Le 5 mai 1994: Le gouvernement génocidaire a accéléré la mise en œuvre du génocide. Les survivants Tutsi furent aussitôt massacrés au monastère des sœurs bénédictines de Sovu

By Dr Bizimana Jean Damascène*

Depuis le début du mois de mai 1994, alors que les troupes du FPR gagnaient du terrain et stoppaient le Génocide dans les localités qu’elles prenaient à l’armée rwandaise, le Gouvernement génocidaire a mis tous ses efforts à accélérer la mise en œuvre du Génocide. Le Gouvernement de Kambanda a ainsi accéléré ce sinistre processus, particulièrement depuis le 3 mai 1994 quand le Premier ministre Kambanda et trois (3) ministres natifs de Kibuye, Edouard Karemera, Eliezer Niyitegeka et Emmanuel Ndindabahizi, sont allés à Kibuye, accompagnés de dirigeants des partis Hutu Power, pour y tenir une réunion à laquelle ont participé tous les dirigeants des institutions publiques dans Kibuye, les commerçants importants, les représentants du secteur privé et ceux des principales religions, et au cours de laquelle des stratégies ont été prises pour accélérer l’extermination des Tutsi dans toutes les localités où le Génocide n’avait pas encore été pleinement mis en œuvre. Toutes les structures étatiques et privées se sont déterminées à y participer.  Les jours suivant le 3 mai 1994 ont vu l’intensification de la mise en œuvre du Génocide.

1)      La RTLM a déclaré que l’extermination des Tutsi survivants devait être accélérée.

Le 5 mai 1994, la radio RTLM a diffusé de nombreuses émissions mobilisant tous les dirigeants du Hutu Power, qu’ils soient politiques, militaires, gendarmes, Interahamwe et Impuzamugambi de mettre toutes leurs forces de tuer tous les Tutsi dans toutes les localités où ils avaient survécu.  Ces émissions étaient accompagnées de chansons de Bikindi Simon destinées à chauffer a blanc les tueurs. Les journalistes de la RTLM diffusaient également des messages censés être venus de tout le pays qui manifestaient la satisfaction d’avoir massacré ceux qu’ils appelaient les complices de l’ennemi, c.à.d. les Tutsi.

Les journalistes qui ont activement participé à cette propagande sont Noheli Hitimana, Habimana Kantano, Valeriya Bemeriki et Gaspard Gahigi dans la langue kinyarwanda. Dans la langue française, les journalistes de la RTLM qui ont appelé à la solution finale sont  Emmanuel Nkomati, Philippe Mbirizi, Joel Hakizimana et Georges Ruggiu.

La RTLM a été secondée par Radio Rwanda dans des émissions dirigées par Jean Baptiste Bamwanga et dans la diffusion d’autres appels aux massacres par les journalistes extrémistes, dont Froduald Ntawulikura, Augustin Hatari, Phocas Fashaho, Robert Simba et d’autres.

Le même jour, l’organisation internationale des droits de l’homme, Human Rights Watch, a publié un communiqué dénonçant les émissions radiophoniques de la RTLM appelant à tuer tous les Tutsi survivants à travers le pays.

2)      La Mère supérieure qui dirigeait le couvent des sœurs Bénédictines de Sovu, Soeur Gertrude Mukangango, a fait tuer les derniers survivants Tutsi précédents qui avaient eu lieu les 22 et 25 avril 1994 dans le Monastère de Sovu.

Le Monastère des Soeurs Bénédictines situé en District Huye, à Sovu, a accueilli depuis le 17 avril 1994 plus de 10,000 réfugiés Tutsi qui se sont cachés dans les différents bâtiments de cet établissement, notamment dans le Centre de Santé; ils ont été tués à diverses étapes.

