Novembre noir pour les réfugiés du camp de Mahama au Rwanda

Camp des réfugiés de Mahama 

Depuis une semaine, le HCR et le PAM ont réduit considérablement la ration alimentaire destinée aux réfugiés du camp de Mahama au Rwanda. 

Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui réalise ce dossier, l’annonce de la réduction avait été faite par ces organisations internationales mais les réfugiés n’y croyaient pas. 

C’est le cas d’Emelyne N., une veuve mère de quatre enfants, qui était sur une longue file d’attente au village 10 devant un agent de la banque Equity pour recevoir la ration monétaire du mois de novembre.

Avant que son tour arrive, elle se demande ce qu’elle pourra faire si jamais la ration venait à être réduite.

« Même si j’avais déjà vu mes compatriotes recevoir la même somme de 4250 francs rwandais (3.45 USD), je me disais que cela ne pouvait pas être le cas pour moi qui suis veuve en charge de quatre enfants. Mais, hélas ! J’ai failli crier et pleurer, ce sont mes compatriotes burundais qui m’ont réconfortée », assure-t-elle.

Emelyne partage cette angoisse et son désespoir avec plus de 64.000 réfugiés burundais et congolais qui vivent au camp de Mahama situé à l’est du Rwanda.

Selon des sources dans le camp, le HCR et le PAM ont expliqué que les réductions sont dues à une diminution significative des ressources affectées à l’aide aux réfugiés, regrettant également qu’ils n’ont reçu que 37% du budget attendu en 2023 pour venir en aide à tout ce monde, ce qui leur est impossible de continuer avec le même rythme.

« À partir du mois de novembre 2023, des réfugiés qui recevaient 10.000 francs rwandais (8.11 USD) par mois et par tête percevront désormais 8.500 francs rwandais (6.89 USD), et ceux qui recevaient 5.000 francs rwandais (4 USD) auront une somme de 4250 francs (3.45 USD), la première catégorie étant considérée comme la plus démunie », a expliqué un agent du HCR.

L’autre assistance coupée comprend : l’aide en espèces pour les articles non alimentaires ainsi que l’aide en espèces pour l’énergie et le gaz combustible aux réfugiés vivant dans les camps. Les orientations et transferts des malades nécessiteux vers les services de santé en dehors des camps sont limités aux cas d’urgence uniquement.

Selon le HCR et le PAM, cette réduction ne s’applique pas à l’assistance accordée aux réfugiés dans le cadre du programme spécial de nutrition (des malades) et aux jeunes étudiants.

Des réfugiés n’en reviennent pas.

« Pour ceux qui ne recevaient aucune contribution monétaire, c’est de mal en pis. Pour les deux autres catégories, ils se lamentent qu’ils vont mourir de faim. Et d’ailleurs des maladies liées à la malnutrition ne vont pas tarder à se déclarer car c’est la misère totale qui va s’installer », disent-ils.

Et de renchérir, « Franchement les prix ont presque doublé, voire triplé ces derniers temps sur le marché des produits alimentaires dans le camp comme d’ailleurs dans tout le pays où l’inflation continue de s’élever. Comment allons-nous tenir ici ? Rentrer chez-nous, c’est ce qu’ils veulent peut-être! Mais, là aussi, c’est une équation difficile à résoudre car la machette et la persécution nous attendent impatiemment », se désolent surtout des réfugiés burundais qui constituent plus de 90% des occupants du camp de Mahama.

Les agences humanitaires tranquillisent ces réfugiés tout en leur recommandant de se tourner vers d’autres sources de revenus, comme des activités génératrices de revenus, ce qui ne convainc pas les concernés.

« Nous n’avons pas de capital pour lancer un business ou un petit commerce. Ce qui est possible c’est de chercher du travail dans les communautés d’accueil, mais là aussi, ce n’est pas tout le monde qui va être embauché », estiment-ils.

Désemparé, ils s’en remettent à Dieu.

Dimanche, dans les églises, une seule prière revenait dans toutes les congrégations : « invoquer Dieu pour arrêter les coupures », comme le précise un chrétien de l’une des églises protestantes.

« Dieu seul sait comment nous allons survivre car c’est lui qui nous a gardés depuis 2015, sinon, on voit que les humanitaires n’ont plus de pitié pour nous », laissent-ils entendre, tout en demandant au gouvernement rwandais et aux humanitaires de faire tout possible pour pouvoir changer cette situation en 2024.

La réduction doit affecter la vie de plus de 135.700 réfugiés et demandeurs d’asile (derniers chiffres du 30 octobre 2023) que compte le Rwanda dont plus de 84.800 d’origine congolaise et plus de 50.100 Burundais. (Fin).