Nyramasuhuko Pauline dans la mise en œuvre de la politique d’extermination appelée “auto-defense civile” dans sa préfecture d’origine: Butare

By Dr BIZIMANA Jean Damascène*

INTRODUCTION

En mesure que le gouvernement génocidaire perdait du terrain, il a tout fait pour intensifier les massacres dans les régions qu’il contrôlait.

Pour y arriver très vite, Jean Kambanda a assigné à chaque ministre une région qu’il devait contrôlait et s’assurer que l’extermination était faite selon le plan d’extermination en place.

Le gouvernement génocidaire, a intensifié sa politique d’extermination en mettant en place les «  comités de crise », c’est-à-dire des comités d’extermination, a commencé à faire disparaitre les preuves du génocide, notamment par la destruction de maisons et de traces de Tutsi qui venaient d’être massacrés.

Nyiramasuhuko Pauline a joué un rôle de premier plan dans la mise en pratique de la politique génocidaire dans  la préfecture de Butare.

Nyiramasuhuko est née en avril 1946 dans la cellule de Rugara, secteur de Ndora, commune de Ndora, préfecture de Butare. Lors du génocide perpétré contre les Tutsi, elle était Ministre de la famille et de la promotion féminine au sein du Gouvernement génocidaire dirigé par Jean Kambanda.

1)      La politique d’extermination des Tutsi appelée « pacification » par le gouvernement génocidaire

Le gouvernement génocidaire a mis en place la politique d’extermination des Tutsi qu’elle a appelée pacification. Pacification signifie pour le gouvernement de Kambanda l’élimination des Tutsi.

Ce gouvernement cherchait à tout prix à mieux contrôler les massacres et de s’assurer qu’ils étaient perpétrés selon le plan d’extermination mis en place par ce même gouvernement.

 Un ministre responsable de l’extermination avait été désigné pour chaque préfecture pour faire en sorte que les directives et les instructions du gouvernement génocidaire soient mises en œuvre. Pour Butare c’était Nyiramasuhuko qui avait été affectée à cette tâche.

Chaque ministre devait faire comprendre à la population les mesures visant l’extermination des Tutsi adoptées par le gouvernement. Les discours  prononcé dans le cadre de « la campagne de pacification » à Butare étaient des discours d’extermination qui étaient les mêmes dans tout le pays.

2)      L’extermination des Tutsi dans la préfecture de Butare a été confiée à Nyaramasuhuko Pauline

 Nyiramasuhuko a participé à toutes les réunions du gouvernement génocidaire dirigé par Kambanda Jean, entre le 9 avril – 14 juillet 1994.

 Le 7 mai 1994 à Murambi, Nyiramasuhuko a participé à la réunion des ministres consacré à la défense civile. Le programme de « défense civile » du gouvernement génocidaire était une composante de la stratégie génocidaire.

De nombreuses réunions de ce gouvernement se sont tenues à Kigali, Gitarama et Gisenyi et durant cette période les ministres, y compris Nyiramasuhuko, étaient régulièrement tenus au fait des massacres qui étaient perpétrés contre les Tutsi.

Lors de ces réunions les ministres avaient exigé que des armes leur soient fournies aux fins de distribution dans leurs préfectures respectives, afin d’accélérer les massacres contre les Tutsi. Au cours de ces réunions le gouvernement génocidaire a adopté des directives et donné aux préfets et aux bourgmestres des instructions qui ont été transmises à la population et qui visaient à continuer partout dans le pays le génocide.

Un ministre avait été désigné pour chaque préfecture, avec pour mission de superviser ce qui s’appelait à l’époque la «pacification», c’est-à-dire l’extermination des Tutsi. C’est à Nyiramasuhuko figurait parmi les membres les plus assidus de ces réunions ou les décisions d’extermination étaient prises.

3)      L’agenda de l’extermination entre les mains de Nyiramasuhuko Pauline

 Nyiramasuhuko tenait un agenda de l’extermination des Tutsi dans son sac, qui montrait la planification des massacres des Tutsi en général et le rôle personnel qu’elle devait jouer. Nyiramasuhuko prenait des notes personnelles lors des réunions du gouvernement génocidaire qu’elle mettait en pratique dans la préfecture de Butare.

L’agenda présente le panorama des massacres et le rôle central du gouvernement génocidaire. Cet agenda constitue une preuve écrite de la planification du génocide perpétré contre les Tutsi par le MRND, la CDR et les autres partis regroupés au sein du Hutu Power.

Cet agenda montre qu’au cours de la période des mois d’avril à juillet 1994, le gouvernement génocidaire de Kambanda avait une fonction essentielle et était bien le lieu où les décisions d’extermination des Tutsi se débattaient et où les décisions étaient prises.

