Le Juste Aloys Uwemeyimana a sauvé la vie à plus de 120 Tutsi en les évacuant vers la RDC voisine

Le Juste  Aloys Uwemeyimana

Pendant le Génocide des Tutsi de 1994, Aloys Uwemeyimana habitait la cellule Rwinzuki, Secteur Nzahaha, District de Rusizi en Province de l’Ouest. Il a pu sauver la vie à plus de cent vingt (120) Tutsi menacés de mort en les évacuant vers la RDC voisine. Il a réalisé ces efforts grâce à des valeurs de sacrifice et de don de soi qu’il a puisées dans le mouvement catholique notamment Xavéri, et dans la Croix-Rouge. Quand le Génocide a éclaté, il était catéchiste et il dirigeait une centrale, et en même temps il était président d le Croix Rouge dans le Secteur de Kiranga.

« Quand j’étais en 6ème primaire, je venais d’une famille modeste et auto-suffisante d’agri-éleveurs. Mais j’avais l’ambition de poursuivre mes études. Après le concours d’entrée à l’école secondaire, je me suis présenté chez le responsable. Il m’a montré la liste des lauréats sur laquelle je devais figurer. J’ai trouvé que mon nom avait été barré au bic et remplacé par celui de ma collègue de classe, dot le père était enseignant. J’ai exhibé l’anomalie au responsable qui m’a signifié qu’il était inadmissible qu’un enfant d’un enseignant ne puisse pas avoir une place à l’école secondaire, alors que le fils d’un pays y est admis. Il m’a proposé de refaire l’année. Je suis rentré à la maison abasourdi et abattu. J’ai décidé de renoncer aux études. J’ai éprouvé dans les tréfonds de moi-même l’amère expérience d’être privé de ses droits, de subir une injustice abjecte et inadmissible. Plus tard, pour combattre l’absence d’amour et de justice, j’ai décidé d’entrer dans le mouvement xavéri qui prêche la charité envers l’autre. Puis j’ai servi dans la Croix Rouge. C’est dans ces valeurs d’amour de l’autre que j’ai puisé le courage de secourir l’être humain en danger » », confie Uwemeyimana. 

Il a tenu ces propos devant un public rassemblé sur le Mont Rebero pour clôturer la Semaine de Commémoration du 29ème Anniversaire du Génocide des Tutsi.  Umeyimana a été élevé au niveau des Justes ou Protecteur du Pacte de Solidarité des Rwandais (Umurinzi w’Igihango).

Les premiers Tutsis se sont adressés à Uwemeyimana le 09 Avril et lui ont dit qu’ils venaient de passer trois jours en se cachant dans des buissons, parce qu’ils fuyaient des milices qui les pourchassaient pour leur appartenance au Parti Libéral (PL).

Le premier Tutsi a été tué dans l’ex-commune de Gishoma le 13 Avril 1994, l’ex-bourgmestre d’alors a organisé un meeting d’appel au calme.

Uwemeyimana est rentré chez lui. Il a trouvé que soixante-douze (72) Tutsi avaient trouvé refuge à la centrale qu’il dirigeait.

« J’avais appris par la Croix Rouge qu’il faut éloigner du danger une personne menacée de mort. J’ai dit aux fuyards que je devais les évacuer à la frontière avec la RDC. J’avais ce droit en tant que président de Croix Rouge dans le Secteur Kiranga. Il conduisait les 76 fuyants à la frontière. Leur chiffre avait augmenté un peu. Certains miliciens acceptaient de les laisser passer à condition de leur donner de l’argent. D’autres optaient de les ramener chez le bourgmestre Nkubito pour subir un jugement. Le troisième groupe de miliciens voulait qu’on tue sur place les fuyards », témoigne Uwemeyimana.

Les fuyards qui s’étaient cachés chez lui avaient quatre mille francs rwandais (4000 Frw) qu’ils lui ont remis. Puis les autres ont réuni huit cent francs rwandais (800 Frw). Tout cet argent a servi à payer les miliciens qui ont laissé les fuyants traverser la frontière.

En date du 18 Avril, Yusuf Munyakazi et des miliciens ont attaqué Mibirizi et ont tué beaucoup de Tutsi. Douze personnes réussirent à s’évader et bénéficièrent de l’aide de Uwemeyimana pour franchir la frontière vers la RDC.

La date du 25 Avril fut un jour terrible. Uwemeyimana a affronté des miliciens et a réussi à faire traverser un groupe de femmes grâce à l’intervention des soldats congolais qui ont été obligés de tirer et faire peur aux miliciens.

« Ces miliciens m’ont identifié et ont menacé de me lyncher si je reviens chez moi », dit-il. Effectivement, à son retour chez lui sous le couvert de la nuit, il a trouvé que des miliciens avaient encerclé son domicile. Il alla dormir chez ses parents. 

En deux mois d’Avril et Mai 1994, Uwemeyimana affirme avoir sauvé la vie à plus de cent vingt (120) personnes. « Elles sont actuellement toutes en vie et m’appellent papa. Les enfants m’appellent grand-père », rapporte-t-il.

Le Juste Uwemeyimana remercie le Président Kagame pour avoir mis en circulation une carte d’identité sans mention ethnique, instauré une éducation pour tous, réhabilité l’Unité Nationale et la Réconciliation. Il remercie les rescapés du Génocide pour avoir accordé le pardon aux tueurs qui l’on demandé, jusqu’à ceux qui ne l’ont pas sollicité. (Fin)