Procès pour génocide de Laurent Bucyibaruta à Paris. 23 juin 2022. J30

·         Audition de monsieur Claver NKEZABERA, en visioconférence depuis le Rwanda.

·         Audition de monsieur Pilote NTEZIRYAYO, cité par le ministère public, en visioconférence depuis le Rwanda.

·         Audition de monsieur Emmanuel HABYARIMANA, cité par la défense, ancien général des FAR.

·         Audition de monsieur Léonidas NYILINGOGA, partie civile, cité par SURVIE.

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Audition de monsieur Claver NKEZABERA, en visioconférence depuis le Rwanda.

 « Pour commencer, je parlerai de Laurent BUCYIBARUTA et d’autres personnes qui étaient là. Quand le génocide a éclaté, comme les autres, je me suis réfugié à l’évêché, comme tout le monde. Nous nous sommes réfugiés à la paroisse car c’est là que beaucoup de personnes trouvaient refuge. Pour quitter cet endroit, on nous avait demandé de partir de là. Donc, quand nous sommes arrivés là-bas, il y avait beaucoup de gens, on nous a dit qu’on ne voulait pas qu’il y ait de bruit sur la route, et qu’on allait nous montrer un autre endroit où nous installer. On nous disait qu’on allait nous installer à un endroit où les gens allaient trouver refuge. Mais, ensuite, on a constaté que c’est à cet endroit-là que des gens avaient perdu la vie. Je n’étais pas seul, j’étais accompagné d’autres personnes : il y avait l’évêque, à savoir Monseigneur Augustin MISAGO, le bourgmestre Félicien SEMAKWAVU, le gendarme SEBUHURA, d’autres gendarmes dont je ne pouvais pas connaitre l’identité.

On nous a demandé de partir, on nous a conduit à pied. Je me suis souvenu que je n’avais pas pu dire au revoir à mon épouse et à mon enfant et j’ai dit que je ne pouvais pas continuer à me réfugier à un autre endroit en laissant derrière moi mon épouse et mon enfant. C’est ainsi que je suis retourné en arrière pour voir mon épouse et mon enfant à un endroit où ils étaient restés. Donc, je suis allé voir mon épouse et mon enfant, et une fois là-bas je pouvais constater que des barrières avaient été érigées, et que plus personne ne pouvait passer. C’est cette barrière qui m’a empêché de rejoindre les autres à MURAMBI. J’ai continué à me cacher au sein de la population. Nous sommes restés cachés au sein de la population pendant environ trois mois. Ce que j’ai entendu de sa bouche lorsqu’il était à cet endroit-là, il disait qu’on devait enlever ces personnes près de la route et qu’on devait les conduire à MURAMBI car elles provoquaient des bruits à cet endroit. Plus tard, je ne suis plus revenu à cet endroit, les barrières nous empêchaient de passer, de nous approcher de la route ».

Président : Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Le témoin : Ce que j’ajouterai, c’est qu’il y a des personnes lésées qui ont besoin de la justice.

Questions du président :

Sur questions du Président, le témoin dit qu’il est Tutsi marié à une femme hutu et qu’il se souvient avoir été entendu à plusieurs reprises par les enquêteurs du Tribunal pénal international pour le Rwanda d’Arusha, et par des enquêteurs français. Il se souvient aussi d’avoir évoqué  une démarche qu’il a faite auprès du bourgmestre SEMAKWAVU en avril 1994.

Président : (Les différentes auditions se trouvent D.326 à D.332, D.588 p.122-124, D.10337). Avez-vous rencontré le bourgmestre SEMAKWAVU en avril 1994? Vous l’avez vu ou vous ne l’avez pas vu ?

Le témoin : SEMAKWAVU, je l’ai rencontré. Je suis allé moi-même lui demander de voler au secours des gens. Notre cellule de SOVU avait subi des attaques, j’étais allé lui demander de venir nous secourir.

Président : Pouvez-vous dater le jour de cette attaque ?

Le témoin : C’était un samedi, je ne me souviens pas de la date, toujours est-il que c’était un samedi.

Président : Est-ce que c’était longtemps ou pas longtemps après la mort du président HABYRIMANA ?

Le témoin : Le premier événement c’était un mercredi et l’autre un samedi.

Président : Donc, c’était trois jours après l’annonce de la mort du président HABYRIMANA. (NDR. Il s’agit du samedi 9 avril 1994).

Président : Comment étiez-vous au courant de cette attaque ? C’était l’endroit où vous habitiez ? SOVU ?

Le témoin : Avant, j’habitais à cet endroit avec ma famille. A l’époque, j’étais agriculteur, paysan.

Président : Racontez-nous ce qui se passe quand vous allez voir le bourgmestre.

Le témoin : J’avais quitté mon domicile lorsque les gens de cette cellule venaient de subir l’attaque. J’avais une machette, je me disais que nous allions les affronter et les chasser, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas possible. Je suis allé réveiller le conseiller Modeste MUSHANA qui habitait lui-même cette cellule. Je lui ai dit que nous venions d’être attaqués. Il m’a demandé de l’accompagner pour que nous allions voir SEMAKWAVU, que c’est ce dernier qui pouvait trouver une solution.

Nous sommes partis le trouver, mais avant que nous arrivions au bureau communal, nous l’avons rencontré à RONDERI, en contrebas de la préfecture. Il nous a fait montrer dans sa voiture, le conseiller MUSHANA et moi, et nous sommes partis en direction de chez nous. Arrivés à GACYAZO, près de l’église, il s’est arrêté. Il s’est entretenu avec les gendarmes qui s’y trouvaient. Il leur a demandé ce qu’il en était de la situation à KIBILIZI, d’où ces gendarmes venaient. Ils lui ont répondu que lorsqu’ils étaient partis de-là, la situation allait bien. Il a continué à monter avec moi pour me déposer à GASAKA même, au centre de négoce. là où se déroulait l’attaque. Après, il est descendu vers chez nous, c’est-à-dire dans la cellule de SOVU. Comme j’étais avec des policiers, les gens ont voulu m’arrêter. Je leur ai dit que je n’avais pas de fusil. Les attaquants m’ont demandé pourquoi SEMAKWAVU venait de me descendre du véhicule. Je leur ai répondu que la raison était que je n’avais pas de fusil. J’ai emprunté la route, j’ai marché jusqu’en NZEGA, dans la cellule de SOVU. Une fois là-bas, il était déjà arrivé, lui aussi sur place. Une fois sur place, on a incendié une maison. Il a allégué que c’était nous, les Tutsi, qui avions provoqués les Hutu, en tentant de les tuer, alors que la maison qui était en train de brûler était l’une de la cellule de SOVU.

Président : Vous arrivez, on est en train d’incendier une maison, et le bourgmestre dit que les Tutsi ont provoqué les Hutu ?

Le témoin : Exact.

Président : Que se passe-t-il ensuite ?

Le témoin : On est arrivés. Nous avons éteint l’incendie, c’était la maison de mon oncle maternel, celle de Martin NTAGANDA.

Président : Que se passe-t-il ensuite ?

Le témoin : C’était en soirée, et SEMAKWAVU est rentré. C’était un samedi et le dimanche matin, je suis allé voir ce qu’il en était: j’ai constaté que tout le monde avait fui à l’église de GIKONGORO.

