LE 26 AVRIL 1994: LA MISE EN OEUVRE DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSI*

By Dr Jean-Damascène Bizimana;

Kigali: A cette date du 26 avril 1994, le gouvernement génocidaire continuait à mettre en œuvre leur plan d’extermination des Tutsi, voici ci-après le rappel des principaux massacres de Tutsi qui ont été commis le 26 avril 1994.

1. Massacres de Tutsi à la Paroisse de Mugina, Kamonyi

La Paroisse de Mugina est située dans la Cellule Mbati, Secteur Mugina, District Kamonyi. Pendant le Génocide, de nombreux Tutsi venant de différents endroits dont Bugesera, Ville de Kigali, Kigali-Ngari et de Communes voisines de la Commune Mugina, se sont réfugiés à la Paroisse de Mugina. Les réfugiés Tutsi étaient si nombreux qu’ils pensaient qu’ils pourront se défendre le moment venu. Ils se sont défendus lorsqu’ils ont commencé à être attaqués,  mais ils y ont été aidés par le Bourgmestre de la Commune Mugina, Ndagijimana Callixte, qui s’opposait aux actes de violence qui visaient les Tutsi. Le Bourgmestre Ndagijimana a en effet réuni des jeunes gens Hutu et Tutsi, et des policiers, et leur a promis de les rémunérer s’ils résistaient aux attaques sur la Paroisse des tueurs qui venaient de Mbati, Mukinga, Jenda et ailleurs.

Ngiruwonsanga Onesphore alias Gitaro, un ancien Bourgmestre de la  Commune Mugina, a organisé une réunion au cours de laquelle il ordonna de couper l’approvisionnement en eau des réfugiés, car, selon lui, on ne peut tuer un serpent qu’après l’avoir affamé et assoiffé. Ils ont bloqué toutes les issues par des barrières, et ont amené des chiens pour éventuellement les aider à traquer les réfugiés; ceux-ci n’avaient plus le moindre passage pour sortir pour aller chercher de la nourriture. Affamés, ils ont pris la décision de se nourrir de la viande de vaches qu’ils avaient amenées avec eux.

Les attaques se sont succédé, certaines d’entre elles étaient dirigées par Ngiruwonsanga, d’autres par Kanyanzira. Ils ont d’abord tué, à Ntongwe, le Bourgmestre Ndagijimana Callixte.  Ils ont ensuite appelé en renfort des réfugiés burundais du camp de Nyagahama, à Kinazi, pour venir aider à tuer les Tutsi. Près de 14 véhicules transportant des militaires et des Interahamwearmés, arrivèrent sur le site; d’autres tueurs sont également venus de Kabugondo, Ngoma, Runda et ailleurs. Les massacres ont redoublé d’intensité le 25 avril 1994 mais les Tutsi furent exterminés le 26 avril 1994.

Ceux qui s’étaient réfugiés à la Paroisse ont été tués à l’aide de différentes armes, fusils, grenades et les armes traditionnelles qu’utilisaient les tueurs parmi les citoyens ordinaires: machettes, piques, pierres et autres. Parmi ceux qui ont participé à ces massacres, il y avait notamment le Major KARANGWA Pierre Claver, NGIRUWONSANGA Onesphore, KANYANZIRA et d’autres.

Le Major Karangwa a fui aux Pays Bas et n’a, jusqu’ici, jamais été poursuivi en justice.

2. Massacres de Tutsi à l’ISAR Rubona (RAB), Huye     

Avant le Génocide, l’ISAR Rubona était situé en Commune Ruhashya. De nombreux Tutsi venant de Gikongoro, Maraba, Ruhashya, Rusatira, Mbazi et Mugusa,  s’y sont réfugiés ; ils furent rassemblés sur le Mont Rubona en très grand nombre. La plupart étaient interceptés à la Commune Mugusa sur le chemin vers le Burundi où ils voulaient se réfugier, ils étaient ramenés en arrière à l’ISAR Rubona. Des employés de l’ISAR s’y étaient également réfugiés. Les tueurs qui les ont massacrés sont venus de toutes ces communes, ils pourchassaient les Tutsi de leurs localités qui s’y étaient réfugiés, les tueurs venaient d’exterminer les Tutsi des Communes Ruhashya et Mbazi à Byiza.

Le 26 avril 1994, vers 9h du matin, des groupes de tueurs ont attaqué les Tutsi, sifflets et hurlements à l’appui, ils y ont rencontré des gendarmes, militaires et policiers communaux, ils ont ensemble tué les réfugiés, durant toute la journée et toute la nuit.

