Procès pour génocide de Laurent Bucyibaruta à Paris. 22 juin 2022. J29

·         Audition de monsieur Venant GAKWAYA, cité par la défense, en visioconférence de Belgique.

·         Audition de madame Béatrice KAMPIRWA, citée par la défense, en visioconférence de Belgique.

·         Audition de maître Eric GILLET, à la demande du ministère public.

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Audition de monsieur Venant GAKWAYA, cité par la défense, en visioconférence de Belgique.

Le témoin a été juge au Tribunal de Première Instance de GITARAMA jusqu’en 1974, puis commerçant à BUTARE.

« Je parlerai sans mentir de la manière dont j’ai fait connaissance de Laurent BUCYIBARUTA comme sous-préfet de BUTARE. C’était un homme juste, intègre, honnête et apprécié de tous. 

Candidat à la députation à GIKONGORO, il a été élu par les Hutu et les Tutsi, ce qui prouve qu’il était apprécié. Cela nous a montré que la population le connaissait comme nous. Il a été élu deux fois mais n’a pas terminé son deuxième mandat car il sera nommé préfet. 

Pendant la guerre (sic), je lui ai téléphoné pour qu’il me contacte dès qu’il arriverait à BUTARE. Je cachais beaucoup de personnes chez moi, dont une femme et ses trois enfants. Son mari, qui était décédé, était un Hutu originaire de GIKONGORO. Je voulais qu’il la conduise à GIKONGORO dans sa belle-famille.

La réponse qu’il m’a donnée m’a beaucoup déçu: « Mieux vaut que cette famille reste cachée chez vous. Je n’ai aucun pouvoir sur les tueurs. Si je la prends, on va la tuer. » Je n’ai pas compris. Il s’est déclaré incapable de prendre ses responsabilités. Cette femme est restée chez moi avec trente-cinq personnes.

Plus tard, je les ai confiés à une ONG, Terre des Hommes, qui les a conduits à BUJUMBURA au Burundi. 

Une autre partie des personnes que je cachais, une quinzaine environ, a été confiée aux militaires français de la zone Turquoise venus évacuer l’évêque de BUTARE, monseigneur GAHAMANYI. Les autres sont restés chez moi jusqu’à l’arrivée du FPR le 3 juillet.

Je suis alors parti à GIKONGORO où je suis resté une semaine. Je me suis ensuite réfugié à UVIRA, au Zaïre, pendant deux semaines. Je suis rentré chez moi sans avoir rien à me reprocher. »

Monsieur le président rappelle au témoin qu’il a été entendu par les enquêteurs français (D 10722). Vous aviez de bonnes relations mais pas de liens particuliers? « Il m’a trouvé une fois à la station d’essence où je lui ai exposé mon cas. »

Le président: Il avait de la place dans sa voiture?

Le témoin: Oui. Il avait une camionnette. Ce qui l’a empêché de répondre positivement à ma demande, c’est qu’il pensait ne lui être d’aucune utilité. Cette femme s’appelait Jeanne d’Arc MUKANGARAMBE. Son mari était professeur à l’Université de BUTARE, puis à KIGALI. Il est mort avant le génocide. Elle, était Tutsi. Laurent BUCYIBARUTA m’a dit: « Si ces personnes arrivent sur place, on les tuera. Je n’ai aucun pouvoir sur les tueurs. »

Le président: Vous avez revu Laurent BUCYIBARUTA?

Le témoin: Non.  Quand je suis revenu au Rwanda, je suis allé rendre visite à une personne innocente à la prison de KARUBANDA, à BUTARE. Les militaires m’ont demandé qui je venais voir. J’ai dit que c’était une personne qui avait été arrêtée. On m’a aussitôt arrêté et conduit au cachot pendant une semaine. J’ai ensuite été transféré à la prison de KIGALI. Après trois semaines, un militaire m’a demandé pourquoi j’avais été arrêté. Le lendemain, il est revenu et j’ai été libéré. C’est RWANGABOBA Justin que je venais voir. Il est resté dix ans en prison puis a été acquitté. J’ai ensuite été convoqué devant les Gacaca qui m’ont condamné à perpétuité. En réalité, mes voisins commerçants s’étaient concertés pour me faire arrêter. Je suis parti au Kenya, mais je revenais de temps en temps au Rwanda.  Je vis en Belgique depuis 2008.

