Rubavu : Le revenu des 3500 prostituées a été impacté négativement par la guerre à l’Est de la RDC

Rubavu: Le district de Rubavu compte plus de 3500 prostituées regroupées en une association dont le revenu a régressé suite à la pandémie de Covid-19 et à la guerre à l’Est de la RDC, selon des témoignages recoupés des femmes qui exercent ce métier le plus vieux du monde.

« Je m’appelle Daniela Umuraza, 23 ans. (N.B.  Les noms des prostituées dans ce texte sont fictifs pour conserver leur anonymat). Je suis entrée dans le métier de la prostitution à l’âge de 16 ans quand je suis devenue fille-mère. Je ne suis pas une prostituée genre VIP qui exige plus d’argent pour une passe ou une nuit. J’exige cinq mille Frw. Je gagnais plus quand je pouvais traverser la frontière en RDC et trouver mes clients chez les soldats de la MONUSCO. Je pouvais rester un moment avec un soldat qui me gratifiait de cent dollars US. Je rentrais ensuite pour faire vivre mes trois enfants. Mais suite à la pandémie de Covid-19 et à la guerre à l’Est de la RDC, il est devenu difficile d’obtenir un permis de séjour permanent dans ce pays. Ce qui autorise à traverser la frontière à tout moment. La Covid-19 et la guerre nous ont acculées à perdre un marché juteux pour les vendeuses du sexe », déplore Daniela Umuraza.

Son avis est confirmé par la présidente de l’association des prostituées du district de Rubavu, Minani Ange.

« Notre association compte plus de 3500 prostituées de profession réparties dans les douze secteurs du district de Rubavu. Les conditions de vie d’une prostituée sont dures. Vous dormez avec un homme beau ou laid que vous n’aimez pas. Vous faites l’amour pour l’argent qu’on vous paye seulement. C’est un métier déshonorant, qui dévalorise, qui ne confère pas la dignité humaine. Nous avons suivi une formation qui nous exhorte à abandonner la prostitution. Un bon nombre d’entre nous est décidé à initier un business pour vivre autrement, de manière plus digne. Voilà la vision de beaucoup d’entre nous », affirme la robuste et chaleureuse Minani. 

Elle ajoute qu’elle appartient à un groupe de 29 femmes prostituées et un homme qui ont créé une coopérative. L’ensemble du district compte 40 groupes qui épargnent de l’argent et octroient des crédits aux membres, car une banque ne peut pas leur rendre un tel service.

« Nous disposons de structures pour éviter des infections. Une déléguée par secteur, par cellule et par village a été élue. On est dix personnes avec une déléguée. C’est une gouvernance qui facilite dans l’acheminement pour le dépistage du Sida. Un suivi est initié pour des prostituées sous ARV. Celles non infectées prennent une cure de prévention appelée « preb » durant leurs relations sexuelles. Cette « preb » protège à 99 %. Quand on renonce à la prestation, on arrête ce genre de cure », informe la présidente des prostituées de Rubavu.

Le grand obstacle qu’affrontent les prostituées, c’est d’être arrêtées par la police sur la rue la nuit et d’abandonner leurs jeunes enfants sans abri et sans parents pour les protéger et les nourrir. Ces enfants deviennent alors des enfants de la rue. 

« L’autre défi est l’absence de condom ou la hausse de son prix. Nous sommes formées pour faire des relations protégées. Même quand le condom fait défaut, il faut le chercher et l’obtenir. Sinon, s’abstenir. Car, l’on doit à tout prix protéger la vie », poursuit-elle.

Le vœu de Minani est de placer un kiosque à chacun des endroits où il y a une forte affluence de prostituées. 

A ce propos, le Directeur de la Division « Prévention contre le Sida », Dr Basile Ikuzo promet que le seul kiosque à condom de Rubavu sera étendu sur d’autres points pour avoir plus de kiosques selon les besoins.

« RBC et les partenaires se penchent sur l’augmentation de kiosques selon les besoins et la disponibilité des moyens. Surtout que cette augmentation de kiosques peut continuer à réduire les nouvelles infections, dit-il.

Le prostituée Maniraho Dévote, 35 ans, ne vit plus de son sexe, mais de la vente de souliers usagers (second hand).

 Maniraho Dévote a démontré que quand le business du sexe ne rapporte pas, l’on doit changer d’activités. L’important, c’est l’accès au capital. Elle a contracté un crédit de 70 mille Frw à la coopérative. Elle a vendu des chaussures. Elle est parvenue à vivre du bénéfice et à rembourser le prêt. Pour le moment, elle a encore demandé un autre crédit de 150 mille Frw et elle se consacre à la même activité. Elle se sent épanouie et fière de dépendre d’une activité qui la valorise. 

« L’important, c’est d’avoir un capital de départ pour se lancer. Sinon, on ouvre les frontières, je traverserai pour vendre un sac de 100 Kg, et non pas mon sexe, confie-t-elle avec fierté.

La présidente Minani informe que leur association forme 30 jeunes filles en couture et 30 autres en tresse des cheveux.

« Nous payons leurs formations et le loyer du local. Personne ne peut se vanter d’exercer le métier de la prostitution. Nous conseillons aux jeunes filles de ne pas pratiquer ce métier. En cas d’aventure sexuelle, nous leur recommandons le condom », dit-elle.

Elle ajoute que son groupe fort de 27 personnes a déjà en compte un millions Frw d’épargne.

« Quand la paix en RDC reviendra, nous vendons autre chose, et non pas le sexe. L’important est d’avoir un sponsor qui nous appuie », précise-t-elle.

De son côté, Dr Ikuzo de RBC fait remarquer que des tests volontaires sont organisés une ou deux fois par an pour voir l’état des infections du Sida et autres maladies en ce qui a trait à la prostitution transfrontalière.

Il a promis que les dix kiosques à condom dans le pays, placés sur des sites de forte affluences des prostituées, seront augmentés à des fins de réduire les nouvelles infections. RBC et ses partenaires se concertent pour réaliser ce vœu.

De même, la sensibilisation des jeunes dans le pays, entamées récemment, se poursuivra pour relever le niveau des connaissances dans la protection contre le Sida. C’est une voie pour baisser le rythme de nouvelles infections.

Au Rwanda, les chiffres actuels montrent que la prévalence du Sida chez les prostituées atteint 35,5 % alors qu’elle était de 45 % il y a 15 ans. Pour les Rwandais de 15 à 64 ans, la prévalence est de 3%, selon une étude récente. (Fin)