« Dans les pays des Grands Lacs, il y a des gens qui font tout pour faire triompher ce qu’il y a d’humanité » – Charles Ndayiziga/Interpeace

Le Directeur régional d’Interpeace, Charles Ndayiziga

Face aux violences et à l’idéologie extrémiste qui sévissent dans la Région des Grands Lacs, l’ONG Interpeace par son programme transfrontalier par l’Union Européenne (UE) actif au Rwanda, au Burundi, en Ouganda et en RDC, a animé un atelier pour 60 jeunes issus de ces pays, et qui sont déterminés à répandre la solidarité au sein de la région. 

Le Directeur régional d’Interpeace, Charles Ndayiziga maintient l’espoir pour la région : 

 « Il y a interpeace dans chacun des quatre pays de la région, Burundi, Rwanda, Uganda, RDC. L’atelier de 60 participants est organisé à Kigali dans le cadre d’un programme transfrontalier qui crée des liens, des ponts entre les jeunes et les populations de ces pays. Créer des ponts parce que les liens ont été brisés par l’histoire. Une histoire commune qui n’a pas toujours été bonne, qui a séparé les gens, qui a laissé des séquelles et des traumatismes. Nous avons des stéréotypes identitaires qui érigent des barrières mentales, psychologiques, idéologiques. Des perceptions erronées sur les autres qui ne sont pas semblables. Nous avons ce passé-là, et ce présent-là. Alors, il faut faire émerger ce qui nous réunit, ce qui fait que nous sommes les mêmes, cette solidarité et cette interdépendance qui existent, et qui ne sont pas une invention, avec des gens qui circulent, on peut même les voir tous les jours, d’un sens à l’autre », a-t-il indiqué.

L’atelier de Kigali organisé par Interpeace sur la Paix durant cinq jours du 10 au 14 Décembre 2023 aura un impact sur plus de communautés de la région.

« L’atelier note les perceptions que les communautés de la région ont sur les autres au niveau des quatre pays du Burundi, Rwanda, Uganda, et DRC. L’on a une mauvaise perception sur une personne dont on ne partage pas les origines.  Notre histoire troublée ne s’oublie pas, et elle nous influence dans ce manque de confiance en l’autre que l’on perçoit comme un étranger. On ne parvient pas à se convaincre que cet autre a aussi de l’humanité. On voit en lui l’incarnation du mal. Et cette idéologie est enseignée. Ainsi sont nées et se sont propagées les divisions », dit-il.

Ndayiziga souligne que quand on a compris ce processus, l’on peut commencer à aider les autres à vivre ensemble en paix.

« Notre vœu est que les gens se rencontrent, échangent, dialoguent et vivent en paix. Comme les participants à cet atelier régional initié depuis deux ans. Auparavant, ils affichaient une méfiance réciproque. Maintenant, ils se lancent des invitations réciproques pour sortir ensemble, ou pour des visites en famille. Le souhait est que quelqu’un vive sa vie, en gardant sa propre identité, en se liant d’amitié avec les autres. Les participants à cet atelier ont atteint cet objectif », indique-t-il.

L’important est que les TV, radios, médias sociaux et plateformes, de telles bonnes pratiques soient vulgarisées et changent de mauvaises perceptions dans les pays des GL. L’expérience des participants à cet atelier est un modèle et une inspiration de référence pour rapprocher les populations de la région par le business et le commerce. L’atelier incarne les meilleures pratiques qui ne peuvent ni s’éteindre, ni s’altérer. L’amour et l’entente entre les gens se répandent toujours. Et c’est dans cette voie que le bien triomphe du mal, toujours selon le Directeur régional d’Interpeace. 

Le but de la rencontre est de déconstruire des manipulations, les stéréotypes dégradants, de valoriser les autres, et arriver à les découvrir.

Et après, l’on peut parler des autres personnes telles qu’elles sont, puis arriver ӑ cette identité et cette citoyenneté, faire de sorte que le pays, la région, soient tels que les jeunes voudront qu’ils soient, c-à-d que les gens peuvent vivre paisiblement, peu importent leurs différences.

Pour Ndayiziga, l’espoir est toujours là :

« Ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes aujourd’hui qu’il n’y a pas des signes positifs qui montrent que ce lien-là est incassable. Ce lien est là. C’est la résilience que nous cherchons. Les conflits font partie de la vie humaine. L’essentiel est de transformer ces conflits, arriver à quelque chose de positif, éviter que ces conflits débouchent sur des violences et des exclusions », ajoute-t-il.

Dans cette région, notamment en RDC, il y a la haine qui a atteint son paroxysme. On tue une personne à cause de son faciès, de son ethnie, mais aussi on la brûle, on la mange, il y a des actes d’une barbarie et d’une sauvagerie inimaginable. Interpeace s’attaque à la propagation de telles idéologies.

« Si on commençait à faire l’inventaire de tous les crimes abjects que nous avons connus dans nos pays, on s’écarte de notre rôle. On ne veut pas être l’otage du passé. On veut mettre en valeur ce qui est positif dans notre pays.

Et il y a du positif dans nos jeunes. Il faut faire ressortir ce qu’on ne voit pas. Il y a eu des scènes de violence qu’on connaît, et d’autres peut-être qu’on ne connaît pas. Je peux vous assurer que dans tous les pays, il y a des gens qui font tout, parfois au risque de leur sécurité personnelle, pour faire triompher ce qu’il y a d’humanité dans tous les pays des Grands Lacs, sans aucune distinction des frontières », a encore noté Ndayiziga.

Des remarques ont été faites, mettant en cause certains responsables de la Région des Grands Lacs, pour leur rôle dans la propagation de la haine.

Interpeace interpelle ces responsables à faciliter l’initiative des jeunes et d’Interpeace, et qu’ils y prennent même part aussi.

« Que ces responsables autorisent la mobilité des jeunes dans la région, qu’on les laisse échanger entre eux. Notre vœu est que les jeunes s’expriment eux-mêmes et propagent la concorde. Ils sont déjà leaders actuels et de demain, notre rôle étant de les encadrer. Ces jeunes étaient à Bukavu, Goma et maintenant Kigali. Ils répandent de bons messages partout », poursuit Ndayiziga.

Le Directeur régional d’Interpeace reconnaît que le combat est encore long et âpre. « Beaucoup de choses doivent encore changer. Mais demain sera meilleur qu’aujourd’hui. L’important est d’éduquer dès le jeune âge. Un enfant qui grandit et qui porte en lui la meilleure semence de la paix saura la répandre partout où il passera », conclue-t-il. (Fin)