Monsieur le président donne lecture d’un rapport de monsieur André GUICHAOUA: Butare, la préfecture rebelle. A BUTARE, le PSD s’était beaucoup développé. Beaucoup de commerçants avaient adhéré à ce parti. Le bourgmestre, Joseph KANYABASHI s’était lui-même rallié au PSD, ce qui était bien vu par les commerçants. Venant GAKWAYA, juge de canton, faisait partie des personnages importants de la ville. Un certain Isaac MUNYAGASHAKE avait adhéré au MDR Parmehutu. Ses deux fils étaient des Interahamwe notoires dont Désiré MUNYANEZA. Mais pour pouvoir bien vivre, mieux valait adhérer à plusieurs partis. Monsieur Venant GAKWAYA était considéré comme un membre du MDR Pawa.

Président : (D10626) : Il est dit au sujet de Jean-Baptiste SEBARINDA « pendant la guerre il devint un activiste et gérait le compte de la Défense civile à BUTARE ». Voulez-vous me dire votre rôle dans la défense civile de BUTARE ?

GAKWAYA Venant : Moi, je n’avais aucun rôle, j’ai été nommé comme secrétaire de la Chambre de commerce, on ne m’a pas demandé, je n’étais pas à la réunion. Un autre qui a été nommé c’est le secrétaire Juvénal de BUTARE. Ces personnes ont été nommées par rapport aux fonctions qu’elles exerçaient.  Je n’y ai jamais participé, et je n’ai même pas versé une quelconque cotisation.

Président : Donc, vous êtes Hutu Power par hasard ?

GAKWAYA Venant : Oui, c’est ça.

Président : Donc, pendant le génocide, vous expliquez que vous avez caché trente-cinq personnes chez vous ou dans des maisons qui vous appartenaient (D10722), et vous avez dit: « Les militaires sont venus chez moi pour fouiller, mais des fouilles pas très sérieuses car ils n’ont pas trouvé les gens que je cachais ». Je suis un peu surpris. Monsieur, comment se fait-il qu’une perquisition faite par les militaires dans la maison où vous accueillez trente-cinq personnes qui s’y cachent, comment se fait-il que les militaires n’y voient rien ? Expliquez-moi, je ne comprends pas très bien.

GAKWAYA Venant : A ce moment-là, j’étais sorti. J’étais à la station et on m’a dit que les militaires arrivaient chez moi pour fouiller, perquisitionner mon domicile. Quand je les ai croisés, ils venaient de terminer, mais ils n’avaient pas fait le tour pour fouiller partout. Autrement, ils les auraient découverts.

Président : Ce que vous expliquez c’est qu’ils n’auraient pas bien effectué leur travail ?

GAKWAYA Venant : Oui, c’est la chance.

Président : Vous avez rencontré le Président intérimaire SINDIKUBWABO ?

GAKWAYA Venant : Je n’y étais pas, je ne l’avais pas vu.

Président : Vous aviez dit que vous étiez à CYANGUGU. Vous vous déplacez fréquemment pendant cette période du génocide ? C’était facile de se déplacer ?

GAKWAYA Venant : La guerre a commencé après le départ de SINKUBWABO de BUTARE.

Président : Donc, pour vous, la guerre a commencé après le départ de SINKUBWABO ?

GAKWAYA Venant : Oui, oui avant on était bien.

Président : Sans problème ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Président : Mais CYANGUGU ce n’est pas à BUTARE ?

GAKWAYA Venant : Non.

Président : Est-ce que vous allez à GIKONGORO de temps en temps ?

GAKWAYA Venant : Uniquement de passage.

Président : Alors, pourquoi vous n’avez pas conduit vous-même la veuve et ses trois enfants ?

GAKWAYA Venant : C’était pendant la guerre, c’était difficile.

Président : Jusqu’au 19 avril, ce n’était pas la guerre Monsieur, justement ?

GAKWAYA Venant : C’était la guerre après.

Président : Voulez-vous ajouter autre chose ?

GAKWAYA Venant : Comme je connaissais le préfet Laurent BUCYIBARUTA, comme je le disais, c’est un homme honnête, bon, il ne pouvait pas tuer. Mais, on n’avait pas confiance en lui car on disait qu’on le soupçonnait d’avoir caché des Tutsi, on n’avait pas confiance en lui, comme sa femme était Tutsi. Autre chose, je suis originaire de GIKONGORO et je suis passé par-là, c’était ma commune natale et on connaît les autorités qui ont participé, mais personne n’a jamais dit chez moi que le préfet BUCYIBARUTA aurait tué, aurait poussé les gens à tuer. Tout le monde le respectait et avait confiance en lui. Il était suspecté et on disait qu’il avait caché lui-même des gens chez lui.

Président : Vous êtes déjà allé chez lui ?

GAKWAYA Venant : Non, mais je le connaissais. Je me suis renseigné à propos de lui-même au sujet du bourgmestre, je me demandais comment celui-là se comportait, comment un tel autre se serait comporté. Personne ne m’a jamais dit que le préfet Laurent BUCYIBARUTA se serait impliqué dans ces choses-là.