Le 27 avril 1994, le Préfet de Butare, Nsabimana Sylvain, est venu à l’ISAR et a demandé aux tueurs d’arrêter les massacres et de retourner dans leurs foyers. Ce jour, les Tutsi qui respiraient encore ont été amenés à Gakera en dessous du Mont Rubona,où ils ont construit des abris de fortune avec du bois et de l’herbe, ils ont également creusé des latrines, ils croyaient qu’ils ne seraient enfin plus tués. Mais, le 2 mai 1994, les tueurs sont revenus et les ont tous exterminés.

Ceux qui ont planifié et mis en œuvre le Génocide perpétré contre les Tutsi à l’ISAR Rubona sont Ntahontuye Ndereyehe Charles qui en était le Directeur, Mulindangabo Joseph, chef de station de Rubona, Mugemana Didace, Chef du Personnel qui avait dressé la liste des employés Tutsi de l’ISAR qui devaient être tués, Ntunda Jacques, Rutunga Venant, Mukuralinda Aloys, Ndayizigiye alias Ajida, Musabyimana Thaddée, Nsengiyumva Innocent, commerçant. Leurs consignes ont été exécutées par des Interahamwe des plus extrémistes qui étaient dirigés par Ruhoryongo, Kanyeperu, Nyangezi et d’autres. Il n’est pas facile d’évaluer le nombre de Tutsi tués à l’ISAR Rubona, cependant le nombre des membres Tutsi du personnel qui y ont été tués est évalué à environ 70 personnes, massacrées  avec leurs familles. Les corps des victimes mises a mort à l’ISAR Rubona n’ont pas encore pu être tous récupérés pour être inhumés dans la dignité, et seulement près de 120 corps reposent au mémorial du Génocide de l’ISAR Rubona.

Ndereyehe Ntahontuye Charles a une grande responsabilité dans la mise en œuvre du Génocide  l’ISAR Rubona, et il continue aujourd’hui, à partir de la Hollande où il s’est réfugié, à nier et minimiser le Génocide perpétré contre les Tutsi

Ndereyehe Ntahontuye est originaire de la Commune Cyabingo dans l’ancienne Préfecture Ruhengeri ; en 1992, avec d’autres intellectuels extrémistes parmi lesquels il y avait Nahimana Ferdinand, Dr Rwamucyo Eugène, Dr Nshimyumuremyi Jean Berchmans et d’autres,Ndereyehe a cofondé et dirigé un groupe de malfaiteurs appelé « Cercle des Républicains Progressistes » qui a notamment incité les étudiants de l’Université à Butare et Nyakinama à planifier le Génocide.

Ndereyehe a d’abord été membre du parti MRND du Président Habyarimana. Mais en 1992, il a quitté le MRND et a participé à la création du parti d’extrémistes Hutu,  Coalition pour la Défense de la République (CDR), qui a eu une grande responsabilité dans la mise en œuvre du Génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Ndereyehe a commencé à mettre en place son projet de génocide avant d’être nommé à l’ISAR Rubona. Avant d’y être envoyé, il dirigeait le Projet de Développement de l’agriculture et de l’élevage (PDAG) à Gikongoro. A cette époque Ndereyehe a été l’un des fonctionnaires de l’Etat à mettre en place une milice Interahamwe à Gikongoro, en collaboration avec le Capitaine Sebuhura qui était commandant adjoint de la gendarmerie à Gikongoro.  Sebuhura était originaire de la Commune Mukingo en Préfecture Ruhengeri, dans la même région que Ndereyehe. 

Ndereyehe a créé une milice Interahamwe à Gikongoro en collaboration avec les chefs de projets agricoles à Gikongoro dont Célestin Mutabaruka, chef du projet Crête Zaïre Nil, les directeurs des usines à thé de Mata (Denis Kamodoka) et Kitabi (Juvénal Ndabarinze), des autorités de la Préfecture Gikongoro dont Ayurugari, Justin, chef d’ELECTROGAZ et Celse Semigabo, Substitut du Procureur de la République. Ils ont tous été poursuivis en justice pour crime de génocide.

Ndereyehe a quitté le Rwanda en 1994, lorsque le gouvernement génocidaire et son armée venaient de perdre la guerre. Il est parmi ceux qui, le 3 avril 1995, alors réfugiés au Zaïre, ont fondé un mouvement politico-militaire appelé RDR et basé sur l’idéologie du génocide. Ndereyehe réside actuellement en Hollande et est l’un des dirigeants du parti terroriste FDU-INKINGI basé sur l’idéologie du génocide.

