutsi qui sont venus des  Communes Kamembe etCyimbogo des localités de Nyakanyinya, Mutimasi, Murangi et Ruganda. 

Les Tutsi ont commencé à se réfugier à Gihundwe le 14 avril 1994, vers 15 h de l’après-midi, la direction de l’ADEPR a d’abord refusé que les Tutsi entre dans leurs bâtiments, mais les a laissés entrer à la tombée de la nuit. Le lendemain les miliciens Interahamwe sont venus, ont tué un Tutsi et sont repartis. Les Tutsi se sont alors rendu compte de la gravité de la situation.Le Préfet de Cyangugu, Bagambiki Emmanuel, après avoir appris que des Tutsi s’étaient réfugiés à l’ADEPR Gihundwe et au Groupe Scolaire Gihundwe, est venu leur demander d’aller au stade Kamarampaka, mais les réfugiés ont refusé car ils connaissaient sa nature criminelle.

Le 3 mai 1994, vers 10h, des étudiants qui étaient originaires de régionsoùsévissait la guerre, étaient venus du camp des déplacés de guerre de Nyacyonga, celui qui les dirigeait passait son temps à participer au Génocide dans les localités de Rusizi.

Trois (3) de ces étudiants sont allés appeler en renfort des gendarmes, dont trois (3) sont venus, ont rassemblé les réfugiés Tutsi dans la cuisine des étudiants et ont commencéà leur tirer dessus et à lancer des grenades sur eux, le même jour y ont ététuésprès de quarante (40) Tutsi. Les survivants se sont réfugiés aux alentours du stade et à d’autres différents endroits.

Le génocide commis à Gihundwe était encadré par les responsables civils et militaires locaux comprenant : le Préfet Bagambiki Emmanuel, Sous-préfet Theodore Munyangabe et François Nzeyimana, Major gendarme Vincent Munyarugerero, Lieutenant Samuel Imanishimwe, Christophe Nyandwi, Elysée Bisengimana, Tomson Mubiligi, Pastor Nsanzurwimo Joseph et son fils Nsanzurwimo Jean, Pastor Remesha Simeon (he died), Ruhire Murwanashyaka, Pastor Seromba, Bareberaho Bantari Ripa, Simeon Nshamihigo qui a été condamné par le TPIR à la prison à vie, Sgt major Ruberanziza Marc, Ndorimana Paul qui était procureur à Cyangugu and others.

2. Massacres de Tutsi àIbambiro, Nyanza

A Ibambiro, dans l’ancienne Préfecture de Butare, Commune Muyira, Secteur Matara, Cellule Rugunga, actuellement en District Nyanza, Secteur Kibilizi, Cellule Cyeru, village Rutete. Depuis le déclenchement du Génocide le 7 avril 1994, celui-ci n’a pas commencéimmédiatement dans cette localité, la population a d’abord étémobilisée pour commettre le Génocide. Dans la région du Mayaga, en particulier en Secteur Kibirizi situé actuellement en District Nyanza, à l’époque c’était dans la Commune Muyira, à son intersection avec la Commune Ntyazo ; le Génocide perpétré contre les Tutsi a étédéclenché  autour du 19 avril 1994 après le discours de Sindikubwabo à Butare au cours duquel il a dit qu’il y avait des personnes qui prétendaient que “ça ne les regarde pas!”

Les tutsi ont commencéàêtretraqués comme des animaux, àêtretués, à voir leurs maisons incendiées ou détruites,  à avoir leurs biens pillés. Ils ont continuéàêtrepourchassés mais à un certain moment les tueurs ont usé d’une astuce et ont faussement déclaré que la paix était revenue, et que les femmes et les enfants, et surtout les jeunes filles, ne doivent pas êtretuées et que leur sécurité sera assurée à Ibambiro. Raison pour laquelle les femmes, filles et enfants Tutsi sont sortis de leurs cachettes et sont tous allés à Ibambiro, certains ont habillé leurs enfants de sexe masculin de robes pour qu’ils soient pris pour des filles.

Parce qu’ils sont allés à Ibambiro avec l’espoir qu’ils y seront protégés, le nombre des femmes, des filles et des enfants avait atteint le chiffre de 454 au 1er mai 1994. Mais ensuite, les tueurs venaient régulièrementsélectionner les réfugiés qu’ils voulaient tuer, et violer ou en faire leurs femmes par contrainte. Les tueurs, satisfaits de ce qu’ils avaient réussi à rassembler à Ibambiro les femmes, les filles et les enfants Tutsi, ont planifié de les massacrer le 3 mai 1994.