Questions de la Cour :

Juge Assesseur 1 : La scène où vous demandez au préfet Laurent BUCYIBARUTA de prendre les enfants dans la voiture pour GIKONGORO, est-ce que vous pouvez la dater ?

GAKWAYA Venant : Au mois d’avril ou au début du mois de mai. Je me souviens du mois mais pas des dates.

Juge Assesseur 1 : Est-ce que, aujourd’hui, vous regrettez que le préfet n’ait pas pris les enfants dans sa voiture ?

GAKWAYA Venant : J’ai compris qu’il était incapable.

Juge Assesseur 1 : Non, non. Ma question c’est « vous regrettez » ?

GAKWAYA Venant : La réponse qu’il m’a donnée vraiment je n’ai rien compris. Mais, si j’avais insisté, il aurait pu les prendre, et les conduire à GIKONGORO, il m’a juste conseillé.

Juge Assesseur 1 : Vous, vous étiez à BUTARE, dans cette préfecture, est-ce qu’il y a eu des massacres contre les Tutsi ?

GAKWAYA Venant : Oui, oui, et contre les Hutu aussi.

Juge Assesseur 1 : Est-ce que vous pouvez dater?

GAKWAYA Venant : Je crois le 20 ou le 21 avril.

Juge Assesseur 1 : Est-ce que le 20 et 21 avril ça a un rapport que le président soit venu le 19 et que le Préfet HABYARIMANA ait été destitué ?

GAKWAYA Venant : Le préfet de BUTARE ne voulait pas participer aux tueries. Au début j’étais à KIGALI et ensuite je suis allé à BUTARE. C’était calme. Si le Président n’avait pas fait ce discours, la guerre n’aurait pas eu lieu à BUTARE, il n’y aurait pas eu de massacres.

Juge Assesseur 1 : Vous êtes à BUTARE dans les jours qui suivent le 20, qu’est-ce qu’on sait ? Qu’est-ce qu’on dit de l’ancien préfet ? Qu’est-ce qu’on dit de ce qui est arrivé à sa famille ? Sa femme ?  Ses filles?

GAKWAYA Venant : On dit que ce jour-là il a été tué ou un jour après. Sa femme aussi et ses enfants. Sa femme était Hutu et elle a été tuée. Elles étaient à la maison chez lui.

Questions de la défense:

Me LÉVY : J’aimerais que vous me donniez des précisions sur votre adhésion au parti MDR ? A quel moment avez-vous adhéré à ce parti ?

GAKWAYA Venant : J’étais opposant comme d’autres. Je participais au MDR, mais je soutenais le PSD, le PL car je voulais qu’il y ait un changement.

Me LÉVY : Donc, c’est au début du multipartisme que vous avez adhéré au parti MDR ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : J’aimerais revenir sur un autre point, sur les accusations dont vous avez fait l’objet. Quand vous êtes rentré au RWANDA, vous avez été arrêté, libéré, est-ce que c’est des années plus tard qu’il y a eu des accusations contre vous ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : Combien d’années après que ces nouvelles accusations, dénonciations ont eu lieu ?

GAKWAYA Venant : Ils ont commencé en 1997 vers la fin, j’en ai informé le Ministre qu’il y avait des réunions qui se font et qu’on veut me faire arrêter. Il m’a dit que lui ne pouvait rien faire. Quelques jours après, le Ministre à qui j’avais parlé, je lui ai exposé ma situation, et il a pris la fuite. Je voyais quand même que je pouvais être condamné injustement, et donc j’ai pris la décision de m’éloigner un peu, mais je revenais sur place au Rwanda.

Me LÉVY : Quel est le nom du ministre qui a pris la fuite ?

GAKWAYA Venant : Je ne sais pas.

Me LÉVY : Est-ce que c’est Monsieur NKUBITO ?

GAKWAYA Venant : Non, ce n’est pas lui, c’est l’autre.

Me LÉVY : Donc, vous faites l’objet de nouvelles accusations ? Et vous faites des allers-retours entre le RWANDA et le KENYA pendant cette période ? Et vous êtes condamné en 2012 ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : Lors de votre audition, on vous avait demandé si vous connaissiez Laurent BUCYIBARUTA et sa famille, vous avez indiqué que vous connaissiez son épouse, dans quelles circonstances la connaissez-vous ?

GAKWAYA Venant : Avant qu’il ne soit nommé sous-préfet, je ne le connaissais pas. Mais, après son élection, j’ai commencé à le connaître.

Me LÉVY : D’accord, mais ma question portait sur l’épouse de Laurent BUCYIBARUTA ?

GAKWAYA Venant : C’est pendant le génocide que j’ai su que son épouse était Tutsi. Avant, je ne connaissais pas son ethnie.

