Le Gouvernement a préparé des modules pour faire face au trauma trans-générationnel présent chez les jeunes nés après 1994

Par André Gakwaya:

Lors de la période de commémoration du Génocide des Tutsi, des jeunes nés après 1994 manifestent de signes d’un trama trans-générationnel que l’on voit habituellement chez les rescapés qui ont subi le Génocide, selon le Directeur du Groupe Scolaire (GS) de Huye, l’Abbé Charles Hakizimana.

«Notre GS compte 1164 élèves. Ils sont issus, soit des familles dont les membres ont été décimés pendant le Génocide, soit des parents détenus pour avoir commis le Génocide. Lors de la semaine de la commémoration, nous devons aider ces enfants en leur évitant le trauma. Nous regrettons de ne pas avoir dans chacune de nos écoles des personnes spécialisées affectées pour combatte le trauma. Car, souvent, nous avons à faire face à ces cas de trauma. C’est un vrai défi. Le Rwanda a perdu plus d’un million de personnes. Et l’on peut comprendre l’ampleur de la souffrance, des traumas dans les communautés à divers niveaux», a-t-i indiqué.

Les enseignants belges ont échangé avec leurs collègues de l’ENDP de Karubanda

Il a tenu ces propos pendant que ses enseignants échangeaient avec leurs collègues belges en visite dans trois écoles secondaires de Huye, dont le GS de Huye qui compte ; Ecole Notre Dame de la Providence (ENDP) de Karubanda (603 élèves jeunes filles) ; et l’Ecole Regina Pacis de Tumba (730 élèves).

La Sœur Directrice Philomène Nyirahuku de ENDP Karubanda (Huye), confirme aussi que le trauma tans-générationnel apparaît surtout lors de la commémoration. Les enfants sont dépassés quand ils essayent de penser comment leurs grands-pères, grands-mères, oncles et tantes, ont été exterminés dans des atrocités horribles et sans motif.

«Ils ne parviennent pas à comprendre ces horreurs inimaginables et la méchanceté effroyable des tueurs. Les gens ne sont pas résilients de la même façon. Certains assument et dépassent cette histoire douloureuse pendant que d’autres sombrent dans le désespoir, l’absence de maîtrise et les comportements pathologiques accompagnés de cris d’angoisse et de peurs. Des enfants souffrant de trauma revivent exactement les scènes de tueries et voient en face d’eux des tueurs à l’œuvre dans la boucherie. L’individu devient incapables de s’en sortir, et s’enfonce dans la crise mentale qui sollicite assistance », a-t-elle expliqué.

Elle ajoute que maintenant il y a une assistance matérielle sociale, morale et psychologique aux rescapés. Les gens en difficulté sont identifiés, aidés et cela leur permet de se rétablir. Les églises, la société civile et la communauté s’impliquent et ramènent les ex-bourreaux à aider les rescapés. Ici, l’on donne l’exemple de l’Abbé Ubald Rugirangoga qui développe un programme de rapprochement entre criminels et ex-bourreaux.
Un autre professeur signale que dan tous les cours, l’on peut faire une digression en faisant allusion au Génocide et de façon transversale.

Les enseignants belges ont dialogué avec leurs collègues de l’ERP de Tumba

«Nous disons à nos élèves la vérité. Sans rien cacher. Nous leur donnons l’information exacte. Ils apprennent ainsi que le crime de génocide est une abomination imprescriptible. Le vœu des enfants est finalement d’avoir un Rwanda sans Génocide. Plus jamais ça (Never Again). C’est leur vision du futur», dit-il.

La Préfète de l’Ecole Regina Pacis (ERP) de Tumba et le professeur d’histoire du GS de Huye soulignent que des formations sont dispensées aux enseignants pour encadrer les élèves dans les clubs du Never Again, d’Unité et Réconciliation, et de Lutte contre l’Idéologie du Génocide. Ce sont des programmes spécifiques pour la transmission de la mémoire et la lutte contre l’idéologie du génocide. Ces programmes existent aussi au niveau des villages pour l’ensemble de la population. Lors des travaux communautaires ou à l’approche de la commémoration, les membres de la communauté participent dans l’élaboration des thèmes à discuter.

«Quand il y un cas d’idéologie du génocide chez un élève ou un professeur, nous l’approchons. Nous tous, nous lui donnons des conseils. Nous faisons de sorte que la mauvaise idée apparue ne se propage pas pour contaminer d’autres esprits», souligne une mère enseignante.

Un autre enseignant met l’accent sur les valeurs culturelles et l’identité rwandaise qui sont des priorités à promouvoir et à inculquer dans l’esprit des enfants dès le jeune âge. Ceci se fait à travers des programmes nationaux et l’Académie traditionnelle appelée « Itorero ».

«Nous avons vécu la période du Génocide. Quand nous devons dispenser un cours sur cette période, nous aussi en tant qu’adultes, nous devons rester maîtres de nous-mêmes devant nos élèves. Tant la période du Génocide nous afflige, surtout que nous avons perdu les nôtres. Mais nous incarnons un modèle de comportement envers les enfants en leur montrant que nous devons assumer et dépasser la tragédie pour bâtir un pays sûr et viable pour tous, un pays de paix, de droit, d’équité, et de prospérité. C’est cela la Vision du Futur que nous construisons avec les jeunes générations», poursuit la Directrice de ERP de Karubanda, Isabelle Muhorakeye.

Et l’Abbé Hakizimana d’abonder: «Nous apprenons à nos enfants à être actifs et critiques de façon constructive, à générer des solutions alternatives, à proposer de meilleures réponses innovatives. Ils ne doivent pas avaler n’importe quoi dans leur vie». (Fin)