Président : Avant de passer au dimanche matin, pouvez-vous nous dire si, quand vous êtes avec le bourgmestre SEMAKWAVU et le conseiller modeste MUSHANA, vous avez vu d’autres personnes ?

Le témoin : J’ai vu beaucoup de personnes, comme RWAYITARE et MBIRIGI, surnommé le Belge. Ce dernier était un maçon, il construisait les maisons.

Président : C’était un attaquant ? Un Tutsi ? Un Hutu ?

Le témoin : C’était un Hutu qui faisait partie des attaquants. Il y avait aussi le conseiller, Frédéric MAKABE.

Président : Est-ce que ce jour-là, vous avez croisé le préfet Laurent BUCYIBARUTA ?

Le témoin : A cet endroit non, nous ne nous sommes pas croisés.

Président : Est-ce que vous l’avez croisé à un autre moment au cours de cette journée?

Le témoin : Non, à ce moment-là on ne s’est pas croisé.

Président : Lors de votre première audition devant les enquêteurs du TPIR d’ARUSHA [1], vous avez indiqué « En route, nous avons croisé Laurent BUCYIBARUTA. Le bourgmestre a dit à Laurent BUCYIBARUTA qu’il y avait des gens qui avaient été attaqués, il a dit d’aller voir si c’était vrai, il prenait ça à la légère… Laurent BUCYIBARUTA était présent… ». Ensuite, quand vous êtes entendu par le juge d’instruction français, on vous rappelle que vous avez fait des déclarations et vous dites « Le 9 avril, j’ai pris la décision … parce que la population commençait à aller attaquer la population Tutsi, alors que je l’ai rencontré au rond-point du tribunal… ». « Le préfet, je l’ai vu le 13 avril… ». On vous pose la question : « Souvenez-vous d’avoir rencontré le préfet Laurent BUCYIBARUTA le jour du 9 avril, le jour de l’attaque de SOVU ? »

Et vous dites: « Non, je ne l’ai pas vu ce jour-là. Dans mon véhicule, nous avons croisé SIMBA , mais pas le préfet Laurent BUCYIBARUTA. 

Parfois on oublie ce que l’on a dit ou ce que l’on a vu parce que ça fait longtemps ».

Le président: Avez-vous vu le colonel SIMBA ?

Le témoin : Le colonel SIMBA, je l’ai vu mais le lendemain de ce soir-là.

Président : Avez-vous des problèmes de mémoire, Monsieur ?

Le témoin : Oui et puis ça fait longtemps.

Président : Est-ce qu’il y a un autre moment où vous êtes allé voir le préfet ?

Le témoin : C’est le jour où j’ai vu le préfet, c’est le jour où les gens ont été déplacés de la cathédrale vers MURAMBI.

Président : Vous nous dites que ce jour-là, il y avait le préfet, l’évêque, le bourgmestre SEMAKWAVU, le gendarme SEBUHURA, d’autres gendarmes et d’autres personnes. Donc, c’est ce jour-là où vous avez revu le préfet Laurent BUCYIBARUTA ?

Le témoin : Oui, c’est ce jour-là où je l’ai revu.

Président : Ce jour-là, il dit quoi exactement ?

Le témoin : Il disait que les gens provoquaient des bruits sur la route, qu’il fallait les conduire à MURAMBI et qu’il fallait les garder.

Président : Aujourd’hui, vous nous dites que vous n’êtes pas allé à MURAMBI car en cours de route vous vous dites que vous n’avez pas pu dire au revoir à votre femme et à vos enfants ?

Le témoin : Non, plutôt les prendre avec moi car je me disais que nous devions tous avoir un lieu de refuge.

Président : Donc, vous avez quitté les gens à la paroisse de MURAMBI car vous vous êtes dit que vous vouliez aller chercher votre épouse et vos enfants pour les prendre avec vous à MURAMBI et vous mettre en sécurité ensemble ?

Le témoin : Oui, pour que nous nous réfugiions à cet endroit.

Président : Pourquoi votre femme et votre fils n’étaient pas à l’évêché avec vous ?

Le témoin : Je l’avais envoyé chez ses parents car on n’était pas en train de pourchasser les Hutu.

Président : Sur cet épisode, vous avez fourni des déclarations qui n’ont pas toujours étaient les mêmes. Quand vous êtes entendu par les enquêteurs au mois de novembre 2001, vous dites au sujet de cet épisode : « la majorité d’entre nous s’est rendue à MURAMBI, cependant moi je n’y suis pas allé car j’y allais être tué, GASANA qui s’est enfui au CONGO, n’y est jamais revenu. GASANA était mon ami et c’est la raison pour laquelle il me l’a dit. Il était membre du MDR POWER … j’ai vu que la majorité des Tutsi quittait MURAMBI accompagnés de deux gendarmes ». Ce que je comprends de cette lecture, c’est que vous ne vous êtes pas rendu à MURAMBI, car GASANA, un Interahamwe, vous a dit qu’il était prévu de tuer les Tutsi à MURAMBI. Quand vous avez été entendus plus tard par le juge d’instruction français, vous dites que c’était un certain Ignace qui vous aurait dit à l’oreille qu’il pourrait y avoir un certain danger à MURAMBI, qu’on pouvait être tué là-bas et qu’à ce moment-là vous vous êtes échappé. On vous pose la question : « Avez-vous entendu le préfet Laurent BUCYIBARUTA dire quelque chose ? ». Réponse : « Quand je suis arrivé, les Tutsi étaient déjà alignés, je n’ai rien entendu de la bouche de Laurent BUCYIBARUTA ». Quand vous êtes entendu par les enquêteurs du TPIR, vous avez dit que vous étiez resté trois jours à l’évêché, alors que là vous dites dans cette déclaration que vous arrivez le matin même car vous apprenez que les gens allaient partir à MURAMBI.

Quelle est votre version définitive ?

Le témoin : Ma déclaration définitive est la suivante : par rapport à ces déclarations, nous avons dit beaucoup de choses. Concernant ces trois jours, il arrive qu’on ait fait des déclarations, il y a des parties qu’on ne juge pas opportun de répéter et de reprendre. Ces documents ont été établis par diverses personnes. En ce qui concerne les trois jours de la cathédrale, ce sont les jours où je suis passé par là, en partant. En fait, pour ce qui concerne ces documents, une fois je dis ceci et je laisse une partie, et une autre fois je dis une autre partie, et c’est ainsi que certaines parties n’y figurent pas. Et ainsi de suite. (NDR. Les explications du témoin sont marqués du sceau de la confusion. Il est difficile de comprendre le déroulé de sa propre histoire.)

Président : Combien de temps êtes-vous resté à l’évêché ?

Le témoin : A l’évêché, je n’y ai pas passé tous ces jours-là. J’y suis allé au moment où on conduisait les réfugiés à MURAMBI.

Président : Vous étiez où avant ?

