Procès Munyemana à Paris pour génocide – Questions soumises à la cour

Sosthène MUNYEMANA(à gauche) avec son avocate dans la salle d’audience

Lors de l’annonce du verdict, monsieur le président a détaillé les réponses aux questions soumises à la cour dont le détail avait été présenté avant les plaidoiries :

           Questions

           Verdict

           Déclaration du président de la Cour

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Questions

1. Génocide  coupable

Question n°1: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda et dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, des atteintes volontaires à la vie ont été commises à l’encontre des membres du groupe tutsi ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°2: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir commis ou d’avoir fait commettre les actes spécifiés à la question n°1 ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°3: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda et dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique ont été commises à l’encontre des membres du groupe tutsi ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°4: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir commis ou d’avoir fait commettre les actes spécifiés à la question n°4 ?

Réponse de la Cour: Oui

2. Complicité de génocide – acquitté

Question n°5: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de l’action spécifiée à la question n°1 ? Réponse de la Cour: Non

Question n°6: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de l’action spécifiée à la question n°3 ? Réponse de la Cour: Non

3. Crimes contre l’humanité – coupable

Question n°7: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda et dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, en exécution d’un plan concerté inspiré par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, des actes ayant consisté en une pratique massive et systématique de torture ou d’actes inhumains, ont été commis à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile tutsie ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°8: l’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir participé aux actes spécifiés à la question n°7 ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°9: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda et dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, en exécution d’un plan concerté inspiré par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, des actes ayant consisté en une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition ont été commis à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile tutsie ?

Réponse de la Cour: Oui

4. Complicité de crimes contre l’humanité – partiellement acquitté

Question n°10: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de l’action spécifiée à la question n°7 ?

Réponse de la Cour: Non

Question n°11: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de l’action spécifiée à la question subsidiaire n°9?

Réponse de la Cour: Oui

5. Participation à une entente en vue de la préparation des crimes de génocides et autres crimes contre l’humanité– coupable

Question n°12: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda, dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, un groupement a été formé ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des crimes définis par l’article 211-1 code pénal, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction partielle ou totale du groupe tutsi ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°13: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir participé au groupement ou à l’entente spécifié à la question n°12 ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°14: Est-il constant que sur le territoire du Rwanda, dans le ressort de la préfecture de Butare, de courant avril 1994 à courant juin 1994, un groupement a été formé ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de crimes définis par l’article 212-1 du code pénal en exécution d’un plan concerté inspiré par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile tutsie ?

Réponse de la Cour: Oui

Question n°15: L’accusé Sosthène MUNYEMANA est-il coupable d’avoir participé au groupement ou à l’entente spécifié à la question n°14 ?

Réponse de la Cour: Oui

Verdict

Monsieur Sosthène MUNYEMANA a été reconnu:

           coupable de génocide par atteinte volontaire à la vie et par atteinte grave à l’intégrité physique et psychique commises à l’encontre des membres du groupe Tutsi;

           coupable de crimes contre l’humanité par pratique massive et systématique de torture ou d’actes inhumains, d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition à l’encontre d’une population civile, en l’espèce la population civile Tutsi;

           coupable de complicité de crimes contre l’humanité par pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition ont été commis à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile Tutsi;

           coupable du crime d’entente en vue de la préparation des crimes de génocides et autres crimes contre l’humanité.

Il a également été :

           acquitté pour les faits de complicité de génocide qui lui été reprochés;

           partiellement acquitté pour les faits de complicité de crimes contre l’humanité en ce qui concerne la pratique massive et systématique de torture ou d’actes inhumains, ont été commis à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile Tutsi.

Monsieur Sosthène MUNYEMANA a été condamné à la peine de 24 ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté de 8 ans.

Déclaration du président de la cour, monsieur Marc SOMMERER

La cour d’assises vous a condamné, après en avoir délibéré, à la peine de 24 années de réclusion criminelle. La Cour et le jury ont fixé cette peine à la majorité absolue. La Cour et le jury ont fixé aussi à 8 ans la période de sureté. Elle est automatiquement fixée à 12 ans et la Cour d’Assises l’a réduite.

