Le parlement européen demande la libération immédiate de Paul Rusesabagina

La vie en rose(tenue des prisonniers) au Rwanda. Le cauchemar de Paul Rusesabagina

Le Parlement européen a adopté aujourd’hui à une écrasante majorité(660 voix pour, 2 contre et 18 abstentions) une résolution sur le Rwanda demandant  la libération immédiate de l’opposant politique Paul Rusesabagina condamné à 25 ans de prison pour «terrorisme» le 20 septembre 2021.

«Les députés condamnent fermement l’arrestation, la détention et la condamnation illégales de […] Paul Rusesabagina au Rwanda, qui sont contraires au droit international et au droit rwandais », indique les eurodéputés dans l’une des deux résolutions sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et au Rwanda adoptées ce jeudi 07 octobre 2021.  

En tant que président de la plateforme d’opposition en exil MRCD, dont la branche armée, le FLN, a revendiqué plusieurs attaques dans le sud du Rwanda en 2018 et 2019, Paul Rusesabagina était accusé d’être impliqué dans la mort de neuf Rwandais. Mais lui a toujours assuré que son rôle au sein du mouvement était limité à la diplomatie et a rejeté toute implication directe dans les attaques.

Paul Rusesabagina a été reconnu coupable des faits dont il était accusé et il a écope de 25 ans de prison ferme pour avoir rejoint un groupe terroriste et avoir commis des actes terroristes. Il n’était pas présent pour écouter le verdict. Lui et sa défense ont boycotté les audiences depuis le mois de mars, estimant le procès non équitable.

Vue du parlement européen

Le Parlement européen estime que le cas de M. Rusesabagina est «l’exemple même des violations des droits de l’homme au Rwanda.»  Les eurodéputés appellent «à remettre en cause l’équité du verdict » et à «la libération immédiate de M. Rusesabagina pour des raisons humanitaires. »

Les députés européens  invitent par ailleurs le gouvernement rwandais «à garantir l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Rusesabagina et à lui permettre de prendre le traitement dont il a besoin. » «Le gouvernement rwandais doit respecter le droit du gouvernement belge d’apporter une assistance consulaire à M. Rusesabagina afin de garantir son état de santé et un accès digne de ce nom à la défense », disent-ils.

Paul Rusesabagina dispose d’une notoriété mondiale depuis qu’un long-métrage hollywoodien – Hôtel Rwanda – a mis en lumière son action controversée lors du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Selon le film, Paul Rusesabagina a sauvé la vie de plus de 1.200 personnes qui s’étaient réfugiés à l’Hôtel des Milles Collines à Kigali dont il était le gérant intérimaire en usant de son influence auprès des miliciens génocidaires. Mais le gouvernement rwandais conteste l’histoire de Paul Rusesabagina telle que présentée dans le film “Hôtel Rwanda” et l’accuse d’imposture.

Après avoir quitté le Rwanda en 1996, Paul Rusesabagina est devenu un opposant farouche. Ses critiques contre le gouvernement rwandais se sont transformées progressivement en appels à un changement de régime. Dans un message vidéo en 2018 disponible sur YouTube, il a été enregistré disant que “le temps est venu pour nous d’utiliser tous les moyens possibles pour apporter des changements au Rwanda. Comme tous les moyens politiques ont été éprouvés et ont échoué, il est temps de tenter notre dernier recours”. À ce moment-là, il était le chef d’une coalition d’opposition en exil, le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD). Son bras armé, le Front de libération nationale(FLN), avait été accusé d’avoir mené des attaques au Rwanda plus tôt en 2018.

Le 31 août, Paul Rusesabagina avait été présenté par la police menotté à Kigali alors qu’il vivait en exil depuis 1996 aux États-Unis et en Belgique. Les autorités rwandaises avaient alors affirmé qu’il était retourné de son propre chef au Rwanda. Ses soutiens avaient pour leur part affirmé que l’opposant avait été enlevé au cours d’un voyage à Dubaï, estimant qu’il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda où il se savait activement recherché.

Dans un vol en provenance des États-Unis, Paul Rusesabagina était arrivé le 26 août à Dubaï, d’où il avait embarqué six heures plus tard dans un jet privé. Il pensait alors se rendre au Burundi à l’invitation d’un pasteur, Constantin Niyomwungere, pour s’exprimer dans ses églises. Fin février, le gouvernement du Rwanda a admis avoir “facilité” ce voyage à l’issue duquel il a été arrêté à Kigali, en versant de l’argent à un homme dont l’identité n’a pas été révélée, présenté comme un ancien “complice” de l’opposant.

Depuis le 17 février, Paul Rusesabagina est jugé à Kigali, un procès qu’il considère inéquitable et auquel il a refusé de comparaître au bout d’un mois. Après qu’une demande d’ajourner le procès pour laisser à Paul Rusesabagina le temps de préparer sa défense ait été rejetée en date du 5 mars,  l’accusé avait informé la cour qu’il ne participerait plus à son procès en raison des violations de ses droits à un procès équitable.

Le 20 septembre 2021, Paul Rusesabagina a été condamné à 25 ans de prison.  Ses 20 coaccusés ont aussi été condamnés. Mais le tribunal a rejeté les allégations d’enlèvement ou de coercition en ce qui concerne la disparition forcée, entre le 27 et le 31 août 2020, et le transfert illégal de Rusesabagina au Rwanda. Les juges n’ont pas non plus abordé les allégations de mauvais traitements soulevées par l’accusé. (Fin)