Le témoin : Vous avez parlé d’un certain GASANA BIHEHE François. Quand il m’a dit que nous autres allions être attaqués, qu’on allait attaquer les Tutsi, c’est donc à ce moment-là que je l’ai rencontré et j’ai vu SIMBA. GASANA était en train de s’entretenir avec SIMBA au sujet de ce qu’ils allaient faire. SIMBA était un Interahamwe, mais il était toutefois un ami à moi. Comme je fabriquais du pain, je travaillais pour lui. Et, c’est pour cette raison-là que je n’ai pas passé la nuit à la cathédrale. Les gens bougeaient beaucoup, on avait peur et à un endroit, on y passait quelques minutes? On avait peur.

Président : Où étiez-vous avant d’être à l’évêché ?

Le témoin : J’étais à KIREHE, dans la population où j’avais laissé mon épouse.

Président : C’est là-bas que vous avez rencontré GASANA ?

Le témoin : GASANA je l’avais rencontré en NZEGA, il m’avait conseillé d’aller à KIREHE, que c’était-là qu’il allait me protéger, mais ça n’a pas réussi.

Président : Pourquoi ?

Le témoin : Car il m’a envoyé chez son beau-frère Boniface, mais c’est là que je suis revenu.

Président : Où êtes-vous revenu ?

Le témoin : Après l’évêché, je suis retourné chez Boniface.

Président : Donc, quand vous voyez GASANA BIHEHE, l’Interahamwe, il vous dit quoi exactement ?

Le témoin : GASANA, je l’ai rencontré au centre de négoce, près de la route asphaltée. Il a effleuré ma jambe avec un bâton pour me faire signe de ne pas bouger, me disant qu’on allait tuer des gens là-bas, qu’on allait voir du sang versé.

Président : « Tuer des gens là-bas » : « Là-bas », c’est quoi ?

Le témoin : A cet endroit-là.

Président : C’est l’endroit ?

Le témoin : Dans ce centre de négoce de NZEGA, il y avait beaucoup de voyous portant des gourdins.

Président : Donc, on allait tuer les gens au centre de négoce ?

Le témoin : Il m’a demandé de quitter ce centre de négoce pour que l’on ne me tue pas alors que j’étais son ami.

Président : Il vous a dit que vous pourriez être tué sur place au centre de négoce ?

Le témoin : Oui, il y avait une attaque qui descendait de la colline.

Président : C’est à ce moment-là que le colonel SIMBA était présent ?

Le témoin : Oui, c’est à cet endroit que le colonel SIMBA était présent. Nous rentrions du culte, on était dimanche.

Président : Vous allez à la cathédrale, vous n’allez pas avec les autres Tutsi à MURAMBI, vous retournez à KIREHE, que se passe-t-il ensuite ?

Le témoin : Je suis allé à KIREHE, et je suis descendu avec d’autres qui venaient du culte. Une fois là-bas, je suis monté pour me rendre à la cathédrale.

Président : A la cathédrale, vous avez rencontré Ignace ?

Le témoin : Oui, c’est grâce à lui, il m’a incité à retourner à KIREHE.

Président : Ensuite, pendant 3 mois, vous êtes resté caché à KIREHE ?

Le témoin : Oui j’ai passé les trois mois à me cacher à KIREHE, chez un certain Boniface.

Président : Donc, qui était le beau-frère de GASANA François ?

Le témoin : Oui, mais il était aussi mon beau-frère.

Président : Il était Tutsi ou Hutu ?

Le témoin : Hutu. Il était le frère de mon épouse.

Président : Si je ne me trompe pas, BIHEHE qu’on a entendu à de nombreuses reprises, cela veut dire la hyène ?

Le témoin : Ça signifie hyène, un animal féroce et qui mange n’importe quoi.

Président : Je le dis car nous avons entendu, il n’y a pas longtemps une rescapée qui avait été protégée par GASANA BIHEHE. Ce GASANA pouvait aussi bien tuer les Tutsi que les protéger ?

Le témoin : BIHEHE a tué beaucoup de Tutsi et il en a sauvé beaucoup d’autres.

Président : Vous avez aussi expliqué que l’on était venu pour tuer votre fils, qu’à cette période on a voulu tuer votre fils et qu’il avait fallu peut-être donner de l’argent pour éviter qu’il soit tué ?

Le témoin : Oui.

Président : Qui donnait de l’argent ? C’est BIHEHE ?

Le témoin : C’est plutôt Boniface qui a donné de l’argent.

Président : A qui ?

Le témoin : A un certain Marcel; Il a donné de l’argent à environ cinq personnes.

Président : Vous nous avez dit que vous avez vu Laurent BUCYIBARUTA à l’évêché ?

Le témoin : Ce que j’ai vu à l’évêché, c’était que lui était le chef, à la tête des gens qui s’y trouvaient.

Président : Il a dit que les réfugiés faisaient trop de bruit et qu’il fallait qu’ils aillent ailleurs?

Le témoin : Il a dit qu’il fallait aller à MURAMBI.

Président : Y a-t-il eu d’autres occasions durant le génocide où vous avez vu le préfet ?

Le témoin : Aucune autre fois, car moi -même j’ai continué à me cacher à KIREHE. Et puis, dans les alentours de la préfecture, il y avait partout des barrières.

Président : Dans vos déclarations, vous avez fait mention d’entraînements militaires, sur lesquels vous auriez eu des informations. Que pouvez-vous dire sur ceux de GIKONGORO ?

Le témoin : Les Interahamwe qui s’entraînaient le faisaient à deux endroits ; les uns au CIPEP et les autres à MATA. Tout ça faisait partie à l’époque de la préfecture de GIKONGORO. Parmi eux, il y avait des jeunes gens comme Michel.

Président : Michel, c’est qui ?

Le témoin : Je ne connais pas son nom complet, mais il était le fils de MUSHANA. Il y avait beaucoup de personnes dont je n’ai pas connu l’identité, toujours est-il qu’ils étaient nombreux.

Président : Vous avez vu l’entraînement ? Ce qu’on leur faisait faire ?

Le témoin : Je ne l’ai pas vu car je ne suis pas allé sur place, mais je les ai entendus, ils s’en vantaient.

Président : Donc, c’est à partir des confidences de certains que vous en avez entendu parler ?

Le témoin : Oui, ils en parlaient.

Président : Souhaitez-vous ajouter autre chose ?

Le témoin : Cette barrière qui mène à l’évêché, on y a tué un certain David KAREKEZI qui venait de KIGALI. Lui aussi venait voir son épouse en voiture et on l’a tué à cette barrière, alors qu’il se dirigeait à l’évêché. On s’est approprié son véhicule, je n’ai pas été témoin mais on a dit que c’est BIHEHE qui s’est approprié la voiture, il en prenait les pièces, les mettait dans son véhicule.

Ni la Cour, ni les parties civiles ne souhaitent poser de question. Il faut dire que ce témoignage est d’une grande confusion.

Me Simon Foreman : Vous avez expliqué que quand vous étiez à l’évêché et qu’on avait proposé d’emmener les réfugiés à MURAMBI, vous avez dit que vous aviez peur d’y aller car vous risquiez d’être tué. C’est bien ça?

Le témoin : J’ai dit que le problème que j’ai rencontré, c’est que je devais chercher ma femme, mais au retour il y avait des barrières et je n’ai pas pu y aller.