4)      Nyiramasuhuko Pauline a perpétré plusieurs massacres dans la préfecture de Butare

–          Nyiramasuhuko a fait massacrer des Tutsi le 21 avril 1994 à l’IRST

Nyiramasuhuko a fait ériger des barrières dans la ville de Butare utilisées pour identifier les Tutsis, afin de les éliminer. Son fils Arsène Shalom Ntahobali sillonné la préfecture de Butare à la recherche de Tutsi. Après avoir repéré les victimes, Nyiramasuhuko et son fils les enlevait et les conduisait à différents endroits où elles étaient exécutées. Nyiramasuhuko a ordonné aux Interahamwe tenaient les barrières de les « emmener à l’endroit où les autres Tutsi avaient été conduits pour y être tuées.

–          Nyiramasuhuko appelait les Tutsi « la saleté ».

Un jour, devant le bureau de la préfecture de Butare  en compagnie du préfet Sylvain Nsabimana s’était gratté la tête et avait dit, en colère et à haute voix : « Cet endroit est sale, cet endroit pue. Il y a de la saleté ici. Il faut dégager cette saleté ; il ne faut pas que je retrouve encore cette saleté ici.  Nyiramasuhuko désignait les réfugiés tutsi qui se trouvaient là dans la cour lorsqu’elle parlait de « saleté »7997. Nsabimana avait alors demandé aux Interahamwe et aux militaires de faire évacuer les réfugiés et de les obliger à se tenir à l’arrière du bureau de la préfecture pendant la journée. Les réfugiés qui se trouvaient au bureau de la préfecture étaient battus et tués.

–          Nyiramasuhuko a ordonné d’évacuer les réfugiés Tutsi et de les massacrer

Nyiramasuhuko est revenue au bureau de la préfecture une autre fois. Elle a demandé à Nsabimana de convoquer une réunion des bourgmestres de la préfecture, pour leur demander de faire évacuer les réfugiés vers les communes où ils résidaient. Cet ordre avait été exécuté, et après l’évacuation les Tutsi ont été tués.

–          Le massacre des Tutsi au barrage routier établi par Nyiramasuhuko à  l’hôtel Ihuliro

Depuis avril 1994, un barrage routier avait été établi à proximité de la résidence de Nyiramasuhuko et de Ntahobali, «l’hôtel Ihuliro ». L’hôtel Ihuriro servait également de lieu de rassemblement et de planification du génocide.

Nyiramasuhuko et les Interahamwe ont tenu régulièrement des réunions à l’hôtel Ihuliro au cours desquelles ils ont débattu de la mise en œuvre du génocide dans la préfecture de Butare. Des Interahamwe et des militaires  ont utilisé ce barrage pour identifier, enlever et tuer des Tutsi. Ainsi par exemple, le 21 avril 1994 un Tutsi dénommé Léopold Ruvurajabo a été tué près de l’hôtel Ihuliro sur les instructions de Nyiramasuhuko et Ntahobali.

–          Nyiramasuhuko a ordonné aux Interahamwe d’enlever des femmes tutsi, de les violer avant de les tuer.

C’est sur le barrage de l’hôtel Ihuliro que des filles et femmes tutsi étaient enlevées et violées sur les instructions de Nyiramasuhuko avant de les tuer. Cette politique de viol a été largement utilisée par Nyiramasuhuko dans toute la ville de Butare. Le viol de femmes tutsi a été utilisé comme une arme de génocide, qui s’inscrivait dans la politique générale d’extermination. Nyiramashuko encourageait les Interahamwe, y compris son fils à violer les femmes tutsi.

–          Nyiramasuhuko a ordonné le massacre de Tutsi refugiés à l’EER

 Après que Nyiramasuhuko et Ntahobali ont attaqué les réfugiés au bureau de la préfecture de Butare entre le 19 avril et la fin juin 1994, ceux qui avaient survécu ont été emmenés dans divers endroits de la préfecture pour y être exécutés, notamment dans la forêt jouxtant l’EER. La, des Tutsi ont été maltraités avant  d’être exterminés.

 Nyiramasuhuko a été reconnue de génocide et condamnée à une peine d’emprisonnement à vie en première instance, mais cette peine a été réduite à 47 ans en appel. Son fils Shalom Ntahobali a été condamné à la même peine de 47 ans d’emprisonnement que sa mère.

CONCLUSION

 Les massacres de Tutsi ont continué dans la partie tenue par le gouvernement génocidaire, qui a intensifié sa politique d’extermination en mettant en place les «  comités de crise », c’est-à-dire des comités d’extermination, et la politique de la défense civile qui visaient à ne laisser aucun Tutsi vivant au Rwanda. C’est à cette époque que ce gouvernement a commencé à faire disparaitre les preuves du génocide, notamment par la destruction de maisons et de traces de Tutsi massacrés. (Fin).

* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)