LE 20 AVRIL 1994: LA MISE EN OEUVRE DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSI À TRAVERS TOUT LE PAYS

C’est le 20 avril 1994 que  la reine Rosalie Gicanda(photo) a été tuée

By BIZIMANA Jean Damascène*

Le 20 avril 1994, le gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre leur plan d’extermination des Tutsi dans toutes les régions du pays. Dans le cadre de continuer à rappeler l’histoire du Génocide, voici ci-après le rappel des principaux sites de massacres de Tutsi qui ont été commis le 20 avril 1994.

1.     Le Président Theodore Sindikubwabo et le gouvernement génocidaire ont continué à inciter la population Hutu à exterminer les Tutsi

Le 20 avril 1994, celui qui était le Président du gouvernement génocidaire s’est rendu dans les Communes Ndora et Shyanda dans Gisagara pour inciter les Hutu à exterminer les Tutsi. Ce jour, dans la ville de Butare, le Préfet Nsabimana, qui avait été investi la veille, a organisé une réunion des responsables locaux à la préfecture pour planifier la mise en œuvre du Génocide dans la Préfecture de Butare.

2.     L’assassinat de la reine Rosalie Gicanda dans la ville de Butare

Le 20 avril 1994, la reine Rosalie Gicanda a été tuée. C’est le Capitaine Ildephonse Nizeyimana, qui était en poste à l’Ecole des Sous-officiers (ESO), qui a donné l’ordre de la tuer. Pendant le Génocide, Nizeyimana a organisé et coordonné les massacres avec d’autres militaires dont le Lieutenant-colonel Muvunyi Tharcisse et les militaires du camp de Ngoma qui était dirigée par le Lieutenant Ildephonse Hategekimana, et avec la gendarmerie dirigée par le Major Cyriaque Habyarabatuma, et avec les Interahamwe.

Le Capitaine Nizeyimana a donné l’ordre a des militaires de tuer la reine Rosalie Gicanda. Des militaires, dont le Lieutenant Bizimana alias Rwatsi, le Lieutenant Gakwerere, le Caporal Aloys Mazimpaka, et le Dr Kageruka, se sont rendus au domicile de la reine près du bureau communal de Ngoma; ils y ont trouvé d’autres personnes, toutes menacées et les ont tuées sauf une personne, Uzamukunda Grace, qui a pu survivre et qui a pu donner des nouvelles de l’assassinat de la reine Rosalie Gicanda et les personnes qui se trouvaient chez-elle. Il s’agit de: Jean Damascène Paris, Marie Gasibirege, Aurelie Mukaremera, Callixte Kayigamba et Alphonse Sayidiya.

Le Capitaine Nizeyimana et le Lieutenant-colonel Muvunyi ont été condamnés pour crime de génocide, respectivement à 35 ans de prison et à 15 ans de prison par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).

3.     Massacres de Tutsi à l’église de Mugombwa, Gisagara

Entre le 19 et le 20 avril 1994, se sont réfugiés à l’église de Mugombwa, en District Gisagara, des Tutsi venus des anciennes Communes Muganza et Kibayi, de Nyaruhengeri, ceux qui habitaient la Colline Nyange près de la rivière Kabogobogo. Le curé italien de cette  église, Titiano Pagolalo, a enfermé les Tutsi dans l’église, a mis des cadenas sur toutes les portes et a confié les clés à un commerçant tueur du centre de Mugombwa du nom de Byiyingoma. Les Interahamwe et les militaires sont arrivés, ont forcé et ouvert les portes de l’église en utilisant fusils et grenades, et y ont mis le feu avec de l’essence.

A la Paroisse de Mugombwa ont été tués près de 26,700 Tutsi. Ceux qui ont dirigé les massacres dans cette localité sont Ndayambaje Elie, Bourgmestre de la Commune Muganza, Singirankabo, Conseiller, Rwakaronkano,  Byiyingoma, Bigirimana Petero, Responsable de cellule, Mukundiye Yohani, chef des Interahamwe, Kabirigi Antoine, Habiyambere Céléstin, Mbarushimana Emmanuel, Munyaneza Théobald et d’autres.

Il y avait également dans la Cellule Saga, un camp de réfugiés burundais qui eux aussi ont pris part aux massacres de Tutsi de Mugombwa. Ces réfugiés burundais, qui ont participé à l’exécution du Génocide, étaient assistés par un Frère de la Charité belge du Groupe scolaire de Butare, appelé Constant Julius GOETSCHALCKX alias Frere Stan. Celui-ci était l’ami du Bourgmestre Ndayambaje et de Nyiramasuhuko et s’est même rendu en 2008 à Arusha pour témoigner devant le TPIR à décharge en faveur de ces derniers. Le Frère Stan a collaboré avec les génocidaires pour massacrer les réfugiés Tutsi qui se trouvaient dans l’église de Mugombwa.

En juillet 1994, le Frère Stan a quitté le Rwanda et s’est rendu à Kigoma en Tanzanie où il a créé une école pour les réfugiés rwandais dans laquelle il accueillait aussi ses amis du régime génocidaire. Le rapport des experts de l’ONU qui a été publié le 29 novembre 2009 (S/2009/603) a indiqué que Frère Stan est l’un des religieux qui continuait d’apporter une aide et une assistance financière importante aux FDLR dans son plan de déstabilisation du Rwanda, et que les fonds accordés ont permis aux FDLR d’acheter des armes importants.

Elie Ndayambaje a été condamné à 47 ans de prison par le TPIR.