Me Simon Foreman : Ce qui m’intéresse, c’est qu’on vous a dit que c’était dangereux d’aller à MURAMBI. C’est ce que vous aurait dit GASANA ou votre ami Ignace.

Le témoin : C’est vrai.

Me Simon Foreman : Ce que je voudrais savoir c’est qu’on est une semaine avant le massacre et on savait déjà que c’était dangereux d’aller à MURAMBI ?

Le témoin : Les gens ne savaient pas que l’endroit allait être attaqué, mais ça avait été préparé car l’on avait attaqué les collines vendredi, la veille du samedi.

Me Simon Foreman : Donc, on pouvait deviner qu’il y avait un risque d’aller là-bas ?

Le témoin : Non, nous ne doutions pas qu’on allait nous attaquer. Mais, par contre, on avait mis les gens là-bas pour les protéger, même s’ils n’étaient pas protégés.

Me Simon Foreman : Ce que vous avez dit aux enquêteurs : …

Le témoin : Moi, je ne suis pas allé jusqu’à MURAMBI. Je me suis arrêté à la cathédrale.

Me Simon Foreman : Est-ce que tous les autres sont allés à MURAMBI ou vous êtes un certain nombre à ne pas être allés à MURAMBI ?

Le témoin : Il y en a qui sont allés à MURAMBI, qui ont pu survivre aux massacres, d’autres n’y sont pas allés et ont été tués sur les collines.

Me Simon Foreman : Tout le monde n’y est pas allé, seulement une partie, c’est bien ça ?

Le témoin : Certains ne sont pas allés comme moi, je ne sais pas si d’autres on pu se faufiler et partir, mais les autres ont été accompagnés par les gendarmes pour y aller.

Me Simon Foreman :« J’ai entendu que ceux qui voulaient aller à MURAMBI allaient être tués, je n’ai pas suivi les autres » : c’est ce que vous avez dit au juge français en 2012.

Le témoin : Alors quand j’étais à la paroisse, j’ai été prévenu par Ignace et quand j’étais à NGEZA, j’ai été prévenu par BIHEHE, mais le coeur n’y était pas vraiment.

Pas de question du ministère public.

Questions de la défense:

Me BIJU-DUVAL : Pour que les choses soient bien claires, aujourd’hui, vous nous avez dit ne pas être allé à MURAMBI parce que vous ne vouliez pas laisser votre fils et votre femme, que vous êtes allé les chercher et que vous n’avez pas pu rejoindre les autres à MURAMBI car il y avait une barrière ?

Le témoin : Oui, c’est vrai.

Audition de monsieur Pilote NTEZIRYAYO, cité par le ministère public, en visioconférence depuis le Rwanda.

Le témoin a été condamné pour génocide à 19 ans de prison. Il a plaidé coupable pour avoir tué neuf Tutsi au bureau communal de NYAMAGABE. Sa déposition sera plus confuse. Pour bien comprendre, il va falloir lire entre les lignes. Le fait que son audition soit faite en Kinyarwanda et traduite en français ne facilite pas toujours la compréhension. 

Le témoin : En réalité, pour ce qui me concerne, je vais donner mon témoignage si vous me le demandez, sinon je n’ai rien d’autre à dire.

 Président : Je vais vous poser des questions. Quelle était votre situation en avril 1994 ? D’abord, est-ce que vous êtes Hutu ou Tutsi?

Le témoin : Moi, je suis entre ces deux appartenances ethniques.

Président :  C’est-à-dire ?

Le témoin : L’un de mes parents est Hutu, et l’autre est Tutsi.

Président :  Qui est Hutu et qui est Tutsi ?

Le témoin : Mon père est Hutu et ma mère est Tutsi.

Président : Quelle était votre profession en 1994 ?

Le témoin : Agriculteur, rien d’autre.

(Le témoin semble tendu, habité par une colère à peine rentrée.)

Président :  Avez-vous des problèmes de santé particulier en ce moment?

Le témoin : Non, je n’ai jamais eu une quelconque maladie.

Président :  Il me semble que vous avez un problème à un œil, pouvez-vous nous en parler ?

Le témoin : J’ai un handicap au niveau d’un œil, mais rien d’autre.

Président : Est-ce qu’il y a un œil avec lequel vous ne voyez rien ?

Le témoin : Un œil me manque, mais l’autre il voit, je vieillis.

Président : Lors de vos déclarations, vous avez dit que cet accident fait suite à un éclat reçu dans l’œil dans une mine d’or en Tanzanie ?

Le témoin : Oui, c’est ainsi que j’ai perdu mon œil, dans les activités liées à l’or.

Président : C’était en quelle année ?

Le témoin : En 1986.

Président :  Pouvez-vous nous dire si vous étiez adhérent d’un parti politique ou pas ? Je parle d’avril 1994.

Le témoin : En 1994, j’étais membre du parti MDRMDR.

Président : Vous étiez MDR Hutu power ? Quelle tendance ?

Le témoin : Non, je n’étais pas dans la faction Power.

Président : Quand vous avez été entendu, vous expliquez que votre mère était séparée de votre père. Que lui est-il arrivé pendant le génocide ?

Le témoin : Ma mère s’était séparée de mon père en 1963, c’est à ce moment-là qu’ils se sont séparés.

Président :  Que leur est-il arrivé pendant la période du génocide ?

Le témoin : Ma mère, ses quatre filles et son fils, tout le monde a été tué.

Président :  Où ?

Le témoin : Dans l’ancienne commune de MARABA, pas très loin de GIKONGORO, dans la préfecture de BUTARE.

Président :  Pouvez-vous nous dire si vous avez assisté à des réunions durant la période du génocide avec des autorités ?

Le témoin : Oui, il s’est tenu à la commune de NYAMAGABE une réunion rassemblée par SEMAKWAVU et avec les autres ils circulaient dans toutes les ruelles appelant les gens à la réunion.

Président :  Quand est-ce que c’était ?

Le témoin : Je ne me souviens pas des dates, mais à ce moment-là les Inkotanyi avaient beaucoup avancé dans leur travail, et ils étaient là au milieu du Rwanda.

Président : Cette réunion avait lieu avant l’attaque de l’ETO [7] de MURAMBI ou après ?

Le témoin : C’est cette réunion qui s’est tenue à NYAMAGABE, pour aller tuer les gens à MURAMBI dans la nuit même qui allait suivre, à 3 heures du matin.

Président : Donc, c’est au cours de cette réunion, qu’on a préparé l’attaque de MURAMBI ?

Le témoin : Oui, dans cette réunion, il a été résolu de tuer un certain Gaspard MGIRENTE, qui habitait près de la commune, à 300 mètres.

Président :  Pourquoi avait-il été décidé de le tuer ?

Le témoin : Ce qui les a poussés à le tuer, c’est qu’on disait qu’il collaborait avec les Inkotanyi qui se trouvaient à KINIHIRA.

Président :  Il était Hutu ou Tutsi ?

Le témoin : C’était un commerçant, un Tutsi, qui tout simplement exerçait ses activités commerciales et rien d’autre. Ce jour-là, huit personnes ont perdu la vie.

Président :  Qui étaient ces huit personnes ?

Le témoin : Ce jour-là, parmi les huit, il y avait lui-même, son épouse, ses enfants. Les corps ont été exhumés, et à ma sortie de prison, c’est moi-même qui ai supervisé cette exhumation.

