Caravane Juridique à Busanza/Kicukiro : Les litiges fonciers et entre conjoints sont en grand nombre

Mme Yvette Mushimiyimana soumettant une requête à une fonctionnaire de la Caravane Juridique/RCN J&D

La majorité des vingt requêtes présentées lors de la Caravane Juridique dans la Cellule de Busanza, Secteur de Kanombe, district de Kicukiro, en ce 24 Mai 2022, sont liées aux conflits fonciers et entres conjoints. Au total, cinq cas liés au processus de divorce ont été enregistrés, tandis que d’autres litiges fonciers concernent des gens qui ont des documents attestant qu’ils sont propriétaires des terrains, alors que ceux-ci sont revendiqués par d’autres prétendants. 

« Ils concernent des gens par exemple qui sont mariés à une femme, alors qu’ils avaient une autre femme légale bien avant l’actuelle union », indique la Secrétaire exécutive de la Cellulle Busanza, Anne Uwera. 

Mme Yvette Mushimiyimana est mariée et mère de deux enfants. Elle est originaire de la cellule Kanzenze, Secteur Ntarama, district de Bugesera. Elle a préféré se déplacer pour soumettre son cas à la Caravane Juridique qui arrive à Busanza. Car, aucune autorité locale ne lui a donné une réponse satisfaisante lui permettant de jouir pleinement de ses droits sur une parcelle de 579 mètres carrés qu’elle a achetée à Joséphine Mujawamariya de Ntarama pour un prix de 1,5 millions Frw. C’était  en Août 2019.

Vue du public qui accueille la Caravane Juridique à Busanza

Quand Yvette s’est présentée dans le bureau du Secrétaire exécutif de Ntarama pour obtenir le droit de propriété sur la parcelle, le responsable local de Ibuka, association des Rescapés du Génocide des Tutsi, a fait une opposition, en disant que le frère de Joséphine Mujwamariya, ex-militaire décédé, a laissé trois orphelins qui ont droit sur la propreté. La parcelle ne peut être cédée sans leur accord.  

La vendeuse de la parcelle, Joséphine Mujawamariya, encore jeune fille non mariée et seule rescapée de la famille, proteste et signale, comme tout le village le sait, que son unique frère rescapé aussi, est décédé sans laisser d’enfants héritiers.

Le responsable d’Ibuka persiste et dit que ces trois enfants habitent le district de Ngoma et qu’ils étaient présents à l’enterrement de leur défunt père. Mujawamariya est sidérée par ce montage hideux et grotesque. Elle réclame que ces héritiers soient convoqués et qu’on établisse leur identité. Jusqu’aujourd’hui, ils ne se sont jamais présentés au village de Kanzenze.

En attendant que ces héritiers, peut-être fictifs, sortent de l’ombre, Mujawamariya propose au Secrétaire exécutif du Secteur Ntarama d’accorder des documents donnant droit de propriété aux quatre acheteurs de ses parcelles, dont Yvette. Elle promet qu’elle donnera des terres en guise d’héritage aux enfants héritiers dès qu’ils se présenteront. Elle signe même une lettre d’engagement que garde sur lui le Secrétaire exécutif du Secteur Ntarama, qui malheureusement, jusqu’à présent, n’a pas encore accepté de délivrer des documents de droit de propriété aux quatre acteurs.

Ne sachant à qu’elle saint se vouer, Yvette Mushimiyimana, décide de saisir la Maison d’Accès à la Justice (MAJ). Mais le responsable se contentera de faire retarder l’affaire, pendant qu’Yvette fait des aller et retour infructueux, multiples, de chez elle au bureau de la MAJ. Finalement, elle se rendra compte que la MAJ est aussi complice du Secrétaire exécutif du Secteur et du responsable d’Ibuka. Elle a alors décidé de saisir la Caravane Judicaire qui a conseillé de contacter le responsable de la gouvernance au niveau du district de Bugesera, comme échelon supérieur. 

Le constat est qu’il y a des gens au niveau local qui souffrent de ne pas avoir une information exacte sur l’organe qu’il faut saisir pour demander justice. 