Depuis le 22 avril 1994, les réfugiés Tutsi ont été attaqués à trois (3) reprises. Les Interahamwe ont d’abord attaqué le Centre de Santé, et les réfugiés qui s’y trouvaient se sont refoulés dans le garage de ce centre. Les Interahamwe ont pris la décision de les brûler vifs.  Soeur Gertrude (Consolata Mukangango), qui avait 42 ans en 1994, et Soeur Kizito (Julienne Mukabutera) qui en avait 36 pendant le Génocide, ont amenés deux jerricans remplis d’essence. Soeur Kizito a elle-même versé de l’essence devant le garage et y a mis le feu. Le même jour ont été tués près de 7,000 Tutsi. Soeur Kizito, qui avait la liste des réfugiés, s’est empressée à vérifier s’ils étaient tous morts.

Le 25 avril 1994, le dirigeant des Interahamwe de Sovu, Emmanuel Rekeraho, son adjoint Gaspard Rusanganwa alias Nyiramatwi, et d’autres Interahamwe, sont revenus au Monastère tuer les Tutsi qui s’y cachaient encore. Soeur Gertrude et Soeur Kizito se sont entretenues avec Rekeraho et lui ont demandé de les débarrasser de ces réfugiés parce qu’il n’y avait plus de nourriture à leur donner. Les réfugiés ont supplié pour être épargnés mais Soeur Gertrude a donné l’ordre de les tuer.  Le même jour les Interahamwe ont tué près de 1000 Tutsi. Seuls quelques 30 Tutsi qui avaient des liens de parenté avec des Soeurs Tutsi du Monastère ont survécu à ces massacres. Soeur Gertrude a voulu ordonner aux Soeurs Tutsi de chasser ces réfugiés sous la menace de ce qu’en cas de refus, ces réfugiés seront tous tués tout comme les Soeurs Tutsi de leurs familles. Celles-ci ont tenu bon et ont refusé de chasser les leurs. 

Le 5 mai 1994, Soeur Gertrude a écrit au Bourgmestre de la Commune Huye, Jonathan RUREMESHA, une lettre lui demandant de venir chasser les réfugiés Tutsi. Ci-après le contenu de cette lettre:

“Objet: recours à l’autorité

Monsieur le Bourgmestre de la Commune  Huye, BUTARE

Monsieur le Bourgmestre,

Ces dernières semaines, des personnes sont venues au Monastère de Sovu en tant que visiteurs qui n’y passent habituellement pas plus d’une semaine, certains étant en mission d’autres pour se reposer ou se recueillir pour prier.

Avec la guerre dans tout le pays, il y en a d’autres qui sont venus de façon inopinée et qui veulent rester à tout prix ici alors que nous n’avons pas les moyens de les garder et les nourrir dans l’illégalité. Ces derniers jours je vous ai demandé que l’autorité communale puisse intervenir pour ordonner à ces gens de retourner chez eux, ou de se rendre ailleurs selon leur choix, parce qu’ici au Monastère nous n’avons pas les moyens de les garder.

JE VOUS DEMANDE INSTAMMENT, Monsieur le Bourgmestre, de nous aider à nous en débarrasser avant le 6 mai 1994, pour que le Monastère puisse à nouveau fonctionner normalement sans aucune contrainte. Nous prions pour vous.

La Soeur dirigeante du Monastère. Soeur Gertrude Consolata MUKANGAGO (signature)

Le 6 mai 1994, le Bourgmestre Ruremesha est venu avec des policiers et des Interahamwe et ont massacré les réfugiés Tutsi qui étaient les derniers survivants au Monastère de Sovu. Ils ont donc été tués le même jour sollicité par Soeur Gertrude auprès du Bourgmestre Ruremesha pour débarrasser le Monastère des réfugiés Tutsi pour qu’il puisse continuer à fonctionner normalement.

Soeur Gertrude a été jugée en Belgique en 2001, et le jugement indique notamment clairement que c’est elle qui a révélé aux Interahamwe les lieux où les Tutsi s’étaient cachés dans le Monastère.

Parmi les Tutsi tués à Sovu, il y en a beaucoup du clan des Abaha qui étaient nombreux à habiter près du Monastère. Ils ont tous été exterminés avec leurs familles et parmi eux figuraient des employés de longue date du Monastère.