Président :  Revenons à cette réunion. Qui y a participé ?

Le témoin : Cette réunion rassemblait plusieurs personnes. À l’aide du mégaphone, on avait invité les gens à cette réunion de sécurité, la salle était remplie même à l’extérieur.

Président : Donc, c’était une réunion publique ?

Le témoin : Oui, c’était une réunion publique. Il y avait la population, des fonctionnaires, des commerçants importants, toute la ville avait afflué.

Président :  Qui présidait la réunion?

Le témoin : Elle était présidée par le colonel SIMBA et SEMAKWAVU. Laurent BUCYIBARUTA était également là, il était assis au podium, mais je ne l’ai pas entendu dire quoi que ce soit.

Président :  Donc, il était là assis au podium et il n’a pas parlé ?

Le témoin: Je n’ai rien entendu. Je ne sais pas s’ils peuvent décider de rassembler une réunion qui aurait pu prendre de telles résolutions à l’insu du préfet.

Président :  Soyons clair, vous l’avez vu ou vous ne l’avez pas vu ? Ou tout simplement vous pensez qu’il aurait dû être là ?

Le témoin : J’habite dans la ville de GIKONGORO et je suis natif de là.

Président :  Donc, vous affirmez que Laurent BUCYIBARUTA était présent à cette réunion ?

Le témoin : Oui, il était présent à cette réunion.

Président :  Mais il n’a rien dit ?

Le témoin : Je n’ai rien entendu. Dire autrement, ce serait mentir.

Président : Vous avez dit qu’on a organisé les massacres. Mais, qu’est-ce qui a été organisé ?

Le témoin : En réalité, pour cette réunion, ce n’est pas la première fois que je comparais pour ça. J’ai comparu à ce sujet devant la juridiction Gacaca [8]. D’ailleurs, dans le cadre de ce procès, il a été décidé que je retourne à la prison. Je suis retourné à la prison dans des circonstances pas claires car en face j’avais des adversaires plus puissants que moi. Moi, j’ai mis en cause 64 personnes. C’est moi-même qui ait fait exhumer les corps de Gaspard MGIRENTE et de sa famille. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à ourdir un complot contre moi de manière très importante, d’ailleurs ça continue aujourd’hui. A présent ça continue, rappelez-vous les policiers français qui m’ont convoqué à GIKONGORO, je leur ai donné une liste.

(A ce stade, il serait judicieux de rappeler aux témoins qu’ils ne sont pas entendus dans le cadre de leur procès. Le témoin s’énerve comme si c’est son procès qu’on recommençait. Il faudrait bien leur dire ou redire qu’ils sont là parce qu’on souhaite entendre leur témoignage dans le cadre du procès de Laurent BUCYIBARUTA. Les témoins seraient moins sur leurs gardes.)

Président :  On va en reparler, je voudrais savoir ce qui a été discuté et décidé lors de cette réunion ?

Le témoin : Dans cette réunion, ils ont décidé qu’à 3 heures du matin, ils allaient attaquer MURAMBI et ce fut ainsi.

Président :  A quel moment a-t-il été question de tuer Gaspard MGIRENTE ?

Le témoin : D’abord, pour commencer, à NYAMAGABE, on a tué un certain Samuel, un ingénieur civil dont la femme était enseignante. Elle vit toujours à KIGALI On l’avait fait venir, on l’a remis à SEMAKWAVU en lui disant qu’il fallait qu’il soit éliminé.

Président :  C’était quand ?

Le témoin : Le jour même, tout ça a eu lieu le même jour.

Président :  Pourquoi a-t-on tué Samuel ?

Le témoin : On avait trouvé sur lui un album photo où on pouvait le voir porter un uniforme des Inkotanyi.

Président :  Quand est-ce qu’il a été tué ?

Le témoin : Le jour même.

Président :  Le jour de la réunion ?

Le témoin : Oui, pour ce qui concerne Gaspard MGIRENTE, pour le tuer, on a utilisé de l’essence et des grenades de type M26, ainsi que des fusils de type Lee-Enfield.

Président :  C’était pendant, avant ou après la réunion ?

Le témoin : D’abord, il y eu le cas de Samuel qui a été tué pendant la réunion. Après, il y a eu la réunion et le reste est arrivé après la réunion. Il y a d’abord eu le cas de Samuel, qui a été tué près du bureau communal. Du bureau communal au domicile de Samuel, il y avait un kilomètre.

Président :  Il a été tué chez lui ou au bureau communal ?

Le témoin : Au bureau communal, il a été enterré devant le bureau communal dans un champ de petits pois.

Président : Comment son épouse a-t-elle pu survivre ?

Le témoin : J’ignore les circonstances dans lesquelles son épouse et ses enfants ont survécu, mais je sais pertinemment qu’elle est ici à KIGALI.

Président :  Est-ce que les participants à la réunion sont déjà présents ?

Le témoin : Oui, ils étaient là.

Président :  Est-ce que Laurent BUCYIBARUTA était là ?

Le témoin : Oui, il était là lui aussi.

Président :  Il a assisté à cette scène de meurtre? Ils ont tué comment Samuel ?

Le témoin : On l’a livré à des jeunes gens, ce sont des jeunes gens qui l’ont emmené et qui l’ont tué en lui donnant des coups de gourdins.

Président : Vous, vous étiez où ?

Le témoin : J’étais au bureau communal. J’avais répondu présent à la réunion comme les autres.

Président : Ensuite, ça ne se passe pas dans la salle du bureau communal, mais à l’extérieur ?

Le témoin : Oui, ils ne l’ont pas tué à l’intérieur de la salle, mais à l’extérieur.

Président : Qu’est-ce qu’on dit à la réunion?

Le témoin : Ce qui a suivi, c’est donner les directives sur la manière dont on allait tuer à MURAMBI.

Président : Quelles étaient les directives ?

Le témoin : Qu’on devait préparer l’attaque qui allait être menée à 3 heures du matin. C’est à cette heure-là que l’on a décidé.

Président : Est-ce qu’on a décidé autre chose ? Est-ce que les gendarmes étaient là ?

Le témoin : Il y en avait, il y avait le colonel BIZIMUNGU, qui était le chef des gendarmes, le capitaine SEBUHURA. Il y avait les autres, il y avait aussi Janvier qui était sous-lieutenant et il est aujourd’hui capitaine dans l’armée ici. Mais, il est en prison.

Président :  Est-ce que la population devait s’habiller d’une certaine façon ?

Le témoin : Non, ils ne s’habillaient pas d’une certaine façon, mais ils étaient habillés ordinairement. Par contre, lors de l’attaque de MURAMBI, ils portaient des branchages, des herbes, des choses qui sortaient de l’ordinaire.

Président : Est-ce que l’on a donné des armes ?

Le témoin : Ce jour-là, les armes n’ont pas été distribuées.

Président : On avait distribué les armes avant ?

Le témoin : J’avais entendu que le colonel SIMBA en avait distribué à KINYAMAKARA. Mais, ce sont des choses que j’ai entendu dire

Président :  Donc, le rendez-vous est donné à tout le monde à 3 heures du matin ?