Président : Je précise que je donnerai la parole à Monsieur Laurent BUCYIBARUTA pour réagir.

Me BIJU-DUVAL : Je pense que vous avez écouté attentivement la lecture qu’a faite Monsieur le Président des analyses de Monsieur André GUICHAOUA ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me BIJU-DUVAL : Il ressort des observations de Monsieur GUICHAOUA qu’il dirige contre vous des accusations qui sont graves, que vous faites partie du MDR Power, que vous auriez financé des Interahamwe, que vous auriez eu un rôle dans la défense civile. Qu’en est-il réellement ?

GAKWAYA Venant : Comme je l’ai dit, je n’ai pas financé, je n’ai jamais été impliqué dans ça, je n’ai jamais donné de l’argent. Personne ne pourrait indiquer que j’aurais donné de l’argent à qui que ce soit et personne ne peut le dire car cela n’a jamais existé.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que oui ou non vous avez joué un rôle dans l’autodéfense civile ?

GAKWAYA Venant : Non, je n’ai rien fait.

Me BIJU-DUVAL : Alors pourquoi GUICHAOUA porte contre vous ces accusations ?

GAKWAYA Venant : La nomination simple car il était indiqué que j’avais accès aux comptes.

Me BIJU-DUVAL : Je comprends que vous avez été nommé sans qu’on vous demande votre avis, est-ce que vous avez joué un rôle ou c’est une simple nomination ?

GAKWAYA Venant : C’est une simple nomination.

Me BIJU-DUVAL : Qui procédait à cette nomination ?

GAKWAYA Venant : Le sous-préfet de la préfecture.

Me BIJU-DUVAL : En ce qui concerne votre adhésion au MDR, il a été rappelé que vous y avez adhéré au début du multipartisme et ensuite il est question du MDR POWER. Vous savez que ce sont les extrémistes Hutu ? Est-ce que oui ou non vous y avez adhéré ?

GAKWAYA Venant : Ça ce n’est pas vrai, quand j’ai vu que les partis ont eu des scissions en leur sein, moi, je me suis mis de côté et alors ceux qui disent ça, ce n’est pas vrai. Je n’avais aucun intérêt, moi j’étais commerçant. Je me contentais de mon commerce et je n’avais pas d’intérêt dans ça, j’ai arrêté ce militantisme par rapport à ceux qui disaient cela.

Me BIJU-DUVAL : Donc, il y a un malentendu, vous n’avez pas fait partie du MDR Power qui se constituait en juillet 1993 ?

GAKWAYA Venant : Le président Faustin TWAGIRAMUNGU, après qu’il s’est brouillé avec ses collègues, je n’ai plus fait partie.

Me BIJU-DUVAL : Vous évoquez cette brouille, est-ce qu’on est d’accord que c’était en date du mois de juillet 1993 ?

GAKWAYA Venant : Comme il en devenait ainsi, j’ai laissé tomber, je n’ai pas pris part à une faction ou l’autre, j’ai tout abandonné.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que ces accusations de Monsieur GUICHAOUA qui sont portées contre vous, sont celles que l’on retrouve dans le dossier monté contre vous très tardivement dans les GACACA ?

GAKWAYA Venant : Il a été mal informé, ce que je dis est vrai, je n’avais plus d’intérêt dans cela, je me suis mis à l’écart.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que quand vous êtes accusé devant les GACACA, et vous serez condamné en 2012, est-ce que vous avez connaissance des accusations portées contre vous, portées devant les GACACA ?

GAKWAYA Venant : On ne m’a jamais communiqué aucun document, je n’en sais rien. Je leur ai dit que s’ils avaient envie de le faire, ils pouvaient le faire, mais ils ne m’ont pas convoqué.

Me BIJU-DUVAL : A quelle date cessez-vous de retourner au Rwanda ?

GAKWAYA Venant : En 2008. Quand j’ai quitté, j’étais malade, j’ai été opéré, maintenant je suis handicapé, je ne peux aller nulle part.

Me BIJU-DUVAL : Donc, je comprends que pendant les années qui ont précédé votre départ, vous n’avez pas été inquiété des procédures judiciaires, à part vos péripéties du début ?

GAKWAYA Venant : Non, aucune juridiction ne m’avait poursuivi.

Me BERAHOU : Pouvez-vous donner lecture (D1860 p.597) du livre d’Alison DES FORGES ?

Me BIJU-DUVAL : J’aimerais juste que les ordres de parole soient respectés.

Président : (Précise que Me BERAHOU est dans son droit). Ne vous inquiétez pas, je vous donnerai la parole.

Lecture d’un passage concernant le financement de l’auto-défense civile demandée par Me BERAHOU.