Parmi les tueurs qui ont collaboré avec les soeurs dans les massacres de Sovu, il y avait: L’Adjudant Emmanuel Rekeraho, Joseph Habyarimana qui a fui en France, Gaspard Rusanganwa alias Nyiramatwi, Innocent Nyundo, Pierre Rushyana, Jean Maniraho, Etienne Rugombyumugabo, Theoneste Kagina, Joseph Bizimana qui était Brigadier a la Commune Huye, et le chef de tous les tueurs en la personne du Bourgmestre Jonathan Ruremesha.

Soeur Gertrude et Sœur Kizito ont été condamnées par une juridiction belge respectivement à 15 et à 12 ans de prison. Elles ont été libérées et résident actuellement au Monastère de Maredret en Belgique.

3)      Apres avoir été libérée, Soeur Gertrude a commencé à s’en prendre aux rescapés du Génocide qui ont été témoins à charge dans son procès.

Apres avoir été libérée, Soeur Gertrude est retournée au Monastère de Maredret, près de la ville de Namur, en Belgique. En 2018, aidée par un journaliste français du nom de Jérôme Castaldi, Soeur Gertrude a écrit un livre (Rwanda 1994. La parole de Soeur Gertrude) dans lequel elle s’adonne au déni du Génocide perpétré contre les Tutsi, critique le fonctionnement de la justice et s’attaque violemment aux rescapés du Génocide perpétré contre les Tutsi qui ont exposé au grand jour sa responsabilité dans le Génocide à Sovu, dont des collègues appartenant à la même congrégation qu’elle et qui ont eu le courage de dénoncer ses crimes.

Ce comportement de Soeur Gertrude a été fort critiqué jusque chez ses collègues. Une d’entre elles, Kayitesi Bernadette, qui était avec Soeur Gertrude au Monastère de Sovu, après avoir lu son livre, a écrit son témoignage sur le Génocide en général et sur la responsabilité de Soeur Gertrude dans les massacres de Tutsi à Sovu en particulier, laquelle ne doit pas être camouflée.

Ci-après des extraits du témoignage qu’a livré Kayitesi Bernadette le 05/12/2019 :

Soeur Gertrude,

Je voudrais réagir par rapport au livre que tu as écrit. C’est vraiment dommage qu’après avoir été libérée après 7 ans de prison, tu n’as pas changé. Un proverbe rwandais dit : “fais le bien et tu le trouveras plus tard sur ton chemin”. Arrêtes donc de mentir à Dieu et aux hommes, arrêtes de mentir au monde entier. Retournons en arrière et examinons ce qui s’est passé à Sovu.  Les réfugiés ont commencé à y arriver le 17 avril 1994. Rappelles toi que Laurient Ntezimana a apporté des sacs de riz pour les nourrir et que tu as préféré les enfermer à double clé et laisser les réfugiés souffrir de la faim; rappelles toi également la pluie qui est tombée le 20 avril 1994 et que tu as refusé d’ouvrir aux réfugiés pour qu’ils puissent s’abriter. Soeur Schola a alors cherché les clés et a ouvert aux réfugiés qui ont pu alors s’abriter, rappelles toi que tu l’as grondée  sévèrement pour l’avoir fait. Soeur Mechtilde a beaucoup pleuré et a dit que Dieu nous demandera des comptes pour nos actes, et tu as comparu devant la justice en 2001. Toi qui prétend être innocente, d’où est venu l’essence avec laquelle ont été brûlés des réfugiés au Centre de Santé? Des dames du village ont déclaré devant le tribunal que c’est toi qui as apporté cette essence et que Soeur Kizito y a mis le feu avec des allumettes, vous avez brûlé vifs des innocents, et les Interahamwe ont applaudi votre forfait en disant que leurs soeurs venaient de leur donner un coup de main.