Le témoin : Oui.

Président :  Et vous, vous y êtes allé à 3 heures du matin ?

Le témoin : J’ai un problème de vue, je ne me déplace pas la nuit.

Président :  Vous ne voyez pas bien la nuit ?

Le témoin : Je ne me déplace pas de nuit et d’ailleurs quand les autres vont faire les rondes nocturnes, je n’y vais pas.

Président :  Mais, la réunion communale avait-elle lieu de jour ou de nuit ?

Le témoin : De jour.

Président :  Comment on en vient à tuer Gaspard MGIRENTE et sa famille. Qui dit qui faut tuer Gaspard ?

Le témoin : SEMAKWAVU, le capitaine SEBUHURA, Janvier HABAYISENGA, il y en avait un autre qui fut comptable de la commune de NYAMAGABE, il est d’ailleurs en prison. Il y avait en un autre, un certain BUCYANA.

Président :  C’est eux qui avaient dit qu’il fallait le tuer ?

Le témoin : Ceux sont eux qui ont pris cette décision, mais il y avait aussi des gendarmes et parmi eux j’en ai vu qui avaient des grenades.

Président :  Pouvez-vous me dire clairement qui a tué MGIRENTE et sa famille ?

Le témoin : On a déclaré que Gaspard MGIRENTE allait à KINIHIRA. Le colonel SIMBA et SEMAKWAVU ont dit qu’ils ne comprenaient pas ce que l’énergumène faisait encore là à GIKONGORO, donc tout comme Samuel, ils furent les premiers à être tués.

Président :  Qui l’a tué ?

Le témoin : Ils étaient nombreux et avaient encerclé les lieux. L’attaque était très grande. Ce n’était pas encore la nuit, c’était en soirée, mais seulement, de mémoire c’était le jour du marché.

Président :  Au moment de ces meurtres, vous avez été présent ? Vous les avez vus ? Avant qu’on tue les gens, est-ce que vous étiez là ?

Le témoin : C’était des choses qui se sont passées en plein jour et j’étais là. J’étais là comme tout le monde.

Président :  Est-ce que vous avez été condamné pour ces meurtres ?

Le témoin : Non, car je n’ai pas pris part à ces massacres. J’ai été condamné pour d’autres faits.

Président :  Pour quels faits avez-vous été condamné ?

Le témoin : J’ai été condamné pour d’autres faits et notamment le meurtre d’une jeune fille, mais là encore ce sont des choses que l’on a inventées, ce n’est pas vrai, je n’ai rien fait.

Président :  Donc, vous avez été victime d’une erreur judiciaire ?

Le témoin : Non, il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire, il s’agit par contre de paiement effectué par mes détracteurs, ceux-là même que je mets en cause, ils m’ont vendu.

Président :  Est-ce que vous avez tué quelqu’un ou pas ?

Le témoin : Moi, personnellement, je n’ai jamais tué personne.

Président :  Vous nous dites qu’il y a cette réunion communale dans la journée, que vous assistez à des massacres et qu’il va y avoir l’attaque de MURAMBI. Et que se passe-t-il ensuite ?

Le témoin : Je voudrais corriger quelque chose. Je ne pourrais pas dire que je n’ai tué personne, alors que j’étais Hutu et que ceux qui mourraient étaient des Tutsi. En plus, j’ai été à des barrières, j’ai été dans des attaques, quand on était à des attaques, quand on a tué Gaspard, j’étais présent.

Président : Avant cette réunion au bureau communal, souvenez-vous d’une autre réunion qui concernait des personnes importantes ?

Le témoin : J’ai participé à deux d’entre elles.

Président : Pouvez-vous me dire de laquelle vous vous souvenez ?

Le témoin : La première est la réunion où il y avait SINDIKUBWABO et KAMBANDA, après leur prise de pouvoir. À ce moment-là, ils ont appelé les gens aussi pour qu’ils viennent participer à la réunion de sécurité, donc nous y sommes allés.

Président : C’était quand ?

Le témoin : Je ne me souviens pas des dates, je ne peux pas m’en souvenir, c’était quand les Inkotanyi avançaient.

Président : Quand vous avez été interrogé, vous avez parlé d’une réunion qui s’est tenue au CIPEP ?

Le témoin : Le CIPEP est une salle polyvalente.

Président : Avez-vous entendu des choses qui se seraient dites durant la réunion au CIPEP ?

Le témoin : A ce moment-là, on nous a demandé de prendre les machettes et de débroussailler les lieux. Ce fut le cas. En réalité, on n’y a pas dit beaucoup de choses, mais KAMBANDA [10] a pris la parole et a dit qu’il n’avait pas envie d’y aller et de voir quelqu’un y aller avec le dos de la cuillère.

Président : Bon, je suis un peu perdu et je vais lire vos déclarations. A cette réunion du CIPEP, vous avez vu le préfet ?

Le témoin : Il ne pouvait pas manquer d’y être.

Président : Est ce qu’il s’agit bien de la première réunion dont vous vous souvenez ?

Le témoin : Non, ce n’était pas la première. La première c’était celle du complot de MURAMBI. Celle-là c’était la deuxième. La première avait eu lieu au bureau communal.

Président : Le président lit en D 10371/4. Est-ce que ça vous rappelle quelque chose ?

Le témoin : Je crois qu’il y a  quelque chose qui s’est glissé là-dedans. Est-ce que l’erreur vient de moi ou du verbalisant, je ne sais pas ce qui s’est passé au juste. La réunion du CIPEP fut la première.

Président : Dans vos souvenirs d’aujourd’hui, la première réunion c’est là où participaient SINDIKUBWABO et KAMBANDA ?

Le témoin : Non, ça ne collait pas de dire que la première réunion fut celle de SINDIKUBWABO.

Président : Donc, la première réunion c’est la réunion à la commune, et ensuite une réunion avec SINDYKUBWABO ?

Le témoin : Oui.

Président : Et avec lui, il y avait également le Premier ministre ?

Le témoin : Oui.

Président : Ils étaient là tous les deux ?

Le témoin : Ils étaient là en même temps, tous les deux présents.

Président : Où a eu lieu cette réunion ?

Le témoin : Je consens à ce que Monsieur le Président vient dire, la plupart correspond à la réalité.

Président : Je n’ai toujours pas compris où s’est déroulé cette réunion avec SINDIKUBWABO et KAMBANDA ?

Le témoin : Elle s’est déroulée au CIPEP, c’était dans une salle polyvalente où se déroulaient des spectacles et des réunions.

Président : Vous avez remis une liste aux enquêteurs, et tout à l’heure vous avez dit qu’il y avait combien de participants ?

Le témoin : Cette liste-là contient, normalement, la liste en question qui comporte 64 personnes, mais celle que vous avez là contient un nombre supérieur. L’enquêteur français m’a stressé et j’ai remis celle que j’avais dont le nombre est supérieur. J’avais avec moi un classeur avec des papiers.

Président : Est-ce que c’est l’enquêteur français qui a établi cette liste ?

Le témoin : Non, ce n’est pas lui.

Président : Qui a fait cette liste ?

Le témoin : C’est moi qui lui ai remis cette liste.

Président :  Si je comprends bien, ce n’était pas la bonne liste que vous lui avez remise ?