Vous avez un délai de 10 jours pour faire appel de cette décision.  Monsieur et Madame les avocats généraux ont également 10 jours pour faire appel.

En raison de la complexité de l’affaire, de la durée des débats et du délibéré qui a pris près de 14 heures, je ne suis pas en mesure de vous remettre la motivation sur les faits et sur la peine qui fera au moins 20 à 30 pages. Je vais utiliser le délai de 3 jours prévu à l’article 365-1 in fine du code de procédure pénale. La motivation sera disponible vendredi.

Juste quelques mots sur la peine.

Les crimes contre l’humanité et le génocide appartiennent à la catégorie des crimes les plus graves et le législateur les fait figurer en tête du Code pénal et des crimes sur les personnes. Il s’agit effectivement des crimes de masse qui se situent au sommet de la pyramide des crimes, le génocide considéré comme le crime des crimes, d’abord qualifié de crime sans nom avant que le terme de génocide ne soit utilisé pour la première fois.

Par conséquent se sont de telles atteintes à la personne humaine qu’elles atteignent l’humanité toute entière. En raison du trouble exceptionnel et pérenne à l’humanité, ils traumatisent par le nombre de victimes directes et indirectes, par l’intensité et par l’atrocité des crimes commis de manière durable et irrémédiable sur les victimes et les survivants et aussi sur l’humanité toute entière et marquent à jamais l’histoire de l’humanité; et la cour et le jury ont tenu compte de l’extrême gravité et de l’exceptionnelle gravité des crimes commis.

Sur le plateau de Tumba, si le nombre de victimes est difficilement estimable, si à Tumba vous avez participé, à l’échelle de Tumba et de la préfecture de Butare, au génocide, vous avez participé au génocide des Tutsi sur tout le Rwanda qui a coûté la vie à plus d’un million de femmes, d’hommes, d’enfants, de vieillards simplement parce qu’ils étaient Tutsi. Vous étiez impliqué dans la politique génocidaire. Médecin, vous avez trahi votre serment. Vous avez abusé de l’influence que donnait votre notabilité. Vous avez fait partie d’un petit groupe d’individus qui a organisé et piloté au quotidien le génocide des Tutsi sur Tumba. Nous avons relevé que rien ne montrait que vous aviez le leadership dans ce groupe sur Tumba, mais vous apparteniez à ce petit noyau dur.

Vous avez tenté de vous exonérer de votre responsabilité, ce ne peut pas être un élément d’aggravation de la peine, en revanche cela ne vous permet pas de bénéficier du crédit accordé à ceux qui assument leur responsabilité quand s’agit de prononcer une peine. 

Nous n’avons pas été en mesure de trancher entre les deux expertises psychologiques.

La Cour a pris en compte un certain nombre d’éléments dans un sens de la minoration. La raison pour laquelle nous avons réduit votre période de sûreté, nous avons tenu compte de votre âge, de votre insertion professionnelle, de l’absence de risque de récidive, du respect scrupuleux du contrôle judiciaire auquel vous êtes astreint depuis 12 ans – de mémoire, je crois -, de l’absence de condamnation au casier judiciaire.

Ce sont quelques mots que j’ai préparés rapidement parce qu’il me paraissait important de ne pas laisser les avocats, les avocats généraux, le public, sans explications sur la peine. Vous aurez une motivation très détaillée.

Vous avez un délai de 10 jours pour faire appel.

S’agissant d’une peine criminelle supérieure à 10 ans vous allez être incarcéré dès ce soir.

Je tenais également à formuler des remerciements particulièrement appuyés et chaleureux aux jurés pour le sens du devoir citoyen exceptionnel que j’ai trouvé, pour leur engagement de chaque instant pendant ces 5 semaines de débat. Et également à ceux qui ont participé à cette procédure et à ce procès. (Fin). 

Dossier réalisé par Margaux MALAPEL, Jacques BIGOT, Alain GAUTHIER