Risques et espoirs d’enfants des femmes sidéennes

Mukagihana Immaculée, une quarantaine d'années, qui habite Nyanza au sud du Rwanda, est fière des deux enfants qu’elle a mis au monde alors qu'elle est infectée par le VIH/sida.

"Je voulais qu’il y ait quelqu’un qui reste après ma mort, pour que les gens se souviennent de moi. J’étais convaincue qu’en suivant les instructions des infirmiers, je pourrais mettre au monde un enfant sain", dit-elle.

Malheureusement, son premier fils, 5 ans, est né infecté. Mais le plus jeune, un an, n’est pas contaminé. "J’ai bien suivi les instructions des médecins pendant la grossesse, lors de l’accouchement et de l’allaitement et voilà que mon enfant est sain et sauf", se félicite-t-elle, le sourire aux lèvres.

Comme elle, nombre de Rwandaises sidéennes ne songent qu’aux enfants. Les femmes qui n'en ont pas sont, en effet, souvent rejetées par leurs belles-familles.

"Il y a encore des conservateurs qui évaluent la force de la famille au nombre d’enfants et disent qu’une femme sans enfants n’en est pas une. Cela oblige les femmes séropositives à en avoir pour être bien vues par leur entourage", déplore le Dr Ndahayo Alphonse, de l’hôpital de Nyanza.
 
Grossesses contraintes et risquées

Nombreuses sont celles aussi qui se laissent engrosser pour renforcer les liens avec le partenaire qui les prend en charge.

"Quand un homme te donne à manger, tu ne peux pas refuser de coucher avec lui", révèle cette veuve, ajoutant que, nombre de ses sœurs démunies cherchent des compagnons même dans les associations de personnes vivant avec le VIH/sida. "Quand on devient veuve très jeune, on ne peut pas vivre seule, on cherche un autre partenaire sans distinction et ce n’est pas possible d’utiliser un préservatif tous les jours", affirme une autre sidéenne.

Mais, pour les pères, ce n'est pas facile et souvent coûteux de prendre soin d’une femme séropositive et d’un bébé. Régis Gakinahe, de Bugesera, le constate : "Je n’ai plus besoin d’enfants. Je ne saurais pas le nourrir. Mon compte s’est vidé dans l’achat du lait et d’autres soins pour notre nouveau-né comme pour la mère."

Si avoir un enfant sain n'est jamais certain, mener une grossesse à terme est aussi difficile et souvent risqué. Après le troisième avortement, Mariana, de Bugesera, Est, a décidé de renoncer et de prendre des contraceptifs.

En effet, poursuit le Dr Ndahayo,"pendant la grossesse, les femmes infectées risquent d’avorter, de contaminer l’enfant, ou d’accoucher d’un prématuré". Aussi "chaque nouvelle grossesse augmente le risque pour une sidéenne dont la santé est très fragile", ajoute Marie-Claire Kayitesi, responsable du service préventif au centre de santé de Nyanza.

Face à ces dangers, le ministère de la Santé tient à dissuader les femmes de ces grossesses à haut risque. Pour Elvanie Nyankesha, de ce ministère, "elles feraient mieux de ne pas mettre au monde, mais si elles désirent vraiment avoir un enfant, on leur conseille de suivre les instructions des agents du PTME". Ce service de Prévention de la transmission du VIH/sida de mère à l’enfant disposait en 2007 de 255 centres.
 
Un peu d’espoir

Pour bénéficier de ce traitement préventif, les femmes enceintes doivent fréquenter les services de consultation prénatale et à accoucher dans les formations sanitaires, insiste le ministère. Cependant, la Commission nationale de lutte contre le sida (CNLS) déplore que seulement 28,2 % des Rwandaises enceintes recourent à ces services. Actuellement 3 % de la population rwandaise vit avec le VIH/sida et plus de 90 % des enfants nés de parents séropositifs sont infectés pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement.

Les femmes traitées à temps ont beaucoup plus de chances de mettre au monde des enfants sans problème. À Nyanza, par exemple, parmi les 76 femmes séropositives qui ont été suivies, seulement deux ont mis au monde des nouveau-nés infectés. Toutefois, avertit l’infirmière Marie-Claire Kayitesi, "on peut avoir la chance d’avoir deux enfants sains, mais le troisième peut être infecté".

Conscientes de ces risques, des associations de séropositifs en parlent clairement. À Nyanza, l’association Twite ku buzima (Préservons la santé) regroupe plus de 25 femmes et aucune d’entre elles n’est actuellement enceinte.

"Heureusement que la plupart de nos membres ont déjà des enfants et ne veulent pas en avoir d’autres. Et  celles qui ont récemment mis au monde mettent les autres en garde", précise Calixte Kamanzi, coordinateur des associations des PVV de Kibirizi, au sud du Rwanda.