Me BIJU-DUVAL : Avez-vous entendu les deux extraits du livre d’Alison DES FORGES, dont on vient de donner lecture ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me BIJU-DUVAL : Il y a, dans cet ouvrage, un courrier signé du préfet de BUTARE, Sylvain NSABIMANA, daté du 15 juin 1994, qui vous nomme au côté de trois autres personnes comme mandataires du compte dénommé « Préfecture BUTARE, défense civile ». Pouvez-vous nous éclairer sur cette nomination ?

GAKWAYA Venant : J’ai compris la question. Comme je vous l’ai déjà dit, je n’avais pas été consulté quand j’ai été nommé. Ensuite, je n’ai fait aucune opération sur ce compte, je n’y ai jamais effectué ni de versement, ni de retrait, je n’ai rien fait d’autre. Je vous l’avais déjà dit. Ensuite, j’ai été nommé dans ce comité, c’est suite à ces fonctions que j’exerçais en tant que secrétaire de la Chambre de Commerce, rien d’autre.

Président : Monsieur Laurent BUCYIBARUTA, souhaitez-vous réagir ?

Laurent BUCYIBARUTA : Merci Monsieur le Président. Je ne réagirai pas sur ce que le témoin a rapporté. Il a indiqué les circonstances dans lesquelles nous nous sommes connus, en tant que sous-préfet de préfecture à BUTARE, je le rencontrais comme je rencontrais d’autres personnes de toutes les catégories de la préfecture de BUTARE. D’autres points, concernant la dame dont le mari était originaire de GIKONGORO et qui en 1994 était décédé et la femme était cachée avec ses enfants chez le témoin. C’est exact, il m’en a parlé et j’ai raisonné sur la question et je me suis dit même si le mari est Hutu et qu’il ne vit plus, ce serait un risque exagéré que je conduise la dame à GIKONGORO avec ses enfants car il y avait beaucoup de risques qu’elle soit même tuée en cours de route avant que je n’atteigne sa famille d’origine à KARAMA, alors je pensais que c’était mieux qu’elle reste cachée là-bas chez lui car il avait plusieurs immeubles et annexes et qu’il ne manquait pas de place. Donc, au lieu de prendre des risques pour l’emmener à GIKONGORO là où la sécurité n’était pas très propice, j’ai préféré lui donner conseil de garder la dame et ses enfants au lieu de circuler avec eux, au risque de rencontrer même des bandits, soit aux barrières soit en dehors. Voilà c’est ce qu’on a fait.

Président : Donc, c’est après avoir évalué les risques ?

Laurent BUCYIBARUTA : Oui, exactement. Je ne me sentais pas la force de protéger les gens comme je l’aurais souhaité.

GAKWAYA Venant : Finalement, je les ai confiés aux militaires français, qui étaient là et je les remercie car ils m’ont rendu un grand service.

Président : Est-ce que vous vous souvenez de la date ?

Laurent BUCYIBARUTA : Je ne me rappelle pas de la date mais c’est au mois d’avril.

Président : Souvenez-vous si le président avait déjà prononcé son discours ou pas ?

Laurent BUCYIBARUTA : Je pense que c’est avant, on allait s’approvisionner en essence dans une des stations-services du témoin, mais il fallait aller prendre un bon de rationnement.

Audition de madame Béatrice KAMPIRWA, citée par la défense, en visioconférence de Belgique.

KAMPIRWA Béatrice : Ce que je peux dire, c’est que ça fait longtemps, il y a des choses que j’ai oubliées, alors je n’arriverai peut être pas à répondre concrètement.

Président : Vous nous avez dit que vous êtes née en 1968. Donc, en 1994, vous avez 26 ans ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Quelle était votre situation en avril 1994, pendant la période du génocide, pendant la guerre entre les forces du FPR et les forces des FAR ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais mariée, j’avais un enfant.

Président : Comment s’appelait votre mari ?

KAMPIRWA Béatrice : Emmanuel KALISA, il était commerçant.

Président : Qu’est-il advenu de lui ?

KAMPIRWA Béatrice : Il est mort.

Président : Dans quelle circonstance ?

KAMPIRWA Béatrice : Avec l’histoire qui s’est passée chez nous, des policiers sont venus et ils lui ont demandé de partir avec eux, il est parti et il n’est plus revenu.

Président : Est-ce que votre mari était Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Donc, il était Tutsi, il était commerçant et un jour un gendarme vient le chercher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que vous savez si c’était un gendarme ou un policier communal ?

KAMPIRWA Béatrice : Ce n’était pas un policier communal.

Président : C’était un gendarme ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Savez-vous de qui il s’agit ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Etiez-vous présent à ce moment ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais dans la maison avec le petit et on lui a demandé de partir et je ne l’ai plus jamais revu.

