Le Commissaire provincial de la Police congolaise demande la population d’user de machette pour contrer les rebelles du M23

Le commissaire provincial de la Police nationale congolaise en province du Nord-Kivu

Le Commissaire provincial de la Police Nationale Congolaise (PNC) en province du Nord-Kivu, le Général Aba Van Ang, a appelé la population à se mobiliser et à user de machette pour contrer les rebelles du M23. Une façon on ne peut plus clair de sacrifier sur l’autel de la haine les membres de l’ethnie Tutsi comme en 1994 au Rwanda, du fait que le M23 est considéré comme le dernier avatar de rébellions à dominante tutsi dans l’Est troublé de la RDC. 

Le Général Aba Van Ang  a désigné les Tutsi à la vindicte populaire au cours d’une parade qu’il a animée au Stade Afia de Goma, chef-lieu de la Province du Nord-Kivu à l’Est de la RDC.

Le Général Aba Van Ang veut bouter dehors les rebelles du M23 qui attaquent la ville de Goma. Il n’écarte pas l’utilisation de machettes dans cette riposte. Le général indexe le M23(Mouvement du 23 mars) comme auteur de plusieurs attaques contre l’armée congolaise et contre la population dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo, ces derniers jours. 

Le numéro Un de la police dans le Nord-Kivu a formulé la demande à la population de s’armer de machettes afin de défendre la ville en péril contre ce qu’il a appelé les rebelles Tutsi qui sont soutenus par leurs frères rwandais. « Notre pays est attaqué (…) aller dire à vos enfants adultes, à vos femmes, à vos frères cadets et aînés, que chacun se procure d’une machette ou d’un outil qui peut tuer quelqu’un, que cette guerre devienne populaire, (…) Comme ça on verra s’ils sauront tuer toute la population. On doit protéger notre ville », s’est-il exprimé en Lingala. Il a dit que le Rwanda agresse son pays au travers de cette soi-disant rébellion du M23.   

À chaque policier, le général Aba Van Ang a recommandé de porter son arme partout. «N’ayez pas peur, continuez à sécuriser la population. Ils ne sont pas habitués à blaguer avec la ville de Goma. Cette fois-ci nous ne les laisserons pas faire (…)», a-t-il insisté.

S’exprimant sur son compte Twitter, le  porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya a précisé que  «le recours aux machettes, au discours de la haine, à la stigmatisation est extrêmement dangereux et à bannir ». 

De son côté, le gouverneur du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima Kongba, a été appelé à rappeler le Commissaire de la PNC à l’ordre. «Appel a été fait au gouverneur militaire pour un rappel à l’ordre de cet officier. Tous les cas de dérapage doivent être dénoncés, condamnés et sanctionnés », a ajouté le porte-parole du gouvernement congolais. 

Les propos de cet officier qui inquiètent également Abdoul Aziz Thioye, directeur du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme (BCNUDH). « Appeler à soutenir les FARDC est légitime et patriotique, encourager la population à s’armer de machettes est inquiétant et inapproprié », a dit Abdoul Aziz Thioye sur le réseau social tweeter. 

Le M23 a sorti à cet effet un communiqué indiquant qu’il est très préoccupé par le discours d’appel à la violence et à la haine. « Nous savons tous comment ce genre d’appel à la violence finit, surtout dans un environnement où les discours de haine ethnique et de xénophobie ont une histoire triste dont les plaies béantes peinent à se cicatriser des décennies plus tard », indique le porte-parole du M23.

Et de préciser: « il est totalement irresponsable que, dans l’une des provinces habitées depuis une vingtaine d’années par des leaders sociopolitiques et des miliciens rwandais qui avaient fait recours à ce genre des discours pour perpétrer le génocide de 1994 contre les Tutsi dans leur pays, une autorité provinciale demande à la population de recourir à la machette pour soutenir les forces armées qui sont des professionnels de la guerre. L’on sait tous comment ce genre de discours a transformé chez nos voisins une partie de leurs paisibles populations en des redoutables sanguinaires dont le nom INTERAHAMWE est resté tristement gravé dans la mémoire du Génocide. Pourtant, il existe plusieurs manières de soutenir l’armée par la population sans faire usage ni des armes blanches moins encore des armes à feu ».

Pour rappel, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) s’affrontent avec les rebelles du mouvement du 23 mars depuis lundi dans plusieurs villages du Nord-Kivu non loin de la ville de Goma. Les heurts ayant repris depuis vendredi dernier sur le territoire de Rutshuru avant de s’étendre sur d’autres localités du territoire de Nyiragongo.

Des affrontements qui se sont intensifiés depuis le 22 mai dernier, causant le déplacement de plusieurs milliers de personnes, selon un rapport du bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Comme par le passé, la RDC accuse le Rwanda de soutenir le M23 dans ces combats. Le gouvernement rwandais rejette ces allégations. Sa porte-parole Yolande Makolo affirme que les combats entre les FARDC et le M23 sont un conflit congolo-congolais et elle accuse l’armée congolaise d’utiliser les rebelles hutu rwandais des FDLR comme supplétifs aux combats. Certains des fondateurs des FDLR ont participé au génocide des Tutsi en avril-juillet 1994 au Rwanda (plus d’un million de morts), avant de se réfugier dans l’est de la RDC, déstabilisant durablement la région

Yolande Makolo Makolo a par ailleurs dit que le Rwanda attend toujours des explications sur les roquettes tirées au Rwanda depuis la RDC et a d’ores déjà demandé au Mécanisme Conjoint de Vérification Elargi (MCVE) d’enquêter sur ces bombardements transfrontaliers.  Les roquettes en provenance de la RDC ont touché lundi 23 mai les Secteurs de Kinigi et Nyange du District de Musanze et le Secteur de Gahunga dans le District de Burera au nord du Rwanda. Basée à Goma, le MCVE comprend des Experts Militaires des États Membres de la CIRGL (Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs). Le MCVE surveille et mène des enquêtes sur les incidents de sécurité dans la Région des Grands Lacs.

“Les combats entre les FARDC et le M23 sont un conflit intra-congolais. Le ministre des Affaires étrangères de la RDC devrait expliquer pourquoi les FARDC combattant aux côtés des FDLR/Interahamwe dans leurs rangs ont bombardé le territoire rwandais le 19 mars 2022 et à nouveau le 23 mai 2022”, a déclaré la porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo.  

Le M23 est né en mai 2012 d’une mutinerie d’anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) intégrés au sein de l’armée congolaise. Les mutins accusaient alors Kinshasa de ne pas respecter les clauses de l’accord signé le 23 mars 2009 (d’où le nom de leur “mouvement du 23 mars”) qui avait permis leur intégration militaire.

Le M23, qui a occupé Goma pendant une dizaine de jours en novembre-décembre 2012, a été vaincu l’année suivante par les forces armées congolaises, après 18 mois de guérilla. Après sa défaite militaire, le M23 a poursuivi des négociations avec Kinshasa, tandis que plusieurs centaines de ses combattants avaient trouvé refuge en Ouganda, où ils ont été cantonnés, et au Rwanda.

Fin 2013, à Nairobi, le M23 et Kinshasa ont signé des engagements, notamment pour ouvrir la voie au rapatriement de la plupart des combattants de l’ex-rébellion en vue de leur réinsertion dans la vie civile. Cette opération n’a jamais connu d’avancée significative. (Fin)