Rappelles toi encore les hurlements de douleurs qui ont résonné à Sovu, les sifflements des balles et le grondement des grenades qui se succédaient, les victimes suppliant d’être tués par balles en vain avant d’être découpées à la machette et à la hache, est ce que tu as une seule fois réuni la communauté pour examiner ce que nous pourrions faire ? Le matin du 23 avril 1994, tu as dit que nous devions s’enfuir et demandé que personne ne montre sa carte d’identité, et lorsque nous sommes sortis et rencontré la première barrière, c’est toi qui a sorti ta carte d’identité pour la brandir fièrement devant les Interahamwe, mais grâce à Dieu, ceux-ci ne l’ont par miracle demandé à personne d’autre ; nous avons continué notre chemin et sommes arrivées à Ngoma, deux jours après nous avons souhaité retourner au Monastère, rappelles toi que tu t’es entretenue avec les militaires deux (2) heures durant, nous étions terrifiées. Rappelles toi lorsque nous sommes revenues à Sovu le 25 avril 1994, Rekeraho, le chef des Interahamwe, nous a réunies dans la salle de l’Hôtellerie. Voici ce qu’il nous a dit : cachez ceux qui se sont réfugiés ici dans le plafond ou la cave car personne à Sovu ne me demande des comptes sur leur présence, et de toute façon ce ne sont pas eux qui vont introniser le régime Tutsi. Après, il a ajouté : ce qui vous le prouvera c’est que je ne reviendrai pas. Pourquoi ce n’est pas inscrit dans ton livre pour expliquer ce qui s’est passé ?

Dans cette nuit du 25 avril 1994, tu m’as demandé de dire à mes frères de s’allonger parmi les cadavres des Tutsi qui avaient été tués, que le véhicule qui viendra transporter les corps les versera dans une fosse et qu’ils pourront sortir et fuir. Est-ce là des paroles de quelqu’un qui respecte Dieu ? Nous avons continué à vivre de la façon jusqu’au 6 mai 1994.

Le matin après la prière tu as prononcé ces paroles malfaisantes: tu as demandé que les Soeurs  qui avaient des réfugiés de leurs familles leur demandent de sortir pacifiquement, sinon que les forces de l’ordre allaient les y contraindre par la force. C’est ce que tu as fait et près de 25 réfugiés furent mis dehors pour être tués. Je me rappelle de mes deux frères GATETE Deo et Placide Seth. Je me rappelle du papa et de la maman de Régine. Je me rappelle de Chantal et de son enfant Chrispin. Je me rappelle de Aima Marie et de ses quatre enfants. Je me rappelle de Candari la petite sœur de Sœur Thérèse MUKARUBIBI. Je me rappelle du papa de Soeur Bernadette NYIRANDAMUTSA, et de son frère et de sa petite sœur. Que Dieu leur accorde le repos éternel. Pourquoi n’as-tu pas répété dans ton livre les paroles que tu as prononcées dans l’église ?

Tu as écrit qu’arrivée à la prison tu as beaucoup pleuré, et nous alors? Combien de larmes avons-nous versées de voir les nôtres être sortis pour aller être tués ? A Sovu nous avons eu de très mauvaises Sœurs, les Sœurs Gertrude et Kizito, mais il y avait également de tres bonnes Sœurs qui étaient affligées par ce que faisaient ces dernières. A titre d’exemple Sœur Liberatha qui n’était pas parmi les personnes pourchassées mais qui était très affligées par la situation, tout comme Sœur Merchtilde. Sœur Liberatha a caché des réfugiés dans le plafond et leur apportait eau et nourriture, mais Sœur Gertrude l’a appris et les a sortis pour qu’ils soient  tués.

Je me rappelle de Soeur Ermelinda qui était exemplaire, elle priait beaucoup et Dieu lui révélait ce qui allait arriver de façon que l’évêque lui ait permis d’avoir le Saint sacrement dans sa chambre.

Rappelles toi du chemin que nous avons parcouru en s’enfuyant, et lorsque nous sommes arrivées en Centre Afrique tu as écrit un article intitulé « Apres les machettes le Ciel sera bon». J’ai lu cet article plein de mensonges, tu as dit : « Nous nous sommes réunies avec toutes les Sœurs, nous avons discuté sur ce qui s’était passé et avons demandé pardon les unes aux autres, nous avons aujourd’hui de bonnes relations ».  Où est ce que tu décris là s’est-il passé ?  Si c’était vrai nous n’aurions jamais eu recours aux tribunaux en Belgique.

