Face aux violences basées sur le genre au Rwanda, redonner le goût de l’avenir

Comment prévenir les violences basées sur le genre, l’âge et le handicap et permettre aux survivantes de se reconstruire ? Au Rwanda, le projet Reka vise notamment à fournir des soins mieux coordonnés en impliquant les acteurs des communautés, et accompagne les personnes suivies par le jeu, les arts et le sport.

« Reka » signifie « stop » en kinyarwanda. Stop aux violences, qui restent très préoccupantes au Rwanda : selon une enquête nationale de 2017, 37 % des jeunes femmes ont déclaré en être victimes. Les violences touchent davantage les femmes et les filles en situation de handicap, qui sont jusqu’à dix fois plus à risque d’en subir.

Lancé fin 2022 dans les districts de Kirehe (province de l’Est) et celui de Rutsiro (province de l’Ouest), le projet Reka vise à lutter contre ces violences en renforçant la prévention, les soins et la résilience des personnes accompagnées. Il leur propose notamment un suivi médical et juridique et utilise le jeu, le sport et l’expression artistique pour leur permettre de s’exprimer et de se reconstruire. Via des activités ludiques, des jeux à thème orientés vers la sensibilisation et des débats, les enfants extériorisent leur ressenti, interagissent avec les autres et regagnent confiance progressivement.

Rendre les victimes actrices du projet

Les « victimes » ou « survivantes et survivants » de violences, souvent perçues comme des personnes vulnérables, sont impliquées dans les activités du projet, en tant que bénéficiaires et acteurs principaux, pour changer les mentalités au sein de leur communauté et améliorer les réponses aux violences. Des intervenants sont mobilisées pour appuyer ce processus de changement.

Dans le cadre du projet Reka, 72 volontaires communautaires ont été formés à l’accompagnement de survivantes de violences basées sur le genre. 

« Grâce aux sessions de formations du projet Reka sur le processus des violences faites aux enfants handicapés, mes collègues et moi avons commencé à faire des sensibilisations dans leurs communautés à travers les réunions communautaires (Inteko z’Abaturage) ; à faire le référencement au Isange One Stop Center, qui offre une prise en charge psychosociale, médicale et juridique aux victimes ; et à accompagner les jeunes filles tombées enceintes dans un processus de réintégration. Aujourd’hui, j’accompagne quatre filles qui ont été initiées aux activités de couture dans le cadre de la réintégration socio-économique », Innocent Tuyisenge, agent de santé communautaire, district de Kirehe.

Par ailleurs, 40 accompagnants scolaires ont été formés en matière de protection des enfants contre les violences et sont initiés à la sensibilisation à travers le jeu et le sport. Ces accompagnants, à leur tour, transmettent leurs pratiques aux six « clubs de protection » créés dans les écoles (primaires et secondaires) afin de rendre le milieu scolaire plus sûr pour les enfants.

Donner la parole aux enfants, notamment pour les plaidoyers

Aussi bien dans les communautés (via des « comités consultatifs ») que dans les écoles, les enfants sont encouragés à participer au suivi et à l’évaluation du projet Reka, mais aussi aux actions de plaidoyer, au niveau local et national, avec les décideurs politiques.

Après six mois de mise en œuvre du projet dans le district de Kirehe, Chantal, 19 ans, exprime sa joie de retrouver les bancs de l’école : « En 2022, à l’âge de 17 ans, je suis tombée enceinte suite au viol que j’ai subi. Ma mère a tout fait pour que mon agresseur soit arrêté, mais il a quitté le pays. Ma mère s’est alors fâchée contre moi et m’a chassée de la maison. Mon enfant n’avait été accepté nulle part ni enregistré légalement par l’état civil. 

Depuis lors, j’étais mélancolique, très angoissée, je pensais que ma vie n’avait plus de sens. Je m’accusais beaucoup ! Ma famille et mon voisinage me traitaient de prostituée. Je me suis retrouvée totalement isolée et je n’avais aucune information sur mes droits ni ceux de mon fils. 

Avec le projet Reka, je me suis sentie écoutée. J’ai appris que je ne suis coupable de rien ; que je suis plutôt victime et qu’il y a des droits en faveur des enfants. Pour réclamer ces droits, j’ai été accompagnée par un agent du projet Reka et une procédure judiciaire est en cours. 

J’ai eu la chance de représenter mes pairs dans le comité consultatif des enfants. C’est lors de notre première rencontre que j’ai constaté qu’il était possible de retourner à l’école. J’ai été encouragée par les professionnels du projet et j’ai pris la décision de retourner à l’école, avec une détermination ferme de terminer mes études pour une meilleure vie future. Au sein de l’école, je fais partie du club de protection et je suis active pour conscientiser mes pairs sur les enjeux de violence à leur égard. 

Du côté de ma famille, ma mère fait partie également du groupe de partage des parents pour une éducation sur la parentalité positive. Après les formations sur les violences et les droits des enfants, elle m’a soutenue pour retourner à l’école et s’occuper de son petit-fils, même si elle doit aussi travailler. 

Je suis très contente, j’arrive à me projeter dans l’avenir car je suis bien informée sur mes droits et j’ai déjà commencé un nouveau combat de vie pour mon avenir et celui de ma famille tout entière ».

Reka est un projet mis en œuvre par Handicap International/Humanité & Inclusion, Play International et Caritas et cofinancé par le dispositif Initiatives OSC de l’AFD.[ Source : AFD].