Le témoin : La liste que je lui ai remise n’était pas la bonne, la bonne comprend un nombre de 64 personnes.

Président :  Pourquoi vous ne lui avez pas donné la bonne ? Je ne comprends rien.

Le témoin : Les 64 en question sont inclus dans la liste que vous avez et j’en ai parlé devant la juridiction Gacaca, quand je lui ai remis cette liste je ne savais pas qu’il allait la prendre avec lui. Ce qui me dérange, c’est que ce n’était pas moi qui prenais note personnellement, je me faisais écrire.

Président :  Vous parlez de quoi ? De la liste ou du procès-verbal de votre audition ?

Le témoin : Je pense que cette la liste comporte un nombre supérieur au nombre réel, quand on l’écrivait pour moi.

Président :  Donc, on n’a pas écrit ce que vous disiez ?

Le témoin : Ils ont rajouté d’autres choses dans leurs propres intérêts.

Président :  Qui a écrit cette liste ? Quels étaient les intérêts en cause ?

Le témoin : La personne qui a rédigé cette liste pour moi n’est plus en vie, il est décédé, un certain KALISA. Cela se faisait à la prison quand nous étions en détention.

Président : Est-ce qu’on a ajouté à la liste que vous aviez en tête le nom de Laurent BUCYIBARUTA ?

Le témoin : Oui, ils ont ajouté des choses que je ne leur avais pas dites.

Président :  Est-ce qu’on a rajouté le nom de Laurent BUCYIBARUTA ?

Le témoin : Non, ils n’ont jamais ajouté son nom car il y figurait déjà.

Président :  Vous avez fait également état d’une autre réunion qui aurait eu lieu au marché ? Pouvez-vous nous en parler ?

Le témoin : La réunion a eu lieu au moment où il était devenu clair que l’État de SINDIKUBWABO et KAMBANDA avait perdu.

Président :  Que s’est-il passé ?

Le témoin : Cette réunion avait pour objet la collecte des fonds. Il n’y a pas eu beaucoup de choses à ce moment-là. Finalement, ces fonds avaient pour but la rétribution des jeunes gens qui devaient aller combattre les Inkotanyi à NYANZA.

Président :  Qui était présent à cette réunion ?

Le témoin : Laurent BUCYIBARUTA et beaucoup beaucoup d’autres, impossible de les énumérer tous.

Président :  Est-ce qu’il y avait le colonel SIMBA ?

Le témoin : Oui, il était présent, tout comme SEMAKWAVU.

Président :  Est-ce qu’il y avait la présence d’un certain GASANA ?

Le témoin : C’est GASANA qui s’est attaqué frontalement à Laurent BUCYIBARUTA, qui venait de donner comme contribution, une somme de 8 000 francs au moment où les autres avaient donné beaucoup plus. GASANA avait dit que lui aussi devait être un complice.

Président :  Il l’a menacé ?

Le témoin : Il l’a beaucoup menacé, vraiment.

Président :  C’est-à-dire ?

Le témoin : GASANA, c’était quelqu’un de terrible, il le menaçait beaucoup, il disait que celui-ci ça doit être un complice.

Président : Une toute dernière question. Vous avez parlé d’une réunion au cours de laquelle on vous a incité à débroussailler. Qui a donné ce conseil ? C’était où ? C’était quoi ?

Le témoin : Le débroussage a été évoqué par KAMBANDA qui était Premier ministre.

Président :  Souhaitez-vous ajouter quelque chose Monsieur ?

Le témoin : Par rapport à cette réunion, j’ai quelque chose à dire. Même si le procès se déroule en France, ce que je dis pour terminer, c’est que cette réunion a envoyé les jeunes gens de KINIHIRA, les Inkotanyi les ont tous tués, et personne n’est revenu.

La deuxième chose c’est que la raison pour laquelle GASANA BIHEHE s’est attaqué frontalement à Laurent BUCYIBARUTA, c’est qu’un homme était venu de KIGALI pour fuir à GIKONGORO et avait avec lui six véhicules. C’était un natif de GIKONGORO, il s’appelait RUBADUKA. Après qu’on a dit qu’il fallait attaquer les Inkotanyi à NYANZA, mais quand ils faisaient cela, eux il avaient des gourdins. Laurent BUCYIBARUTA a dit: « Si c’est de l’argent dont vous avez besoin, je vais vous en donner », et de sa poche, il a sorti 300 mille. Après qu’il ait sorti les 300 mille, les autres ont suivi cet exemple pour qu’on aille combattre les Inkotanyi. À ce jour-là, l’argent qui fut collecté, c’était plus d’un million. Quand un citoyen voulait emprunter pour fuir, parce que les gens étaient en train de fuir, on lui demandait 200 mille francs. Vous avez abandonné la population, vous avez pris les autobus, vous êtes allés au Congo et en France: vous avez abandonné la population.

Président :  Vous parlez à qui ? Laurent BUCYIBARUTA ?

Le témoin : Je m’adressais à Laurent BUCYIBARUTA, ainsi qu’à d’autres autorités qui étaient avec nous. Apres cet argent, on ne les a plus revu.

Président :  Est-ce que, dans votre souvenir, on a accusé Laurent BUCYIBARUTA d’accueillir des Tutsi ?

Le témoin : Tout ce que je sais c’est que Laurent BUCYIBARUTA avait comme chauffeur un certain KATABARWA, qui était Tutsi. S’il l’a caché, je ne sais pas. Toujours est-il qu’il a fui à CYANIKA et qu’il est mort.

Président : Est-ce que lors de cette réunion au marché on a accusé Laurent BUCYIBARUTA d’avoir accueilli des Tutsi ?

Le témoin : Je n’ai pas entendu cela, je ne pourrais pas vous dire que je les ai entendus.

Audition de monsieur Emmanuel HABYARIMANA, cité par la défense, ancien général des FAR.

Rédaction en cours. L’audience a duré plus de trois heures.

Audition de monsieur Léonidas NYILINGOGA, partie civile, cité par SURVIE.

« J’ai été maltraité comme mes autres compatriotes. J’ai perdu mon épouse et mes cinq enfants, ainsi que mon travailleur. Nous étions perdus alors que Laurent BUCYIBARUTA pouvait m’assister car on se connaissait. C’était un ami, je l’avais invité à mon mariage. Pendant le génocide, il n’a rien fait pour moi ni pour les Tutsi. A KARAMBO, jusqu’au 13 avril, les Interahamwe nous ont attaqués: le bourgmestre nous demandait de veiller sur son bureau. Il m’a promis d’aller faire une démarche auprès du préfet.

Le 14 avril, le bourgmestre, Augustin GASHUGI, s’est rendu au Bureau de la préfecture et au lieu de ramener une bonne nouvelle, il est venu avec des gendarmes, pour nous tuer. Dès le lendemain, ils ont tiré sur nous. Les gendarmes et la population étaient plus forts que nous. Nous sommes allés à KADUHA. Pendant les cinq jours qui ont suivi, les gendarmes nous ont attaqués. Il y a eu plus de 50 000 morts. De NYAMAGABE, je suis le seul survivant.

