Le récent ouvrage “Intent to Deceive …” de Linda Melvern est une précieuse contribution dans la lutte contre le négationnisme du Génocide des Tutsi

Linda Melvern

Le récent ouvrage “Intent to Deceive : Denying the Genocide of Tutsi” de Linda Melvern (L.M.) est une précieuse contribution dans la lutte contre le négationnisme du Génocide des Tutsi du Rwanda, selon l’interview accordée par l’auteur à André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI-RNA). Lire l’interview qui suit :

RNA – Quand est-ce que vous avez publié ce livre ?

L.M. – C’était publié il y a deux ans. Mais avec la Covid-19, il a été difficile pour moi de venir au Rwanda pour lancer l’ouvrage. C’est maintenant que je viens de le faire. Mais c’est un livre dont la mise au point a duré un total de 28 ans. Je travaille là-dessus maintenant parce que le négationnisme fait partie du  crime. Alors on le voit quand le crime est en train d’être préparé, pendant que le crime se déroule et surtout après. C’est très important qu’on combatte ce négationnisme. Cela fait tellement du mal aux survivants. Et comme je l’ai dit hier, le Génocide ce n’est pas pour eux quelque chose pour commémorer tous les ans, mais tous les jours. Ils  vivent avec ça. L’ouvrage ne se focalise pas seulement le négationnisme du Génocide. C’est le négationnisme des faits qui ont été établis. C’est vraiment des choses absurdes que les négationnistes se contentent de partager parmi eux.

RNA- Quel est le contenu du livre ?

L.M. – Le livre explique les formes de négationnisme. Il y a des journalistes, des académiques, des génocidaires eux-mêmes qui, durant leurs procès, ont dit que le Génocide n’a pas été planifié. Alors que c’est prouvé qu’il y a eu une planification. Ce n’était pas des massacres spontanés comme ils le prétendent.

RNA – Qu’est ce qui est plus important dans votre livre ?

L.M. – Je crois que parmi les éléments les plus importants, c’est quand même ce programme diffusé par la BBC qui s’appelle : Rwanda Untold story. C’était un choc pour tout le monde que la BBC fasse partie de ces négationnismes. Mais il y a aussi des académiques, des juristes aussi, pour des raisons que je ne connais pas, peut-être le racisme ou pour leur ambition personnelle, qui se contentent de créer des choses qui sont fausses.

RNA – Est-ce que vous êtes intervenue dans des débats publics académiques sur le négationnisme ?

L.M. – Il y avait des débats publics avant la Covid-19. Mais avec la Covid-19, c’est devenu très difficile. Ce n’est pas seulement dans le monde académique, c’est partout dans Fecebook, les médias sociaux. Cela a été un atout que les génocidaires ont utilisé.

RNA – Est-ce que vous avez intégré dans le livre les témoignages que vous avez recueillis à l’ONU ?

L.M. – Comme vous êtes au courant, j’ai commencé ce travail à New York en Avril 94. On voyait le négationnisme même dans le Conseil de Sécurité parce que le Rwanda à ce moment, le Gouvernement génocidaire, avait un siège au Conseil de Sécurité. Alors, pendant tout le déroulement du Génocide, l’Ambassadeur rwandais avait fait semblant, comme je l’ai dit, que c’étaient des tueries spontanées. C’est lui qui au milieu du Conseil de Sécurité nous a montré le programme de négationnisme qui est toujours en cours maintenant. Et qui se déroule partout.

RNA – Est-ce que le monde qui privilégie les valeurs démocratiques et des droits de la personne a laissé faire ?

L.M. – Qu’est-ce que vous voulez dire par monde démocratique. Il ne faut pas diviser le monde comme ça. Pour moi, le plus important est que c’est en Occident où il y a des génocidaires qui sont toujours en liberté que l’on doit juger ces criminels. Si on juge les génocidaires qu’on a par exemple en Angleterre en ce moment, si on avait eu des procès contre ces gens-là, peut-être que le public chez nous comprendra mieux ce qui s’est passé. Parce que c’est ça le problème. Les gens ne comprennent pas bien ce qui s’est passé ici. C’est pourquoi il y a tellement de négationnisme. Moi, ce que je veux, c’est que ces cinq génocidaires qui sont en Grande Bretagne, soient absolument jugés. Sinon, c’est ridicule. Mon pays est un membre permanent du Conseil de Sécurité. On a signé la Convention de 1948, alors on doit être obligé pas seulement d’arrêter le Génocide qu’on n’a pas fait, mais de punir ceux qui sont responsables de ce crime effroyable et imprescriptible

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RNA – La France qui compte beaucoup de négationnistes a décidé aussi de s’aligner sur le droit chemin…

L.M. – En France, c’était comme chez nous. On a un tsunami de négationnisme. Et en France, c’était la même chose. Et c’est en France que le travail des académiciens, des journalistes, je pense à Jean-François Dupaquier, Hélène Dumas, qui ont fait tellement du travail pour que les gens comprennent la complicité de leur gouvernement dans ce crime. Et je crois qu’on va avoir la même chose surtout en Angleterre et aussi aux Etats Unis.

RNA –En définitive, votre livre est une grande contribution dans la lutte contre le négationnisme…

L.M. – Je l’espère… (Fin)