OPINION: Une action coordonnée à l’échelle mondiale est le meilleur moyen de lutter contre la chenille légionnaire d’automne

By Rémi Nono Womdim*

Kigali, 18 Déc. (ARI) – La lutte contre les ravageurs transfrontières est pour le moins difficile. Les normes, les pratiques, les niveaux de capacité et l’engagement varient d’un pays et d’une région à l’autre; les interventions sont souvent ponctuelles et inefficaces.

La situation devient encore plus complexe lorsque les ravageurs en question, à l’instar de la chenille légionnaire d’automne, survolent les frontières, menacent la sécurité alimentaire et les moyens d’existence de millions de petits exploitants et entraînent de graves dommages sur les plans environnemental et économique.

À travers le lancement de l’«Action mondiale pour le contrôle de la chenille légionnaire d’automne», une initiative pionnière qui vise à mobiliser 500 millions d’USD sur la période 2020-2022, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) entend prendre des mesures radicales, directes et coordonnées afin de combattre la légionnaire d’automne à l’échelle mondiale.

La chenille légionnaire d’automne: brève présentation

La chenille légionnaire d’automne est une chenille envahissante originaire du continent américain. Elle privilégie le maïs, mais se nourrit également d’au moins 80 autres cultures, parmi lesquelles le riz, le sorgho, le millet, la canne à sucre, les légumes et le coton.

Une fois établie dans une région, la légionnaire d’automne est presque impossible à éradiquer et il est extrêmement difficile d’arrêter sa propagation: une adulte en bonne santé peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres!

En effet, depuis son arrivée en Afrique de l’Ouest, il y a près de quatre ans, la chenille légionnaire d’automne a déjà proliféré sur tout le continent africain et, au-delà, dans plus d’une dizaine de pays d’Asie, notamment la Chine et l’Inde. L’Europe pourrait être la prochaine région concernée.

S’il est difficile de calculer l’ampleur des dégâts causés par la chenille légionnaire d’automne à l’échelle mondiale, les estimations réalisées par douze pays africains en 2018 indiquent que les pertes pourraient atteindre 17,7 millions de tonnes de maïs par an, ce qui équivaut à 40 pour cent de la production de maïs en Afrique, soit 4,6 milliards de Dollars Etats Unis. Ce sont les petits producteurs de maïs du continent qui sont le plus durement touchés: la plupart d’entre eux dépendent de cette culture pour échapper à la faim et à la pauvreté.

En quoi consiste l’Action mondiale?

La nouvelle Action mondiale pour le contrôle de la chenille légionnaire d’automne permettra d’intensifier massivement des projets et activités de la FAO en direction des centaines de millions d’agriculteurs touchés. Elle poursuit trois grands objectifs: i) établir une coordination mondiale et une collaboration régionale en matière de surveillance, d’alerte rapide et de gestion intégrée de la chenille légionnaire d’automne; ii) diminuer les pertes associées  aux récoltes; iii) réduire le risque de propagation ultérieure.

L’Action mondiale entend cibler les trois régions qui ont connu une invasion de chenilles légionnaires d’automne ces dernières années — l’Afrique, le Proche-Orient et l’Asie — et s’aligner sur la nouvelle Initiative Main dans la main de la FAO, fondée sur les données, qui vise à appuyer la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies en associant les pays les plus développés à ceux qui affichent les taux de pauvreté et de sous-alimentation les plus élevés.

Partage des connaissances, innovation et recherche

Dans le cadre de l’Action mondiale, il sera primordial de coordonner les efforts pour diffuser les connaissances et les informations auprès des petits exploitants touchés par la chenille légionnaire d’automne, en particulier par la création ou l’élargissement de groupes de travail nationaux spécialisés. Ces derniers renforceront les initiatives actuelles de la FAO telles que le programme des champs-écoles des producteurs et iront au-delà en intervenant au sein des communautés les plus isolées.

L’Action mondiale fera également la promotion de la lutte biologique contre les ravageurs et d’autres pratiques novatrices sur le terrain ainsi que de technologies telles que l’application mobile pour la surveillance et l’alerte précoce de la chenille légionnaire d’automne (FAMEWS) qui exploite l’intelligence artificielle pour aider les agriculteurs équipés de smartphones à repérer les dégâts et à prendre les mesures appropriées. En tant que centre de données en temps quasi réel, le FAMEWS facilite l’estimation de la propagation des ravageurs et des dégâts aux cultures, ce qui permet de mieux cibler les interventions.

Il n’existe pas de remède unique. La lutte contre la légionnaire d’automne nécessitera des solutions scientifiques sur mesure tenant compte du contexte spécifique de chaque zone infestée. Toutefois, les études devront se poursuivre pour déterminer les mesures les plus efficaces et les régions qui en bénéficient le plus. À cet égard, les connaissances locales et les dizaines d’années d’expérience en matière de lutte contre la légionnaire d’automne sur le continent américain constitueront aussi des repères importants.

Des débuts prometteurs

Il est particulièrement intéressant de noter  que le lancement de l’Action mondiale, le 4 décembre dernier, intervint deux jours seulement après l’ouverture officielle de l’Année internationale de la santé des végétaux 2020 des Nations Unies, sous l’égide de la FAO. L’IYPH souligne l’importance de la santé des végétaux pour la santé de la planète et de l’humain et demande instamment que des mesures soient prises pour lutter contre la propagation des ravageurs et des maladies, en particulier en raison du changement climatique, des échanges commerciaux et d’autres facteurs.

En fin de compte, la réussite de l’Action mondiale, de l’IYPH et d’autres initiatives en matière de santé des végétaux sera fonction de la capacité de parties prenantes aussi nombreuses que diverses à œuvrer ensemble à la réalisation d’un objectif commun. La FAO jouera un rôle moteur dans la mise en œuvre de ce modèle de partenariat et, selon les termes de son du directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu, s’engagera «à mettre les connaissances, l’expérience et les enseignements tirés des parties prenantes et des partenaires au service des agriculteurs du monde entier pour enrayer la menace que constitue ce ravageur».

*Cet article a été rédigé en décembre 2019 par Rémi Nono Womdim, directeur adjoint de la division de la production végétale et de la protection des plantes de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).