Les 500 pêcheurs de Karongi ont été formés et savent que le condom est une arme pour éviter le VIH/SIDA

Les 500 pêcheurs de Karongi ont été formés et savent que le condom est une arme pour éviter le VIH/SIDA, selon Vincent Mwizerimana, vice-président de l’Union des Coopératives de Pêche de Karongi.

« Le nombre des pêcheurs de ce site de Karongi atteint le nombre de 500. Quand on teste au VIH/SIDA 400 pêcheurs, le sondage sur des personnes infectées peut montrer qu’entre 10 et 20 personnes sont testées positives. Les médecins ne publient pas ce chiffre par souci de discrétion. Mais les confidences entre personnes du même métier révèlent qu’entre dix et 20 personnes ont été testées infectées », confie-t-il.

Mwizerimana exerce le métier de pêcheur depuis environ 30 ans puisqu’avant le Génocide contre les Tusti en 1994, il était déjà pêcheur à Karongi et il est natif de là. Il est âgé de 56 ans. 

Il a tenu ces propos devant des journalistes en descente sur Karongi pour s’informer sur les services délivrés à la population en matière de lutte contre le VIH/SIDA. Ces journalistes regroupés au sein de ABASIRWA (Association des Journalistes qui luttent contre le VIH/SIDA et autres maladies) ont séjourné à Karongi les 28 et 29 Septembre 2022. Ils se sont entretenus à propos du VIH/ SIDA avec les responsables de l’Hôpital de Karongi, de la Fédération du Secteur Privé (PSF), et les pêcheurs comme groupe à risque.

Le président de l’Union des Coopératives des Pêcheurs, Emmanuel Ndagijimana, confirme que la prévention contre le VIH/SIDA chez les pécheurs se fait dans la collaboration entre le PSF et les Centres de Santé.

« Les condoms sont accessibles dans les maisons de passage et les hôtels. Nous avons bénéficié des formations pour nous protéger, surtout les plus jeunes. Des tests sont régulièrement organisés sur le site de l’Union des Coopératives des Pêcheurs de Karongi au moins une fois par an. Les pêcheurs testés infectés sont reliés au Centre de Santé et soumis sous le régime des ARV. Aucun pêcheur ne peut se livrer à des relations sexuelles non protégées. Même la plupart de leurs compagnes ont été sensibilisées aussi puisqu’en ce moment, c’est elles qui vendent le poisson péché, pendant que les hommes font la pêche la nuit », a-t-il indiqué.

Il précise qu’en Novembre prochain, des formations et des dépistages seront organisés sur place à Karongi, Rutsiro, Rubavu, et Nyamagasheke. Le grand défi qui reste est de convaincre tous les pêcheurs à se soumettre au dépistage qui est par ailleurs gratuit. Le PSF fait de son mieux pour placer des points de vente de condoms aux divers sites de pêche fréquentés par les pêcheurs. Il exhorte les jeunes pêcheurs qui sont plus nombreux dans ce métier à garder dans leur poche un condom, juste comme on porte un bâton ou un parapluie pour sa défense et sa protection.

« On doit porter sur soi un parapluie ou un bâton, car on ne sait pas quand il pleuvra ou quand on rencontrera un chien méchant ou tout autre danger. Même les personnes qui ont été exposées à des risques d’infection, quand le condom s’est déchiré pendant l’acte sexuel ou quand on a été forcé à des relations sexuelles lors d’un abus quelconque, il est prévu des soins pour une prophylaxie après une telle exposition. Les centres de santé sont dotés de ces mesures de protection », informe Léon-Pierre Rusanganwa, chargé de la santé au sein du PSF à Karongi.

« Il est prouvé que les pêcheurs dorment pendant la journée chez des femmes qu’ils payent en argent ou en petits poissons « Isambaza» en échange du sexe. Certains n’ont pas de maisons. Ils passent la nuit sur au milieu du lac en pêchant. La journée, ils se reposent chez des femmes qu’ils entretiennent. Cette situation nécessite impérativement le port régulier de condoms. Les pêcheurs ont été formés pour se protéger. Car, leur risque de contamination est élevé. Nous les avons sensibilisés à se faire tester, et à prendre des ARV en cas d’infection au VIH/SIDA. Au Rwanda, il est prouvé que nous avons atteint 95 % dans la suppression de la charge virale, alors que l’OMS recommande 90 %.  95 % de la population se soumettent au test VIH/SIDA. 95 % de personnes testées infectées reçoivent avec discipline les ARV. 95 % de personnes sous ARV parviennent à éliminer le virus. En 2030, nous voulons supprimer le virus, c-à-d on a le SIDA certes, mais on n’est pas malade du SIDA. On a le virus. Mais le test affiche qu’on est sain, qu’on a supprimé l’infection. C’est ce résultat que nous visons en 2030 », explique Rusanganwa.

de g.à droite: Mathias Abimana et Léon-Pierre Rusanganwa

« Le vœu est que nous puissions avoir des personnes en bonne santé, très productives dans leurs coopératives, avec un business prospère qui rehausse le revenu national. La pêche occupe une place de choix. Car, elle fait vivre beaucoup de ménages », poursuit-il.

Le PSF veut que l’on mette des condoms dans des hôtels et maisons de passage comme on y met du savon. Personne ne devrait avoir honte de montrer qu’il a le condom. Ce n’est nullement contre la culture rwandaise, la religion ou la pudeur. L’important est que chacun change de perception et comprenne que le condom est une protection de la vie humaine et de la jeunesse. Le problème est que beaucoup d’hôtels et de maisons de passage sont détenus par des religieux et des pasteurs et qu’ils ne changent pas encore de perception.

« Et pourtant, lors d’un test volontaire effectué en 2009 par RBC sur un groupe de personnes responsables du secteur des confessions religieuses, il a été constaté que 18 % de cet échantillon étaient testés positifs au VIH/SIDA. Les gens doivent se convaincre donc de se protéger avec le condom. Aucune illusion n’est plus permise. La protection de notre santé doit passer en premier lieu », poursuit le chargé de la santé au sein du PSF. 

Pour le président de la Fédération du Secteur Privé en Province de l’Ouest, Mathias Abimana, les pêcheurs ont été sensibilisés sur l’importance de l’hygiène et de la lutte contre le VIH/SIDA. Cette campagne s’adresse aux 13 secteurs du district de Karongi et de l’ensemble de la Province.

« Les pêcheurs sont nombreux, très mobiles. Ils sont de différentes catégories. Ils comprennent des femmes, des adultes et des jeunes. Leur formation exige une sensibilisation constante pour leur protection. La nuit, ils travaillent sur l’eau. Le jour, ils dorment dans les maisons de leurs clients qui sont des femmes. Nous faisons de notre mieux pour disponibiliser des condoms et des formations nécessaires », a-t-il dit.

Il a ajouté que le pays compte 3000 pêcheurs qui opèrent sur 22 lacs, dont le Lac Kivu. Le PSF les approche pour rendre ce secteur dynamique et bien protégé.

 « Ceux qui sont testés positifs au VIH/SIDA n’ont pas besoin de recevoir une supplémentation alimentaire, car ils ont un business et ne sont pas dans la catégorie des vulnérables », a-t-il précisé. (Fin)