RCN J&D a organisé une conférence de deux jours sur les stratégies de traquer les génocidaires

Les principaux Speakers à l’ouverture de la conférence : S. Brammertz ; E. Gillet ; J. Kavaruganda ; Dr F. Nteziryayo ; B. Versmessen ; et A.Havugiyaremye.

L’ONG RCN Justice et Démocratie a organisé une conférence internationale de deux jours, du 17 au 18 Novembre 2021, pour arrêter les stratégies de traquer les génocidaires qui se cachent encore dans les pays étrangers, selon le Président de la Cour Suprême et Chef de la Magistrature, Faustin Nteziryayo.« L’objectif de cette conférence internationale est de passer en revue les réalisations faites pour poursuivre les criminels qui ont commis le Génocide contre les Tutsi du Rwanda. L’on montrera aussi le rôle des Juridictions Gacaca pour juger les criminels du Génocide au Rwanda. La question qui demeure est de voir comment juger les suspects dans les pays d’accueil. Faut-il les extrader ou les juger dans le pays d’accueil ? », a-t-il indiqué.

« Le constat est qu’aucun pays africain n’a encore jugé un génocidaire. Mais grâce à une forte sensibilisation, certains pays dans le monde acceptent maintenant de collaborer pour arrêter les criminels. La poursuite des auteurs du Génocide où qu’ils se trouvent demeure  indispensable. Il faut pour cela une collaboration étroite de tous les acteurs de la justice nationale et  internationale », a poursuit le Président de la Cour Suprême du Rwanda.

Pour Bert Versmessen, Ambassadeur de Belgique au Rwanda, la Belgique est le pays qui a organisé le plus de procès de Génocide contre les Tutsi au Rwanda. Cela était nécessaire pour apporter aux victimes la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non récurrence des crimes massifs. Mais encore plus, l’on doit toujours tenir en compte des causes profondes des conflits.

« La Belgique a condamné quatre Sœurs de Butare en 2001 pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Elle a condamné Fabien Neretse à trente ans de réclusion. Elle s’apprête à juger Ernest Gakwaya et Emmanuel Nkunzumuremyi pour crimes de Génocide. Bien plus, la Belgique a condamné la négation de génocide et l’idéologie du génocide. Seulement, il est regrettable que de nombreux témoins aient disparu, et cela plonge la justice dans des problèmes complexes », a-t-il relevé.

Vue des participants dans la salle ;

Pour Me Eric Gillet, Président de RCN Justice et Démocratie, un réseau qui organise cette conférence internationale, les juridictions nationales des pays qui hébergent les génocidaires, ne considèrent pas la poursuite de ces suspects comme une priorité. Gillet sait ce qu’il dit, surtout qu’il a été pendant trente ans avocat des plaignants dans les procès pour Génocide en Belgique, notamment devant la cour d’assises de Bruxelles.

« Ces pays ont déjà un arriéré judicaire important et ils considèrent qu’ils n’ont pas de ressources à priori à consacrer à cela. Là où les procès ont eu lieu, c’est parce que les victimes ont été très actives. C’est le cas de la Belgique, de la France et d’autres pays où les victimes ont parfois constitué des comités des victimes pour contacter des avocats et déposer des plaintes. La solution à cela est que les victimes s’activent et toutes les fois qu’elles s’organisent, elles obtiennent des procès de la part des juridictions des pays tiers. Il faut que ces pays-là se rendent compte que le génocide a un visage, et le visage c’est celui des victimes », fait-il remarquer.

Il poursuit : « La justice liée au génocide par rapport au Rwanda, c’est l’affaire du monde entier. Il y a des génocidaires qui sont restés au Rwanda et d’autres qui sont partout dans le monde. Il a fallu que le TPIR retrouve certains et là où ils sont, ils doivent être jugés s’ils ne sont pas réclamés par le TPIR ».

Il reconnaît que le travail d’une organisation comme RCN J&D peut être très utile.

« Le travail que le Rwanda fait pour demander des extraditions est nécessaire évidement, même s’ils ne sont pas extradés, mais au moins cela les conscientise sur la présence des suspects sur leur territoire. Et cela permet de dire si vous ne voulez pas extrader, alors vous jugez vous-même. Mais je suis persuadé que les victimes ont un rôle essentiel pour y arriver. Elles s’organisent en France, en Belgique, au Canada, en Norvège, en Suisse. Elles devraient s’organiser aussi au niveau international pour être très efficaces et aller chercher des suspects dans les pays où ils ne sont pas inquiétés », poursuit Me Gillet.

Il précise que des conférences sur le Génocide des Tutsi sont organisées dans les pays où résident les criminels du Génocide.

Groupe photo des participants.

« Il y a des professeurs qui publient des livres sur la justice en matière de Génocide. Il y a beaucoup de choses qui se font. C’est vrai que cela demande beaucoup d’énergie, mais rien ne sera jamais assez », dit-il encore. 

Pour Madame Providence Umurungi, Chef du Département de la Justice internationale et coopération judicaire au Ministère rwandais de la Justice, beaucoup de suspects de crimes de génocide au Rwanda se cachent dans des pays étrangers. Le Rwanda a émis 1149 mandats pour les arrêter dans plus de 38 pays dans le monde et ceci depuis 1998.

Certains pays ont choisi de les juger dans les pays qui les ont accueillis. C’est le cas de la Belgique, de la France, Canada et Hollande. Un total de 22 suspects ont été extradés vers le Rwanda. Un autre groupe de 21 ont été jugés à l’extérieur.

« Nous cherchons à conduire des accords d’extradition avec des pays qui l’acceptent. Mais le processus est lent. La plupart des suspects estimés à plus de 900 sont en Afrique. D’autres sont en Europe et en Amérique. Mais le génocide demeure un crime imprescriptible. Certains de ces pays commencent à collaborer », a-t-elle noté.  (Fin)