Après, je me suis caché dans les buissons, chez des voisins. J’ai parcouru plus de quatre communes jusqu’à arriver à KIGEME, chez l’évêque que j’ai supplié. Une réunion s’est tenue à l’hôpital de KIGEME. Les malades et les gardes malades ont été tués.

Puis je suis allé à MURAMBI, après le grand massacre. Ce qui m’a beaucoup frustré, c’est quand on a demandé à Laurent BUCYIBARUTA quelle situation prévalait dans sa préfecture, lors d’une émission radio: « Tout va bien, à part quelques-uns qui se regardent en chiens de faïence » aurait-il déclaré. »

Sur questions de monsieur le président, le témoin déclare qu’il connaît Laurent BUCYIBARUTA depuis les années 80; Lui était pasteur à la tête d’une paroisse et l’accusé alors député. Ils étaient amis, jusqu’à l’avoir invité à son mariage. Ils habitaient à environ 5 kilomètres l’un de l’autre, à KADUHA.

« Le bourgmestre GASHUGI vous a demandé de protéger les bureaux de la commune? » interroge monsieur le président.

Le témoin: Je n’ai pas dit tout à fait cela. Au bureau, il nous a demandé de nous protéger nous-mêmes. Il ne voulait pas que son bureau soit détruit.

Monsieur NYILINGOGA de poursuivre. « Les 7 et 8 avril, les Tutsi avaient commencé à se réfugier au bureau communal et leur nombre a beaucoup augmenté. Vers le 11, les gens sont venus au bureau communal pour tuer les réfugiés. Le bourgmestre a eu recours à moi parce que j’étais pasteur, j’étais Tutsi et capable de discuter avec lui. Il nous a demandé de nous défendre avec des pierres. Il n’avait pas compris que les ordres venaient de plus haut. Le 12, les réfugiés subiront d’autres attaques.

Le bourgmestre avait promis d’aller voir le préfet. Il s’est rendu à son bureau le 14. Revenu le soir, il avait changé. Il était accompagné de gendarmes, a fait sortir les gens du bureau communal.

Le vendredi 15, nous sommes allés sur les collines pour nous défendre. Les gendarmes s’étaient ligués avec les tueurs. Les rescapés se sont alors réfugiés à l’église catholique de KADUHA. Le témoin apprendra que sa femme et ses enfants étaient décédés le 16 à KARAMBO. Elle s’était cachée dans une maison d’où les tueurs l’ont tirée. Certains chrétiens, comme j’étais pasteur, ont essayé de la défendre. « Enlevez la saleté » auraient dit le bourgmestre et les gendarmes. Ses enfants ont été tués en même temps que leur maman. L’aîné avait 10 ans, le plus jeune 4 mois ».

Et l’attaque à KADUHA? « Dès mon arrivée, je suis allé supplier sœur MILIGHITA [14] pour qu’elle m’aide à sauver ma famille: elle avait des problèmes, elle n’a pas pu m’aider. Je suis allé voir le sous-préfet Joachim, une connaissance. Il savait que j’étais pasteur. Il n’a pas pu m’aider non plus. Quand les habitants nous attaquaient, nous nous défendions. Les tueurs repartaient. Les autorités nous ont fait creuser des fosses pour nous faire croire que c’était pour les toilettes. C’était pour nous leurrer.

Le 20 avril, Les autorités ont donné le feu vert aux tueurs. Pendant la nuit, nous avons attendu ce qui devait arriver. J’ai dit au revoir à mon beau-père et ses enfants. Je ne pensais même pas à ma femme ni à mes enfants: je ne pensais qu’à moi. J’ai réussi à partir. L’attaque a commencé vers trois heures du matin. J’ai passé la journée et la nuit dans la forêt. 

Le lendemain, je suis allé chez un ami, parent éloigné de mon demi-frère qui était Hutu. Je passais mes journées dans la brousse et ne rentrais que la nuit. Je me suis ensuite réfugié chez une tante maternelle qui a refusé de me cacher. Le lendemain, un voisin m’a jeté dans une pièce qui servait de dépôt. Mon demi-frère a demandé à quelqu’un de me cacher en échange d’une vache.

Je me suis rendu à l’évêché de KIGEME. J’ai demandé à l’évêque de m’aider à passer la frontière. Mais lui aussi avait peur car lorsque les Tutsi arrivaient à passer la frontière, ils se faisaient tuer.  Il m’a demandé de me rendre à l’hôpital de KIGEME. J’ai refusé de m’y rendre en voiture, mais j’ai fini plus tard par accepter. Si j’étais parti à pieds, les militaires de RUSATIRA m’auraient tué. C’est ce qu’on m’a dit à mon arrivée.  Là, j’ai rencontré des militaires qui avaient perdu la guerre.

Je voudrais ajouter, dit le témoin invité à conclure par le président, si je parlais de mon « frère » (Laurent BUCYIBARUTA), il comprendrait que ce qu’il a fait n’était pas bien. Il n’a rien fait pour nous sauver. Il n’a offert de refuge à personne. Pourtant, beaucoup de Tutsi qui sont morts avaient confiance en lui. Il n’a rien fait alors qu’il le pouvait. Il devrait demander pardon à Dieu et s’en aller paisiblement. »

Monsieur BUCYIBARUTA: « En 1994, je n’avais pas de ses nouvelles car je ne suis jamais allé dans les communes de KADUHA.  Je n’avais ni moyen ni pouvoir pour secourir les gens individuellement ou de façon collective. Je n’avais pas de forces à ma disposition. J’exprime ma compassion au témoin. Il a vécu une situation dramatique. Mais aussi ma compassion pour la perte des membres de sa famille. Je lui souhaite de se reconstruire. »

Le témoin ne partage pas du tout l’avis de l’accusé. Il dénonce de nouveau l’inertie du préfet qui n’a pas été capable de sauver qui que ce soit. Il aurait pu demander aux bourgmestres de protéger la population. Il participait à des réunions et ne disait rien.

Monsieur BUCYIBARUTA reprend la parole pour dire, en des termes très voisins, combien il compatit à la douleur du témoin. Il comprend son raisonnement. « A sa place, je raisonnerais comme lui. Mais la situation était plus complexe qu’il ne le pense. J’ai toujours demandé aux autorités de protéger la population. Moi-même, je ne me sentais pas en sécurité. La Cour appréciera mes faits et gestes. Les circonstances étaient telles que je ne pouvais pas sauver tout le monde. Je ne pouvais affronter toutes ces forces du mal. Je ne disposais d’aucune force ni d’aucune arme pour contrecarrer ces forces. »

Maître BERNARDINI, souhaite revenir rapidement sur les propos de l’accusé lors d’une émission de radio. Il voudrait que le témoin précise un peu ce qu’il a dit. Le témoin a bien entendu l’émission en question car il possédait encore sa radio personnelle. Cette émission a été diffusée avant le 11 avril 1994.

Et l’avocat de conclure: « Le préfet devait savoir ce qui se passait dans sa préfecture! »

Il est déjà tard. Monsieur le président clôture l’audience et donne rendez-vous au lendemain 9h30. (A suivre…) 

Note de la Rédaction 

Ce compte rendu a été réalisé par Alain GAUTHIER, Mathilde LAMBERT et Jacques BIGOT