Le 3 mai 1994, les tueurs armés d’armes traditionnelles, se sont affublés de feuilles de bananier, et au son de leurs sifflets, ont encerclé la localité de Ibambiro, et ont commencé à tuer. Ils ont commencé pardépouiller les femmes et les dénuder, de les violer, les insulter (“votre arrogance, votre dédain, votre suffisance…”); après leurs forfaits, ils les ont découpéesà la machette et les jetaient dans des latrines parfois respirant encore. Ils les ont tués par tranches d’âge, ils ont commencé par les enfants, ont suivi les filles adolescentes, les filles adultes et enfin les jeunes femmes et les femmes plus âgées.

Les massacres ont duré toute la journée mais avant ceux-ci, ils ont d’abord tué un vieil homme nommé Diyonizi Nzaramba que les tueurs avaient d’abord épargné pour qu’il serve d’échantillonpour ceux qui se demanderaient plus tard à quoi ressemblaient les Tutsi. Ila étéjeté le premier dans les latrines pour, disaient les tueurs, exorciser ceux-ciet empêcher que le mauvais sort ne les poursuive pour les massacres de femmes et d’enfants qu’ils allaient commettre. Il fut le seul homme àêtretuéà cet endroit.

Il est évident qu’à la  vue des Interahamwe affublés de feuilles de bananier, armés d’armes traditionnelles, soufflant dans leurs sifflets, les réfugiés ont paniqué et ont essayé de s’enfuir en courant, mais ils étaient rattrapés et tués ou ramenés en arrière.  Les plus faibles se sont résignés et ont continuéà prier. Les réfugiés furent tués sans aucune pitié, et un grand nombre parmi eux ont accueilli la mort sans broncher, sans le moindre cri de douleur.

Ont participéà ces massacres:

 Safari Jean Bosco, Inspecteur des écoles dans la Commune Ntyazo, il était le fils d’un commerçant important du nom de Mubiligi Athanase qui avait installé les structures du MDR dans cette localité avant de rejoindre le MDR Power. Mubiligi allait apprendre chez Bandora de Ruhuha comment ils mettront en œuvre le Génocide. Il a été incarcéré et à sa libération a fui au Malawi où il a rejoint ses frères ;

 Kageza Jean Népomuscène, un important commerçant, est parmi ceux qui ont dirigé des attaques ;

 Ruduri Félicien, lui aussi commerçant, est parmi ceux qui portent une forte responsabilité dans les massacres ;

 Hanyurwimfura Antoine, neveu de Sindikubwabo Theodore était planton au tribunal de Canton de Nyamiyaga, et est parmi ceux qui ont dirigé des attaques, c’est lui qui a appelé en renfort des tueurs de Muyira ;

 Mirenzo et ses fils étaient des réfugiés burundais, ils ont activement participé au Génocide;

 Ndolikimpa Aphrodice, Brigadier de la Commune Ntyazo;

 Ntabuye Sylvain, enseignant au CERAI, est parmi ceux qui sélectionnaient les filles à violer, et allait lui aussi chez Charles Bandora à Ruhuha apprendre comment mettre en œuvre le Génocide;

 Nomani, un Interahamwe de Bugesera qui s’était réfugié avec d’autres de ses congénères dans cette localité en fuyant l’avancée des Inkotanyi;

 Gashushure Ernest, enseignant, avait un mégaphone qu’il utilisait dans son véhicule pour annoncer de fausses annonces du retour de la paix;

 Rugwizangoga; Bazindyiki Antoine et d’autres.

 Il y avait également un enfant nommé Montfort, qui était le petit fils de Rutare, et qui a violé des enfants de son âge et les a tués, il a été incarcéré puis libéré parce que mineur d’âge, il avait dix (10)ans au moment de ses crimes.

CONCLUSION

Les massacres de Tutsi ont continué à travers tout le pays, de façon similaire, tout Tutsi devait mourir, la plupart ont été tués en cours de route alors qu’ils fuyaient. A cette date beaucoup d’entre eux ont été tués dans des bâtiments publics, des Communes et dans des églises parce qu’ils  croyaient y trouver sécurité. (Fin)

Fait à Kigali, le 03/5/2020

*Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif/Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)