Président : Donc, il est sorti de la maison, il est parti avec le gendarme et vous ne l’avez plus jamais revu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Savez-vous à quelle date ça se situe ? Après l’attentat de l’avion de HABYARIMANA ? Cette période est marquée par la date du 6 avril, c’est longtemps après ?

KAMPIRWA Béatrice : Je dirais peut-être mi-avril, je ne me rappelle plus des dates, mais c’était entre mi-avril et mai.

Président : Vous étiez vous même présente à ce moment-là dans la maison ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Souvenez-vous s’il y a eu une grande attaque contre les réfugiés Tutsi qui étaient à l’ETO de MURAMBI ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, mais je ne me rappelle plus des dates. Je sais que pendant la nuit, on avait entendu beaucoup de bruit.

Président : La disparition de votre mari, c’était avant ou après la grande attaque où vous avez entendu beaucoup de bruit ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était après.

Président : Pouvez-vous nous dire si des parents de votre mari ont disparu ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, il n’avait pas de parents, ils sont décédés avant.

Président : Pas de frère ? Des cousins ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : A votre avis, s’il a été arrêté, s’il a disparu, c’était pour quelle raison ?

KAMPIRWA Béatrice : Vu ce qu’il se passait chez nous, que c’était les Tutsi qui étaient visés et qu’il était Tutsi, certainement on l’a pris à cause de ça.

Président : Vous aviez un enfant à cette époque-là ? Vous aviez eu peur pour cet enfant ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Car si j’ai bien compris les règles de transmission de l’ethnie, c’est que c’était l’ethnie du père qui était déterminante pour l’ethnicité de l’enfant ?

KAMPIRWA Béatrice : Ils ont pris le père et n’ont pas cherché à comprendre pour l’enfant.

Président : Savez-vous comment on attribuait le caractère ethnique pour chaque individu ? Vous-mêmes, vous êtes de quelle ethnie, Hutu ou Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Hutu, mon père était Hutu et ma mère était Tutsi.

Président : Normalement, votre fils, il aurait dû être considéré comme Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas pourquoi ils ne l’ont pas pris.

Président : C’est simplement pour comprendre comment cela fonctionnait.

KAMPIRWA Béatrice : Oui, la personne prenait l’apparence du père.

Président : Donc, en cas de couple mixte, c’est l’appartenance ethnique du père qui prévaut ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Quelle était votre situation professionnelle en 1994 ?

KAMPIRWA Béatrice : Je travaillais au Parquet. Ça faisait deux ou trois ans. J’avais commencé en 1992.

Président : Quelles étaient vos fonctions au Parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais secrétaire là-bas.

Président : Combien il y avait de secrétaires ?

KAMPIRWA Béatrice : Il y en avait deux.

Président : Combien de magistrats au parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : Je m’en rappelle d’un et de l’autre que l’on appelait IPJ.

Président : Est-ce que le nom de Cense SEMIGABO vous dit quelque chose ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était le procureur du parquet de GIKONGORO.

Président : Y avait-il un autre magistrat ? Comment s’appelait-il ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, Bosco GAKWAYA.

Président : Que pouvez-vous nous dire sur ces deux magistrats ? Est-ce que le parquet de GIKONGORO a continué à fonctionner à cette période-là ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, le travail s’est arrêté, il n’y avait pas de moyen de travailler.

Président : Cela s’arrête à partir de quand ? De l’attentat de l’avion du Président ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais plus exactement.

Président : Souvenez-vous d’avoir entendu l’annonce de la mort du Président HABYARIMANA ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Souvenez-vous d’un communiqué disant aux gens de rester chez eux ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Est-ce qu’à un moment quelconque on vous a demandé de retourner travailler ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Souvenez-vous de la dernière fois que vous avez vu Celse SEMIGABO ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, les gens disaient qu’il était parti au CONGO, mais je ne sais pas dans quelle partie du CONGO.

Président : Savez-vous s’il a travaillé pendant cette période ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas.

Président : Que pouvez-vous nous dire sur Bosco GAKWAYA ?

KAMPIRWA Béatrice : Il est mort avec sa famille.

Président : Pouvez-vous me dire de quelle ethnie il était ?

KAMPIRWA Béatrice : Il était Tutsi.

Président : Pouvez-vous me dire dans quelle circonstance il est mort ?

KAMPIRWA Béatrice : D’après ce que j’ai entendu dire, les gens sont allés à son domicile. On l’a tué à son domicile avec sa femme et ses enfants. C’est ce que j’ai entendu.

Président : Est-ce que vous étiez également en contact avec le président ou les juges du tribunal ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Vous n’étiez pas en contact avec eux au tribunal ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, car en général …

Président : Parlez-nous de l’IPL, c’est l’inspecteur de police judiciaire ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Son nom ?

