Affaire Rusesabagina: Le Ministre Biruta annule sa rencontre avec son homologue belge

Le chef de la diplomatie rwandaise Vincent Biruta et son homologue belge Sophie Wilmès

Vincent Biruta qui dirige la diplomatie rwandaise ne rencontrera pas son homologue belge, Sophie Wilmès, qui a critiqué ouvertement la condamnation à 25 ans de prison de l’opposant rwandais Paul Rusesabagina qui a aussi la nationalité belge. Une rencontre entre les deux Ministres était prévue cette semaine en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU à New York.

Paul Rusesabagina était poursuivi pour son soutien au Front de Libération Nationale (FLN), groupe rebelle accusé d’avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019. La Belgique par la voix de sa Vice-Première Ministre et Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, estime que Paul Rusesabagina n’a pas bénéficié d’un procès juste et équitable. 

Cette déclaration “reflète le mépris dont fait preuve le gouvernement du Royaume de Belgique envers le système judiciaire rwandais depuis le début de ce procès, malgré la contribution importante des institutions belges compétentes à l’instruction de cette affaire”, indique la diplomatie rwandaise dans un communiqué.

“Pour cette raison, une réunion bilatérale prévue au niveau ministériel, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York, n’aura plus lieu. Cependant, le gouvernement rwandais reste prêt à accueillir au Rwanda le Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères de Belgique à un moment opportun pour poursuivre le dialogue entre les deux pays”, indique en partie le communiqué qui poursuit en disant que les victimes des actes terroristes du FLN “ont autant droit à la justice que M. Rusesabagina et ses coaccusés”.

Dans sa réaction après le verdict, Sophie Wilmmès dit : “À l’aboutissement de cette procédure judiciaire et malgré les appels répétés de la Belgique à ce sujet, force est de constater que M. Rusesabagina n’a pas bénéficié d’un procès juste et équitable ; particulièrement en ce qui concerne les droits de la défense. La présomption d’innocence n’a pas été respectée non plus. Ces éléments de facto remettent en question le procès et le jugement”.

Sophie Wilmmès ajoute qu’un entretien avec le Ministre rwandais, Vincent Biruta, est prévu à New-York cette semaine, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies. “En attendant, la Belgique reste en contact étroit avec M. Rusesabagina”, conclu le communiqué.

La vie en rose(tenue des prisonniers au Rwanda). Le cauchemar de Paul Rusesabagina

Les Etats-Unis, qui ont décerné à Paul Rusesabagina la médaille présidentielle de la liberté en 2005, se sont dit aussi “préoccupés” par cette condamnation. Washington craint que Paul Rusesabagina,-qui détient un permis de résidence permanente aux Etats-Unis-, n’ait pas bénéficié d’un procès équitable.  “L’absence de garanties d’un procès juste remet en cause l’équité du verdict”, a indiqué  le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

Paul Rusesabagina dispose d’une notoriété mondiale depuis qu’un long-métrage hollywoodien – Hôtel Rwanda – a mis en lumière son action lors du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Selon le film, Paul Rusesabagina a sauvé la vie de plus de 1.200 personnes qui s’étaient réfugiés à l’Hôtel des Milles Collines à Kigali dont il était le gérant intérimaire en usant de son influence auprès des miliciens génocidaires. Mais le gouvernement rwandais conteste l’histoire de Paul Rusesabagina telle que présentée dans le film “Hôtel Rwanda” et l’accuse d’imposture.

Le 31 août, Paul Rusesabagina avait été présenté par la police menotté à Kigali alors qu’il vivait en exil depuis 1996 aux États-Unis et en Belgique. Les autorités rwandaises avaient alors affirmé qu’il était retourné de son propre chef au Rwanda. Ses soutiens avaient pour leur part affirmé que l’opposant avait été enlevé au cours d’un voyage à Dubaï, estimant qu’il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda où il se savait activement recherché.

Dans un vol en provenance des États-Unis, Paul Rusesabagina était arrivé le 26 août à Dubaï, d’où il avait embarqué six heures plus tard dans un jet privé. Il pensait alors se rendre au Burundi à l’invitation d’un pasteur, Constantin Niyomwungere, pour s’exprimer dans ses églises. Fin février, le gouvernement du Rwanda a admis avoir “facilité” ce voyage à l’issue duquel il a été arrêté à Kigali, en versant de l’argent à un homme dont l’identité n’a pas été révélée, présenté comme un ancien “complice” de l’opposant.

Depuis le 17 février, Paul Rusesabagina est jugé à Kigali, un procès qu’il considère inéquitable et auquel il a refusé de comparaître au bout d’un mois. Après qu’une demande d’ajourner le procès pour laisser à Paul Rusesabagina le temps de se préparer ait été rejetée en date du 5 mars,  le prévenu a informé la cour qu’il ne participerait plus à son procès en raison des violations de ses droits à un procès équitable.

Le 20 septembre 2021, Paul Rusesabagina a été condamné à 25 ans de prison.  Ses 20 coaccusés ont aussi été condamnés. Mais le tribunal a rejeté les allégations d’enlèvement ou de coercition en ce qui concerne la disparition forcée, entre le 27 et le 31 août 2020, et le transfert illégal de Rusesabagina au Rwanda. Les juges n’ont pas non plus abordé les allégations de mauvais traitements soulevées par l’accusé. (Fin).