Nous avons continué à fuir et somme arrivées à Maderet le Monastère qui a fondé celui de Sovu. Tu ne nous as jamais laissées en paix, tu as dispersé les Sœurs dans des Monastères différents, pour effacer les preuves de tes crimes, pour que ce que tu avais fait avec Sœur Kizito ne soit jamais exposé au grand jour. Mais Dieu ne l’a pas voulu ainsi, après avoir éloigné les Sœurs les plus anciennes, tu es restée avec les plus jeunes auxquelles tu as demandé de décrire toutes les bonnes actions que tu aurais faites pendant le Génocide, avec l’aide de Mère Aloys de nationalité allemande ; toi et Mère Aloys avez fait écrire ce que vous voulez aux jeunes Sœurs et avez transmis ces écrits à la juridiction belge, mais ce sont justement ces écrits qui vous ont confondus devant la juridiction en question lors du procès en 2001.

Rappelles toi lorsque le juge t’a demandé quel était ton objectif en faisant écrire sur tes supposées bonnes actions alors que personne ne te l’avait demandé, tu n’as pas pu répondre à cette question. Je me rappelle quand il a été demandé à Sœur Domitila si elle avait personnellement écrit le document qu’elle avait signé et elle a répondu : « C’est Mère Aloys et Sœur Domitila qui écrivaient et rectifiaient les écrits pour y insérer ce qu’elles voulaient, elles nous donnaient ensuite les documents à signer ». Pourquoi avoir trempé dans ces magouilles si tu étais innocente ?

Deuxièmement: lorsque les Soeurs sont rentrées au Rwanda, pourquoi toi et Soeur Kizito êtes-vous restées si tu n’avais rien à te reprocher? Sœur Domitilla dans son témoignage a dit la vérité et elle aurait pu être renvoyée car elle faisait partie des jeunes Sœurs.

Je me rappelle encore du témoignage de Sœur Solange qui a dit qu’il y a un enfant qui s’est réfugié auprès de toi et s’est caché en dessous de ta coule (habit de la Sœur) mauve que tu portais, et que tu as livré l’enfant aux Interahamwe ; nous nous rappelons toutes de cet enfant mais c’est Sœur Solange qui a bien expliqué devant la juridiction ce qui s’était passé.

Rappelles toi lorsque j’ai demandé de rentrer au Rwanda et que vous m’avez dit que ce n’est pas possible parce que le Gouvernement en place ne sera pas accepté. Il l’a été et tu devrais venir au Rwanda pour admirer où  notre Président a hissé notre pays. Celui-ci reçoit des décorations pour sa bonne gouvernance, toi tu es encore avant 1994 avec ceux qui veulent te rendre innocente comme le Père LINGUYENEZA Venuste qui n’est jamais venu à Sovu pendant le Génocide, sur quoi se base-t-il pour proclamer que tu es innocente ?

Laisses moi te dire la vérité, l’article que tu as écrit à Bangui en Centre Afrique (« Après les machettes le Ciel sera bon») et le fait que tu as pratiquement vendu le Monastère à l’insu de la communauté, nous a déterminé à rentrer au Rwanda pour aller se réapproprier Sovu. Moi et les Sœurs Schola et Marie Bernard avons été nommées au conseil et notre devoir était de rentrer au Rwanda pour faire éclater la vérité au grand rouge.

Lorsque nous avons demandé de rentrer vous avez refusé de payer les tickets d’avion mais vous aviez oublié que le Bon Dieu pourrait nous réserver une solution. Arrivées au Rwanda chez Monseigneur Gahamanyi, nous y avons trouvé un fax que tu avais écrit en lui demandant de ne pas nous accueillir, et celui-ci de répondre : une religieuse qui demande à son évêque d’accomplir un acte malfaisant dans sa propre maison, à quoi ressemble-t-elle ? Est-ce que tu crois que nous sommes rentrées sans en informer l’évêque? Nous avions même un document nous assurant qu’il nous hébergera et qu’il nous aidera à nous réapproprier Sovu. Il l’a  effectivement fait avec l’aide de Monseigneur Mubirigi Félicien. Nous leur en sommes reconnaissantes, que Dieu leur accorde le repos éternel.