KAMPIRWA Béatrice : Je sais que l’un s’appelait VÉDASTE, l’autre je ne sais pas.

Président : Qu’est-il devenu ? Il a survécu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, il travaille au Rwanda, mais je ne sais pas ce qu’il fait, mais il travaille.

Président : Savez-vous s’il a été poursuivi pour avoir participé au génocide ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas, je n’ai pas de contact particulier avec lui.

Président : Pouvez-vous me dire qu’elles étaient les autres personnes qui travaillaient au Parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : Ildephonse KAYIRANGA.

Président : Quelles étaient ses fonctions ?

KAMPIRWA Béatrice : Il était secrétaire.

Président : Pendant la période du génocide, qu’est-il devenu ?

KAMPIRWA Béatrice : Je crois qu’il est mort à MURAMBI.

Président : Il était Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que votre mari avait été incité, invité à aller à MURAMBI ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Donc, il était plutôt discret, il essayait de se cacher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que vous avez vu le préfet à un moment quelconque à cette période-là ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, car j’avais une sœur qui travaillait à BUTARE et malgré que je ne fréquentais pas beaucoup cette famille, j’ai été chez lui pour lui demander, parce que je savais que ma sœur aussi était menacée, et donc je lui ai demandé un moyen de protéger ma sœur.

Président : Donc, vous vouliez savoir si c’était possible de protéger votre sœur pour qu’elle vous rejoigne ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, car là où elle était je crois que là-bas c’était très difficile, elle était menacée.

Président : Est-ce que c’était votre sœur ou demi-sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Demi-sœur. Pas la même mère.

Président : Donc, je suppose que d’un point de vue administratif, elle était Hutu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, mais ce que je ne vous ai pas dit c’est que les gens pouvaient se tromper aussi. On peut te voir avec le tien ou avec ton ami et alors on te disait tu es Tutsi alors que tu étais Hutu, je ne sais pas comment ils distinguaient les gens et donc si tu étais élancé il te disait que tu étais Tutsi.

Président : Donc, vous aviez peur qu’on la prenne pour une Tutsi pour sa morphologie, indépendamment du fait qu’elle était Hutu administrativement ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, je ne sais pas si elle avait une carte d’identité.

Président : Quelle était l’activité de votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle travaillait pour MSF à BUTARE.

Président : Donc, MSF, Médecin sans frontière ? MSF s’est déplacé dans plusieurs endroits de GIKONGORO ? MSF était présent à BUTARE ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Elle se sentait en insécurité avec les responsables de MSF ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle ne se sentait pas forcément en sécurité dans la région.

Président : Donc, vous pensiez qu’elle serait davantage en sécurité à GIKONGORO plutôt qu’à BUTARE ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était plus facile d’être à deux, je ne sais pas si c’était plus en sécurité, mais au moins on est ensemble.

Président : En plus, vous aviez un petit enfant ? Il avait quel âge ?

KAMPIRWA Béatrice : Il avait deux ans, né en 1992.

Président : Quelles sont les démarches que vous avez faites ? Vous vous adressez au préfet, pourquoi lui ?

KAMPIRWA Béatrice : Comme c’est lui le préfet de la préfecture, j’ai pensé qu’il y a les gendarmes qui vont assurer la sécurité, et c’est pour ça que j’ai demandé.

Président : Donc, vous êtes allée voir le préfet car vous vous êtes dit qu’il pouvait assurer la sécurité du transport de votre sœur jusqu’à GIKONGORO ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, c’est ce que je pensais.

Président : Donc, il a été d’accord ?

KAMPIRWA Béatrice : Au début, ce n’était pas facile car il disait qu’il n’y avait pas la sécurité. Puis, à un certain moment, ma sœur est arrivée chez moi avec d’autres jeunes filles aussi.

Président : Pouvez-vous expliquer comment votre sœur arrive à GIKONGORO et qui sont ces filles ?

KAMPIRWA Béatrice : Je n’ai pas vu ces filles qui travaillaient avec elle.

Président : Mais c’était des filles Hutu ou Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne lui ai pas demandé franchement.

Président : Vous avez su que votre sœur était venue avec des jeunes filles de BUTARE, mais vous savez si elles travaillaient aussi à MSF ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, je ne sais pas non plus.

Président : Donc, vous savez que votre sœur était venue avec trois autres jeunes filles mais elles sont venues comment ?

KAMPIRWA Béatrice : Elles sont venues ensemble.

Président : Est-ce qu’elles ont fait ce voyage dans des conditions de sécurité ? Dans quelles conditions ?

KAMPIRWA Béatrice : Comme elles étaient avec les gendarmes, j’imagine qu’elles étaient en sécurité.