C’est aussi le cas de cette dame de six enfants nommée Egidia Kandama, mariée, du village Byimana, Cellule Karama, Secteur de Kanombe. 

Sa situation de victime résulte de plusieurs causes complexes. Mais l’origine de ses malheurs est un environnement hostile où se cachent des individus non identifiés, orchestrant une série d’attaques multiples qui fragilisent cette seule rescapée d’une famille qui vivait dans la Province du Sud.

Kandama a bénéficié d’une première vache du Programme Girinka (ou Projet Une Vache par Famille vulnérable)  qu’elle a bien entretenue. Malheureusement, cette vache qui avait déjà une jeune veau, a été tuée par des individus qui lui ont fait avaler des clous et une grosse corde enduits d’acide, selon le constat établi publiquement par un vétérinaire local qui a déicidé qu’on enterre la vache, sans consommer sa viande, par souci de protéger la vie du consommateur éventuel.

Le Secrétaire exécutif réhabilitera Kandama et lui donnera une deuxième vache octroyée par le FARG (Fonds d’Assistance pour Rescapés du Génocide), et qui sera mise à mort de manière identique à celle utilisée pour faire disparaître la première vache. Le voisinage jaloux et haineux qui distille en cachette une idéologie du génocide est mis en cause.

Un jour, pendant que ses enfants reviennent de la commémoration du Génocide, un groupe non identifié de jeunes lance des jets de pierres qui blessent un des enfants de Kandama à la tête. RIB (Office d’Investigation) est saisi. Mais l’enquête ne mettra pas la main sur le malfaiteur. Peut-être pour n’avoir pas pu l’identifier.

Pour la victime Kandama, le voisinage est fait de certains individus non fiables, qui cherchent toujours à lui faire du mal et à faire peur. Seulement son mari, ex-militaire, lui, s’entend avec les voisins.

Kandama a eu la première grossesse suite à un viol des femmes tutsies pendant le Génocide. Elle considère que ceux qui la persécutent ressemblent aux jeunes issus des milices qui ont abusée d’elle. Elle pointe du doigt les autorités locales qui ne font rien pour lui assurer la paix et la sécurité sur elle-même, ses enfants et ses biens. 

Pendant que Kandama s’entretenait avec les journalistes qui couvraient la Caravane Juridique, un agent de la sécurité d’une station d’essence au centre de Busanza s’est approché des journalistes et il leur a dit que cette dame souffre de trauma et qu’il ne faut pas prêter attention à ses dires. Preuve que quelque chose se ligue contre la victime, qui sait pourtant se débrouiller. Elle arbore un gilet jaune à courtes manches que portent les agents MoMo de MTN. 

C’est elle qui fournir à manger et autres moyens de survie à son ménage. C’est une femme responsable. Mais qui a un problème dans son voisinage, que les Abunzi et les responsables du village doivent régler. Visiblement, son état de santé est bon. Elle semble robuste physiquement. 

La chargée de la Gouvernance au niveau du Secteur Kanombe a promis de recevoir Kandama pour trouver des réponses à ses préoccupations.

Pour Jean-Bosco Rutazibwa, un sage conciliateur de la cellule Busanza, les problèmes en instance de divorce sont en hausse dans le coin. Il parle d’un cas qu’il vient de recevoir :

«Je viens de recevoir une dame veuve originaire de Ruhango. Elle a partagé la vie avec son conjoint pendant 15 ans. Mais ils n’ont pas eu d’enfant. Ils n’ont fait de contrat ni de mariage civil, ni de mariage religieux. Mais les deux époux vivaient en bonne entente. Actuellement, après la mort du mari, le beau-père de la femme veut chasser celle-ci des biens du ménage, sous prétexte que cette femme a vécu dans une union illégale, et qu’elle n’a même pas donné d’enfants. A quelle juridiction doit se présenter la femme lésée pour réclamer un minimum de droits ? La Caravane Juridique doit régler ce genre de questions, fournir des orientions aux victimes », fait remarquer Rutazibwa, qui souhaite que la Caravane Juridique vienne de temps en temps dans leur secteur. (Fin)