
Une partie de la Kibira dans le nord-ouest du Burundi où sont installés les rebelles rwandais © SOS Médias Burundi
Alors que la tension reste vive entre Bujumbura et Kigali, l’armée burundaise affirme avoir éliminé plus de 100 rebelles rwandais du FLN dans la forêt de la Kibira, à Cibitoke.
Selon le collectif SOS Médias Burundi qui livre cette information, cette vaste opération militaire a été menée après le refus des FLN de soutenir les troupes burundaises engagées en RDC contre la rébellion du M23.
L’armée burundaise a mené deux offensives d’envergure contre les rebelles rwandais du Front de Libération Nationale (FLN), retranchés dans la forêt de la Kibira, en commune Mabayi, province de Cibitoke. Ces opérations, qui se sont déroulées entre mars et début mai, ont coûté la vie à plus de 100 combattants du FLN, selon des sources militaires. Côté burundais, près de dix soldats ont également perdu la vie.
À l’origine de ces affrontements : le refus des FLN de rejoindre les forces burundaises déployées en République démocratique du Congo (RDC) pour combattre la rébellion du M23. Un commandant de l’opération indique que l’assaut a été soigneusement planifié après cette défection jugée comme une trahison.
« On a encerclé leur position dans la nuit. Ils étaient bien armés mais désorganisés. Nous avons utilisé l’effet de surprise pour les neutraliser », explique un capitaine de l’armée burundaise, basé à Kumuzungu, colline Gafumbegeti, zone Butahana, commune Mabayi.
Les combats les plus intenses ont eu lieu les 8 et 9 mars, puis durant le week-end du 3 au 4 mai 2025. Une trentaine de rebelles ont été capturés et transférés à Bujumbura pour interrogatoire. Plusieurs autres, blessés, ont été retrouvés dans la forêt.
« Certains se sont rendus dès les premières salves, d’autres ont combattu jusqu’au bout. On a aussi trouvé des blessés abandonnés par leurs camarades », confie un soldat.
Selon les autorités militaires, neuf fusils d’assaut Kalachnikov, deux pistolets automatiques ainsi qu’un stock de munitions ont été saisis. Les rebelles arrêtés affirment avoir quitté l’est de la RDC après avoir rejeté l’ordre de soutenir les FARDC (Forces armées de la RDC), appuyées par les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), les milices Wazalendo soutenues par Kinshasa, et quelque 10 000 soldats burundais.
Le président Évariste Ndayishimiye a confirmé sur France 24 que des troupes burundaises restent stationnées au Sud-Kivu, sans en préciser le nombre exact.
« Leur refus a été perçu comme une trahison. On leur avait donné un ultimatum, ils ont préféré fuir dans la Kibira », déclare un haut gradé burundais sous couvert d’anonymat.
À Mabayi, la population, régulièrement victime d’exactions attribuées aux FLN — vols, viols, rackets —, salue l’intervention mais demande un retour définitif à la paix.
« On a vu les corps dans la forêt, ça fait peur, mais on veut juste que ça s’arrête », témoigne une habitante de Gafumbegeti.
L’administratrice communale de Mabayi, Jeanne Izomporera, confirme l’ampleur de l’opération. Elle précise que les corps des rebelles ont été enterrés rapidement pour prévenir tout risque sanitaire.
« Nous saluons le travail de nos forces de défense. Les habitants veulent vivre en paix », affirme-t-elle.
L’armée burundaise promet de poursuivre les offensives jusqu’à l’éradication complète des groupes armés dans la région.
« Il n’y aura plus de sanctuaire pour les groupes armés dans la Kibira. C’est une promesse que nous faisons à la population », déclare le commandant en chef des opérations.
Cette campagne militaire s’inscrit dans un contexte de tensions persistantes entre le Burundi et le Rwanda. En janvier 2024, Bujumbura avait fermé ses frontières terrestres avec Kigali, accusant ce dernier de soutenir des groupes armés et de protéger les auteurs présumés du coup d’État manqué de 2015 contre le président Pierre Nkurunziza.
Par ailleurs, plusieurs figures influentes du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, ainsi que des administrateurs locaux — à l’instar de l’ex-administrateur de Mabayi, Nicodème Ndahabonyimana —, des responsables de la ligue des jeunes Imbonerakure, et des hommes d’affaires proches du régime, ont été arrêtés ces trois dernières années. Ils sont soupçonnés de collusion avec les FLN et les FDLR, deux groupes hostiles au régime rwandais.
Outre les combats, ces rivalités s’enracinent aussi dans des enjeux économiques, notamment le contrôle de l’or extrait illicitement dans la réserve naturelle de la Kibira, un territoire longtemps disputé.
Aujourd’hui, cette forêt, longtemps considérée comme un refuge pour les groupes rebelles, reste sous surveillance militaire accrue. Les autorités assurent qu’elles feront tout pour rétablir durablement l’ordre dans cette zone longtemps hors de contrôle. (Fin)