Restons chez Monseigneur Gahamanyi, Dieu nous a permis de découvrir ta lettre qui livrait les nôtres pour qu’ils soient tués, c’était en janvier 1996. Cette lettre a constitué une des preuves de ta culpabilité devant la juridiction qui t’a jugée en 2001. Et après tu oses te proclamer innocente ? N’oublies jamais que lorsque les Sœurs Schola na Marie Bernard se démenaient pour se réapproprier le Monastère de Sovu, toi tu voulais le détruire et le transférer à Marone en Belgique. Les Sœurs de Sovu ont été vaillantes, ont refusé de rester avec toi et ont préféré rentrer dans leur patrie.

Désespérés, vous avez envoyé le Père Comblin pour nous empêcher de dire la vérité; ce n’était pas possible parce que nous ne pouvions pas nous taire sur le massacre des nôtres. Voici mon entretien avec le Père Comblin : il m’a dit que nous devons faire notre possible pour que Sœur Gertrude ne soit pas mise en prison, que ce serait un scandale pour l’Eglise. Je lui ai demandé s’ils pensaient à ceux qui avaient été tués, avant de s’inquiéter pour une personne qui risquait la prison, et pourquoi ils n’avaient jamais dénoncé le Génocide perpétré contre les Tutsi ? Au moins qu’ils le fassent par écrit ! Et il répondit que ce n’était pas eux qui avaient tué les Tutsi. Je lui ai répondu que les victimes avaient aussi été créées à l’image de Dieu et qu’il n’y avait pas plus grand scandale que de tuer à la machette dans une église ou de démolir celle-ci sur ses occupants. Nous nous sommes séparés avec ce prêtre sans pouvoir nous entendre sur quoi que ce soit.

Je termine en remerciant les Soeurs de Sovu qui n’ont pas voulu que le mensonge entache leur communauté. J’en suis témoin parce que j’ai suivi tous leurs témoignages devant la juridiction belge.

Je termine en remerciant également toute personne qui a eu une part, petite ou grande, pour rendre vie au Monastère de Sovu. Je remercie Madame Nowork pour tout ce qu’elle a fait pour nous, que Dieu le lui rende au septuple. Je remercie du fond de mon cœur Monseigneur Gahamanyi qui nous a hébergées toute une année, que Dieu l’accueille parmi les siens.

Je remercie le Chef de l’Etat, Son excellence Paul Kagame, et tous ceux qui l’ont aidé à libérer le pays, parce que sans leur vaillance il n’y aurait pas eu de survivants, que Dieu continue à le protéger dans tout ce qu’il fait”.

Fait à Kigali, le 05/12/2019

KAYITESI Bernadette (signature).

CONCLUSION

Les massacres de Tutsi commis le 5 mai 1994 montre surtout la part de l’Etat rwandais dans la planification du Génocide, notamment en utilisant les medias pour inciter la population Hutu à tuer les Tutsi. Le Génocide a été mis en œuvre à Sovu notamment par des religieuses dont celle qui dirigeait le Monastère, ce qui démontre que toutes les institutions ont participé au Génocide.

Le fait que Soeur Gertrude qui a été condamnée pour sa responsabilité dans le Génocide, qu’elle ait purgé sa peine et libérée, mais qu’elle a continué néanmoins à nier ses crimes et à s’attaquer aux rescapés du Génocide perpétré contre les Tutsi, dont ses collègues dans la religion qui ont vu les leurs aller à la mort, que tous les Tutsi qui s’étaient réfugiés au Monastère ont été massacrés, démontre à souhait l’ampleur de l’idéologie du Génocide qui demeure dans le cœur de certains.

Cela démontre que les stratégies visant à apprendre à la jeunesse l’histoire réelle du Génocide doivent continuer à être mises  en œuvre pour l’aider à construire le Rwanda de demain. C’est une leçon pour tout rwandais qui actuellement se remémore pour la 26eme fois le Génocide perpétré contre les Tutsi. Soutenir ceux qui ont planifié et mis en œuvre le Génocide en les aidant à nier celui-ci et leur responsabilités, relève de l’infecte idéologie du Génocide, qui est punie par la loi. (Fin).

*Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)