«Il faut qu’on donne une dimension irréversible à cette relation de construire un bon futur entre le Rwanda et la France» -Hervé Berville

Le Ministre Hervé Berville en photo avec les élèves des Lycées français Blaise Pascal et rwandais BLue Lake, ainsi que le personnel de l’Ambassade et du CCF, tous venus pour Kwibuka30

Le Ministre français de la Mer et de la Biodiversité, Hervé Berville, fait partie de la délégation française présente au Rwanda pour la 30ème Commémoration du Génocide des Tutsi du Rwanda. Il est d’origine rwandaise. Evacué par un militaire français vers la France en plein Génocide alors qu’il a quatre ans, alors que les siens ont été massacrés, Berville est adopté par une famille bretonne qui lui donne les capacités de bon leader qui devient parlementaire, puis Ministre apprécié par le Président Macron. Pour Berville, il faut qu’on donne une dimension irréversible à cette relation de construire un bon futur entre le Rwanda et la France. Lire son interview à André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI).

Le  Ministre Hervé Berville

ARI – Le Président Emmanuel Macron incarne le bon sens, la raison, l’humanité et le bon futur. Alors qu’il y a 30 ans, la France de Mitterrand avait opté pour l’extermination du Tutsi par la machette. Peut-on espérer que cette politique initiée par Macron dans ses rapports avec le Rwanda actuel se poursuivra quand il aura quitté le pouvoir ?

H.B. – Merci pour votre question parce que c’est une question fondamentale. Au fond, c’est la pérennité et la continuité d’un certain nombre de politiques. C’est pour cela que je disais aux jeunes tout à l’heure. Ce que nous souhaitons avec le président Emmanuel Macron qui a été très, très courageux, qui est venu aussi ici après un autre président qui a été aussi courageux, Nicolas Sarkozy, qui a été le premier à parler aussi d’erreur. Mais vraiment le Président Macron a vraiment fait ce travail d’histoire, de mémoire et de reconnaissance de responsabilités de la France dans le génocide contre les tutsi. C’est ce que je vous disais, pour que ça puisse continuer, il faut qu’on donne une dimension irréversible à cette relation. C’est-à-dire que ce qu’on enclenche maintenant, il ne puisse plus y avoir tel ou tel décideur politique qui revienne en arrière, parce que ça sera une évidence. Et c’est une évidence que nous devons reconnaître des responsabilités dans le mécanisme de ce génocide des Tutsi. Et c’est une évidence que nous devons ouvrir les archives et c’est ce que nous avons fait et qui a permis un travail avec un rapport vraiment très éclairant sur les liens et les différentes coopérations entre la France et le Rwanda avant le génocide, et ensuite au fond l’attitude de l’ensemble des dirigeants politiques français après ce génocide, malgré ce qui s’était passé et les atrocités de cette période-là. Et puis c’est aussi une évidence. C’est pour cela qu’il faut rendre irréversibles les relations et ce rapprochement entre ces deux pays. C’est une évidence qu’il faut continuer à poursuivre sans relâche les génocidaires. Il faut continuer notamment en Europe avec ce travail de justice, avec des moyens. C’est ce que nous avons fait depuis 2019 dans la justice française, d’être en capacité de les juger le plus rapidement que possible. Et puis faire ce travail de transmission avec aussi les plus jeunes comme aujourd’hui pour montrer vraiment qu’un génocide, c’est une mécanique implacable, qui est préparée et il y a des responsabilités et nous devons à la fois les établir et les mettre en lumière.

Le  Ministre Hervé Berville dans un selfie avec ces lycéens.

ARI – Justement quand les responsabilités sont établies et que la France officielle est reconnue comme coupable, comment votre gouvernement envisage-t-il le devoir de réparation envers les victimes ?

H.B. – Je crois que l’exemple de ce qui s’est passé dans le travail de reconstruction, de réconciliation au Rwanda est un exemple qu’on doit réfléchir différemment. …réparation pour telle ou telle autre chose. C’est un travail de pardon, c’est un travail de reconnaissance. C’est ce qu’attendent les rescapés, c’est ce qu’attendent les familles des victimes, c’est ce qu’attendent le citoyen français, le citoyen rwandais, C’est un travail de vérité, c’est un travail de lucidité, c’est un travail au fond de se tourner aussi vers l’avenir. C’est ce que nous faisons avec les jeunesses. C’est ce que nous faisons avec le Président Kagame dans la coopération ici dans le domaine de l’éducation, de la santé, du sport, de la coopération militaire. Bref, le passé doit, avec un regard lucide, reconnaître ses torts. C’est cela grandir son pays. Et c’est ce que fait le Président de la République Emmanuel Macron.  Mais ça doit nous conduire comme vous l’avez fait au Rwanda à des actions innovantes qui se tournent vers le futur pour éviter que ça se répète, et l’on doit tirer toutes les leçons. (Fin)