Dans de nombreux communiqués du FDU-INKINGI qu’il publie, Ndereyehe nie et minimise  la réalité du Génocide perpétré contre les Tutsi, incite à nier celui-ci et dévalorise  la mémoire du Génocide en l’appelant « fonds de commerce ».

En Hollande, Ndereyehe coordonne les actions d’autres groupes d’extrémistes rwandais qui se sont réfugiés à l’étranger et sont toujours caractérisés par l’idéologie raciste qui a mené le Rwanda au Génocide perpétré contre les Tutsi. Parmi ces groupes il y a FEDERMO (Fédération des Organisations Rwandaises aux Pays Bas), CARP (Collectif des Associations Rwandaises aux Pays-Bas), RIFDP-NL (Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix), DEN HAAG, et Pro Justitia, FFDR (Foundation for Freedom and Democracy in Rwanda).

Le 5 novembre 2008, Ndereyehe a été jugé en son absence par la juridiction Gacaca de Gikirambwa et a été condamné, pour crime de génocide à l’ISAR, à la prison à perpétuité.

Depuis le 20 avril 2010, Ndereyehe est visé par un mandat d’arrêt international délivré par le Rwanda. Il est également sur la liste de personnes recherchées par INTERPOL. Ce qui ne l’empêche pas de continuer en toute quiétude à propager son idéologie extrémiste en Europe et ailleurs.

3. Massacres de Tutsi à la Paroisse catholique de Birambo, Karongi

La Sous-préfecture de Birambo était composée de trois Communes, Bwakira, Mwendo et Kivumu, était dirigée pendant le Génocide perpétré contre les Tutsi par le Sous-préfet Rudakubana Anaclet, et son siège se trouvait dans la Commune Bwakira dirigée par le Bourgmestre KabashaTharcisse.

Le Génocide a commencé à Birambo une journée après la mort du Président Habyarimana, Les Hutu extrémistes et les Interahamwe ont immédiatement commencé à tuer les Tutsi, piller ceux-ci et incendier leurs maisons. Les Tutsi croyaient pouvoir trouver sécurité à la Sous-préfecture de Birambo ou à la Paroisse et ceux qui habitaient dans les environs s’y sont réfugiés en grand nombre tout comme dans les écoles des religieux de Birambo. Alors que les Tutsi pensaient avoir trouvé des refuges sûrs, les Interahamwe quant à eux planifiaient les massacres des Tutsi qui se trouvaient à Birambo.

A Birambo, deux extrémistes au niveau national, Enock Ruhigira et Edouard Karemera en étaient originaires. Enock Ruhigira, directeur de cabinet du Président Habyarimana, originaire de Birambo, y est venu donner instructions aux autorités locales de la manière avec laquelle le Génocide devait être mis en œuvre. Edouard Karemera, premier vice-président du MRND, était originaire de la Commune Mwendo, une des communes qui composaient la Sous-préfecture Birambo. Karemera a été vu à plusieurs reprises en train d’inciter la population à tuer les Tutsi à Birambo et à Bisesero. Karemera a planifié le Génocide à Birambo depuis 1993, lorsque lui et le Préfet André Kagimbangabo, le Colonel Ndahimana, un commerçant CDR du nom de Amani Mugabo, et le Bourgmestre Kabasha, ont distribué des fusils et ont établi un programme d’entraînements militaires destinés aux Interahamwe.

Le 14 avril 1994, les Interahamwe  dirigés par le Bourgmestre KABASHA, le Conseiller du Secteur Nyabiranga MUNYANKINDI Cyprien, le Conseiller du Secteur Musasa MUGABONAKE, le Député SEBITABI Alphonse et le Procureur KWIZERA Aaron, ont attaqué les Tutsi qui s’étaient cachés dans l’établissement scolaire Normale Primaire des religieuses de Birambo, mais les Tutsi ont résisté, et les Interahamwe ont dû appeler en renfort des militaires et des gendarmes pour venir tuer ceux qu’ils appelaient « l’ennemi ». Ils sont revenus le lendemain 15 avril 1994 et ont tués tous les Tutsi qui s’y trouvaient, ils ont également incendié l’établissement scolaire pour éradiquer le moindre Tutsi qui s’y cacherait encore. 

