Le 4 mai 1994: les proches conseillers du président Mitterrand ont poursuivi leur position de soutien inconditionnel au gouvernement génocidaire

By BIZIMANA Jean Damascène*

La France a continué à soutenir le Gouvernement Sindikubwabo, aussi bien au niveau militaire que diplomatique, pour que les massacres commis par ce même Gouvernement passent totalement inaperçus. Ce soutien a galvanisé les génocidaires qui ont continué à tuer; et pourtant si la France l’avait voulu, ses troupes seraient venus en aide aux Tutsi qui, dans certaines localités, ont résisté longtemps aux tueurs et auraient pu survivre en grand nombre s’ils avaient été secourus, à l’exemple des Tutsi de Bisesero.

1)      Le général Quesnot a promis à Theodore Sindikubwabo le maintien de l’aide française au Gouvernement rwandais pendant le génocide

Le 4 mai 1994, le Président Theodore Sindikubwabo a eu un long entretien téléphonique avec le General Christian Quesnot qui a été, de 1991 à 1995, le Conseiller particulier en matière militaire du Président François Mitterrand. Ils ne se sont entretenus que sur les aspects de la guerre entre les troupes du FPR Inkotanyi et les anciennes Forces armées rwandaises (ex-FAR). L’entretien a  en effet évité toute allusion au Génocide.

Christian Quesnot était un des plus fervents soutiens au régime Habyarimana. C’est lui qui informait le haut commandement militaire français des opérations, révélées ou clandestines,  des troupes françaises au Rwanda. Dans toutes ses notes au Président Mitterrand, Christian Quesnot demandait un soutien indéfectible au Gouvernement Habyarimana et à l’armée rwandaise.

Comme il est précisé dans la note du General Christian Quesnot adressée le 6 mai 1994 au Président Mitterrand, il a rapporté à celui-ci que Theodore Sindikubwabo avait remercié chaleureusement le Président français pour le soutien dans les domaines militaire, politique, financier et diplomatique que la France ne cessait d’apporter au Gouvernement rwandais.

Theodore Sindikubwabo a particulièrement remercié la France pour avoir reçu en France une délégation du Gouvernement génocidaire – dit des “Abatabazi” (sauveurs) – en avril 1994. Cette délégation était dirigée par le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Jérôme Bicamumpaka et Jean Bosco Barayagwiza qui était l’un des dirigeants du parti d’extrémistes  Hutu, la CDR, et Directeur General du Département politique et juridique au Ministère des Affaires Etrangères rwandais. Barayagwiza a activement participé à la création de la RTLM, à la campagne d’incitation de la population à la haine du Tutsi et à la mobilisation à commettre le Génocide, surtout entre 1992 et 1994.

Lors de cette visite effectuée par Jérôme Bicamumpaka et Jean Bosco Barayagwiza en France, ils ont été reçus par de hautes personnalités à la Presidence de la Republique, proches du Président Mitterrand; ils ont notamment été reçus par Bruno Delaye qui était le Conseiller pour l’Afrique du Président Mitterrand, en présence du General Christian Quesnot. Ils ont également été reçus par le Ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé. Les hautes personnalités françaises, lors de leurs entretiens avec la délégation du Gouvernement génocidaire, n’ont jamais  dénoncé le Génocide qui était en train d’être perpétré contre les Tutsi. Et pourtant, la Belgique et les USA avaient refusé d’accorder des visas à la délégation rwandaise.

Ces positions profondément anti-FPR du général Quesnot n’étaient pas nouvelles. Déjà, le 29 avril 1994, trois semaines après le déclenchement du Génocide, Christian Quesnot a diffamé le FPR en le qualifiant de mouvement fasciste comparable à des  “Khmers noirs” soutenu par la Belgique.

De même, le 6 mai 1994, Christian Quesnot a encore conseillé de soutenir les Forces armées rwandaises qui étaient pourtant en train de commettre le Génocide.

2)      Le général Quesnot et Brunon Delaye ont soutenu le radicalisme du régime Habyarimana

Le généralChristian Quesnot et Bruno Delaye, dans leurs relations avec le Gouvernement rwandais, ont toujours été du côté du Président Habyarimana et de son Gouvernement, et ont toujours conseillé au Président Mitterrand d’apporter son soutien indéfectible dans les domaines militaire, politique et diplomatique au Gouvernement rwandais en guerre contre le FPR Inkotanyi.