Président : Savez-vous pour quelles raisons elles ont fait le voyage avec les gendarmes ?

KAMPIRWA Béatrice : Je pense que comme j’avais demandé au préfet s’il pouvait me ramener ma sœur, comme elles sont venues avec les gendarmes, j’imagine que c’est lui qui les a envoyées les récupérer.

Président : Vous pensez que c’est le préfet qui a envoyé les gendarmes de BUTARE pour aller chercher votre sœur et ces filles ?

KAMPIRWA Béatrice : Quand ma sœur est revenue, elles étaient quatre filles.

Président : Est-ce que vous avez vu votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce qu’elle vous a dit que c’était le préfet qui avait dit aux gendarmes d’aller les chercher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, c’est ce qu’elle m’a dit.

Président : Est-ce qu’en dehors de ces circonstances vous avez eu l’occasion de revoir le préfet ? De le remercier ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Est-ce qu’elle même a revu le préfet ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle est restée chez moi, je ne pense pas. Puis, ce n’était pas facile pour nous d’aller chez lui. En général, si j’étais allée lui demander de l’aide, c’était pour un service. Chez le préfet, ce n’est pas un endroit comme on peut aller chez un ami.

Président : Vous avez expliqué que vos familles se connaissaient ? Est-ce que j’ai bien compris ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, parce que mes parents se connaissaient, ils étaient des amis. Mais, en 1982, mes parents sont morts et j’ai quitté l’endroit où j’habitais. C’est quand je suis revenue à GIKONGORO que je l’ai vu.

Président : C’est une famille en qui vous avez confiance ? C’est pour ça que vous allez la voir ?

KAMPIRWA Béatrice : C’est une famille dont nos parents se connaissaient.

Président : Ce qui justifiait des relations de confiance ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Qu’est-ce qu’est devenue votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle est au Rwanda aussi.

Président : Elle travaille toujours comme infirmière ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Elle est toujours à KIGEME ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, KIGEME à GIKONGORO.

Président : Etes-vous restée après le génocide ou vous êtes partie ?

KAMPIRWA Béatrice : Moi, je suis partie.

Président : Vous êtes allée où ?

KAMPIRWA Béatrice : Au CONGO.

Président : Vous êtes en BELGIQUE depuis combien de temps maintenant ?

KAMPIRWA Béatrice : Depuis 1998.

Président : Est-ce que vous souhaitez ajouter autre chose ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Le ministère public: Votre sœur vous a raconté le voyage à GIKONGORO?

KAMPIRWA Béatrice : il y avait des barrières sur la route mais elle ne m’a pas parlé de contrôles. C’était au mois de mai. Je ne sais pas combien de gendarmes l’ont accompagnée. C’est bien BUCYIBARUTA qui avait envoyé les gendarmes.

Le président veut interroger le témoin sur la « pacification ». Madame KAMPIRWA ne semble rien en connaître: « J’ai quitté au mois de juillet. »

La défense n’a pas de questions à poser. Parole est donnée à monsieur Laurent BUCYIBARUTA.

« Je voudrais préciser les circonstances. Nos familles se connaissaient depuis plusieurs années. Je connaissais sa sœur. J’ai compris qu’elle pouvait être en danger. On pouvait juger quelqu’un sur son physique. Elle habitait TUMBA. J’ai téléphoné à un officier originaire de GIKONGORO qui se trouvait à BUTARE. Lui ne pouvait rien faire mais un autre officier pouvait intervenir. Il s’est arrangé pour trouver des gendarmes. Je ne pouvais pas faire de réquisitions auprès des gendarmes de GIKONGORO. »

Maître TAPI: Pourquoi Laurent BUCYIBARUTA n’a-t-il pas pu protéger le mari du témoin?

Monsieur BUCYIBARUTA: Il pouvait peut-être mieux se cacher chez des voisins.

Sur question de monsieur le président, monsieur BUCYIBARUTA confirme que le Parquet ne fonctionnait pas, qu’aucune personne n’a été déférée devant la justice pendant le génocide. Aucun criminel n’a été arrêté.

Le ministère public s’étonne. « Vous êtes sollicité pour deux cas. Dans un cas vous refusez et dans l’autre vous acceptez. »

Monsieur BUCYIBARUTA: Les deux cas sont différents.

Le ministère public: Oui, Tutsi vous refusez et Hutu, la sœur du témoin, vous acceptez!

Audition de maître Eric GILLET, à la demande du ministère public.

Audition en cours de rédaction. (A suivre…) 

Note de la Rédaction

Ce compte rendu a été réalisé par Alain Gauthier, président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda qui est à l’origine de la plainte contre Laurent Bucyibaruta