Le 16 avril 1994, le même groupe de tueurs fut envoyé tuer les Tutsi qui se trouvaient à la Paroisse et à la Sous-préfecture de Birambo.

Avant de tuer les Tutsi lors de leurs attaques, Les tueurs sélectionnaient toujours les religieux et séparaient Hutu et Tutsi. Les religieuses et les prêtres étaient confiés à la garde de gendarmes pour qu’ils ne s’enfuient pas, tandis que les Hutu étaient mis à part et protégés.

A suivi un large ratissage pour rechercher les Tutsi survivants, dont ceux qui se cachaient ça et là ; ils ont été rassemblés en attendant le jour où ils seront exterminés en compagnie des religieux Tutsi. Le 26 avril 1994, des tueurs dirigés par le Bourgmestre KABASHA, le Conseiller du Secteur Nyabiranga, MUNYANKINDI Cyprien, le Conseiller du Secteur Musasa MUGABONAKE, le Député SEBITABI Alphonse et le  Procureur KWIZERA Aaron, ont rejoint des militaires et des gendarmes et, ensemble, ont tué de la façon la plus atroce les Tutsi qui avaient survécu à Birambo. Parmi les religieux qui furent alors tués il y a les Pères RUBERIZESI Innocent et SEBATWARE Narcisse.

Le nombre des Tutsi tués lors de toutes ces attaques est évalué à plus de six mille (6,000) victimes. Apres l’attaque du 26 avril 1994, il était évident que les tueurs avaient soigneusement tout planifié parce que cette date avait été d’avance choisie pour l’accomplissement de l’extermination des Tutsi de Birambo. Les tueurs ont vanté leurs sinistres exploits et les autorités les remercièrent pour le travail accompli en leur payant notamment à boire.

Enock Ruhigira a pris la fuite en 1994 et est recherché par la justice. Edouard Karemera a été condamné pour crime de génocide à la prison à perpétuité par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).

4. Massacres de Tutsi à la Commune Kigoma, Ruhango

Les bureaux de la Commune Kigoma se trouvaient dans le Secteur Butare, Cellule Kabambati dans l’ancienne Préfecture Gitarama ; actuellement c’est en District Ruhango, Secteur Ruhango, Cellule Rwoga, village Bihome. Pendant le Génocide les Tutsi se sont réfugiésà la Commune Kigoma en espérant y trouver sécurité, surtout que certains les avaient assurés qu’ils y seront protégés.

Le 26 avril 1994 et quelques temps avant, y ont été tués plus de 475 Tutsi. Ceux-ci étaient venus de différents Secteurs de la  Commune Kigoma, dont Gahombo, Mukingo, Kiruri, Ngwa et ailleurs. Après avoir été rassemblés ils étaient tués sur une redoutable barrière installée devant la Commune, et leurs corps étaient jetés dans des fosses creusées près de la Commune. Parmi ceux qui ont participé à ces massacres il y a le Bourgmestre de la Commune, Ugirashebuja Célestin, des militaires dont MUGENZI,  MUKERANGOMA et celui qui avait été surnommé KAGOMA. Il y a aussi un redoutable Interahamwe du nom de NZARAMBA alias Gahini qui dirigeait les attaques.

5. Massacres de Tutsi à la Commune Tambwe, Ruhango

Dans la Commune Tambwe ont été tués plus de 20,000 Tutsi, le premier Tutsi à être tué l’a été devant le drapeau dans le cadre de donner le signal du déclenchement du Génocide et de mobiliser les Interahamwe et la population Hutu pour qu’ils s’y investissent. Ceux qui ont été tués s’y étaient réfugiés  et rassemblés à la Commune Tambwe, à la Sous-préfecture Ruhango, à l’église de Ruhango et ailleurs. Leurs corps étaient jetés dans un bois et dans des fosses et fossés. Parmi ceux qui y ont participé il y a le Bourgmestre de Tambwe, Mugaba Nathan, Kayondo, Député  originaire de la Commune, Munyeshyaka Grégoire, président du tribunal de  Canton de Ruhango, et l’Interahamwe  des plus redoutables appelé NZARAMBA alias Gahini.

CONCLUSION

Les massacres de Tutsi ont continué, de façon similaire, tout Tutsi devait mourir, la plupart ont été tués en cours de route alors qu’ils fuyaient. A cette date beaucoup d’entre eux ont été tués dans des bâtiments publics, des Communes et dans des églises parce qu’ils  croyaient y trouver sécurité. (Fin)

Fait a Kigali, le 26/4/2020

*Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif/Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)