4.     Massacres de Tutsi à Busekanka, Secteur Nkanka, Rusizi

Busekanka est situé au lac Kivu, à l’endroit où il y avait un embarcadère d’où partaient les embarcations vers l’ile Nkombo et la République Démocratique du Congo (RDC). Y ont été tués des Tutsi qui voulaient fuir vers la RDC, tandis que d’autres étaient enlevés de leurs domiciles et   amenés sur les rives du Kivu pour y être tués. A cet endroit il n’y avait pas de barrière, mais quand les Interahamwe apercevaient des Tutsi qui fuyaient, ils battaient le rappel et descendaient vers le Kivu pour les intercepter.

A Busekanka, les premiers Tutsi ont été tués le 20 avril 1994 et ont continué à l’être jusqu’à fin mai 1994. Les Interahamwe de la localité tuaient les Tutsi de la  façon la plus atroce, certains avaient les jambes et les bras ligotés et étaient jetés dans le lac Kivu, d’autres avaient les jambes coupées, étaient énucléés et jetés dans le lac Kivu encore vivants,  et mourraient sous les yeux des tueurs qui se délectaient du “spectacle”.

5.     Massacres de Tutsi à RUTABO, qui fut appelé CND, Secteur KINAZI, Ruhango

A cet endroit avait été creusée une très grande fosse dans laquelle étaient jetés les Tutsi qui venaient d’être tués, ou encore vivants. Cette fosse a été creusée près de l’école primaire de Rutabo, à l’initiative de l’enseignant Nsabimana Jacques qui était président de la CDR en Commune Ntongwe, et qui disait que c’était une fosse latrine.

Les Tutsi qui ont été tués sur le terrain de l’école étaient venus des Communes Ntongwe, Mugina, de Bugesera et d’ailleurs. Apres avoir été tués ils ont été jetés dans la fosse, avec ceux qui l’avaient été sur différentes barrières et aux alentours. Cette fosse a été appelée CND, les victimes étaient dites rejoindre leurs frères Inkotanyi. Ils ont  été tués par des gendarmes, des Interahamwe et des réfugiés Burundais du camp de Nyagahama.

Parmi les tueurs qui ont participé aux massacres il y a le Bourgmestre de la Commune Ntongwe, KAGABO  Charles et le président de la CDR NSABIMANA Jacques, et d’autres.

6.     Massacres de Tutsi à l’église catholique de Nyumba, Commune Gishamvu, Butare

A Gishamvu il y avait la Paroisse de Nyumba, le Grand Séminaire de Nyakibanda, la Commune Gishamvu et la Sous-préfecture Busoro. Jean Kambanda, le Premier Ministre du gouvernement génocidaire était originaire de cette localité. S’y sont réfugiés des Tutsi qui étaient venus des Communes Kigembe, Runyinya, Nyakizu, Rwamiko, Mubuga et Gishamvu, qui furent tués sous le feu de pièces d’artillerie lourde qui tiraient sur eux à partir des collines sur les hauteurs de Nyakibanda. Entre 25,000 et 30,000 Tutsi y furent tués.

Parmi les tueurs il y avait Kambanda Pascal, Bourgmestre de la Commune Gishamvu, Simbarikure Assiel Sous-préfet de Busoro, Nzavugejo Pierre Célestin, Assistant médical au centre de santé de Busoro, Kubwimana Laurent, enseignant au Groupe Scolaire,  qui a été investi Sous-préfet pendant le Génocide, Nshimiyimana Alexis originaire de Gisenyi et agent du MINITRAPE, Iyamuremye Vianney  qui a fait fabriquer de petites haches qu’il a distribuées à la population, Gatabazi Evariste chauffeur à la commune, Kubwimana alias Cyuma, Conseiller de Gishamvu, Nyamwasa Joseph, policier à la Commune Gishamvu, Ushizimpumu Jean, Conseiller du Secteur Shori, Namahungu Martin, gardien de nuit au bureau de la Poste, Murara Gabriel médecin à Butare, des Batwa  dirigés par TABARO et qui sont venus de Shari, Barirwanda Marc, agent de la Banque de Kigali et son petit frère Ndayisenga Samuel. Sekimonyo a tué de nombreux Tutsi avec son fusil.

Au Grand Séminaire de Nyakibanda, ont été tués des prêtres et des séminaristes Tutsi, et ceux qui s’y étaient réfugiés. Parmi les responsables de ces massacres il y a le Père Thaddée Rusingizandekwe, originaire de Kibeho et qui enseignait au Grand Séminaire de Nyakibanda.

7.     Massacres de Tutsi à l’ADEPR Shagasha, Gihundwe, Cyangugu

L’église ADEPR Shagasha était fréquentée par de nombreux chrétiens dont de nombreux Tutsi, raison pour laquelle ceux-ci s’y sont réfugiés. Les Tutsi qui s’y sont réfugiés étaient des femmes et des enfants car les hommes craignaient d’y être tués.

Dans cette Eglise s’y sont réfugiés quelques 60 femmes et enfants, à partir du 11 avril 1994, quand les Tutsi ont commencé à être tués et leurs maisons incendiées.

Le 20 avril 1994, un groupe de tueurs, qui venait de tuer à Nkanka, arriva avec de l’essence pour les bruler vifs à l’intérieur de l’église, mais heureusement ils n’ont pas pu utiliser celle-ci parce qu’elle a été déversée sur le sol par accident. Ils tuèrent sans pitié les réfugiés Tutsi de l’église.

                       CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et mis en œuvre par l’Etat rwandais. Les Massacres des Tutsi à partir du 7 avril 1994 au matin, en même temps et à travers tout le pays, est la preuve que le plan du Génocide avait été préparé par l’Etat. (Fin).

* Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)