Rappelons que le 12 février 1993, le Président François Mitterrand a envoyé au Rwanda deux envoyés spéciaux, Bruno Delaye et Jean-Marie Rochereau de la Sabliere. Ceux-ci avaient comme mission de servir de médiateurs entre le Président Habyarimana et son Premier ministre Dismas Nsengiyaremye qui étaient en désaccord sur la question de l’arrêt de la guerre et les actes de violence criminelle commis par les militaires de l’armée rwandaise et les membres du parti MRND. Le Président Mitterrand et ses conseillers assuraient à Habyarimana et son Gouvernement, que la France ne cessera de leur apporter son soutien dans le cadre de maintenir son influence dans la région.

De retour en France, le 15 février 1993, Bruno Delaye a adressé une note au Président Habyarimana et exprimé son inquiétude vis à vis de ce que le FPR “pouvait prendre Kigali” parce que soutenu par certains pays anglophones. Raison pour laquelle Delaye suggérait de changer la façon de soutenir Habyarimana, d’engager ouvertement les troupes françaises dans les combats, et d’apporter un soutien plus important en armes et matériels militaires. Toutes ces notes basées sur le mensonge étaient destinées à expliquer pourquoi la France devait entrer ouvertement dans la guerre et continuer à fournir l’armée rwandaise en armes et autres matériels similaires.

Le général Christian Quesnot a lui aussi adressé une note au Président Mitterand pour lui expliquer que selon lui l’armée rwandaise n’affrontait pas le FPR Inkotanyi en soi, mais que c’était l’Uganda qui avait attaqué le Rwanda. Ce qui voulait dire qu’un pays avait agressé un autre, raison pour laquelle une intervention de la France pour venir au secours du Rwanda contre le FPR Inkotanyi, serait légitime. En plein Génocide, en mai 1994, le General Quesnot était toujours en faveur du soutien du Gouvernement génocidaire qui était en train d’exterminer ses propres citoyens Tutsi.

3)      Le général Quesnot et Dominique Pin ont proposé une ligne dure contre le FPR

Le 19 février 1994, le General Christian Quesnot et Dominique Pin qui était l’adjoint du chef du bureau chargé de l’Afrique à la Présidence de la République, ont adressé au Président Mitterrand deux réflexions principales sur le Rwanda. Premièrement, Quesnot et Pin ont exprimé leur désapprobation vis à vis de toute décision de rapatrier les citoyens français et les militaires de l’opération Noroit, et ont conseillé au Président Mitterrand de ne pas prendre une telle décision. Ils se sont exprimés en ces termes : « C’est l’échec de notre présence et de notre politique au Rwanda. Notre crédibilité sur le continent en souffrirait ».

Deuxièmement, la France devait envisager que  le FPR pourrait prendre Kigali. Selon Quesnot et Pin, la prise de Kigali par le FPR aurait pour conséquence une intensification des massacres inter ethniques, raison pour laquelle la France devait plus que jamais mettre tout son poids dans son soutien au Gouvernement Habyarimana pour que le FPR ne prenne pas Kigali. Pour justifier le soutien au Gouvernement génocidaire qu’il réclamait, le General Quesnot prétendait qu’une fois que ce Gouvernement aurait perdu la guerre, un « Tutsiland » serait mis en place dans le pays. Il avançait ce prétexte pour pouvoir soutenir militairement Sindikubwabo et son Gouvernement. Cet argument a été repris à souhait et a été soutenu par le Président Mitterrand et l’Amiral Lanxade.

Il est donc évident que la France savait que le Gouvernement Habyarimana planifiait le Génocide, mais persistait à ne pas en tenir compte et continuait à le soutenir. Cela démontre également que, fort du soutien militaire de la France, l’Etat rwandais avait l’intention d’exterminer les Tutsi. Le soutien de la France permettait au Gouvernement rwandais de continuer à massacrer les civils Tutsi et de planifier leur extermination. (End).

* Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)