LE 27 AVRIL 1994: LA MISE EN OEUVRE DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSI

By Bizimana Jean Damascène*

Le 27 avril 1994, les massacres de Tutsi ont continué, de très nombreux Tutsi ont été tués. Les militaires ont eu une grande responsabilité dans l’accélération de la mise en œuvre du Génocide dans le sud du pays, et à leur tête  il y avait les membres de la Garde Présidentielle chargée de la protection du Président Habyarimana, en collaboration avec d’autres militaires et des gendarmes. Voici ci-après le rappel de massacres de Tutsi qui ont été commis le 27 avril 1994.

1.            Pendant le Génocide, l’Etat français a accueilli des dirigeants du Hutu Power.

La France est le seul pays qui a continué à assister le gouvernement génocidaire malgré qu’il était devenu évident que ce gouvernement était en train de commettre un génocide. Le 27 avril 1994, trois (3) semaines après le déclenchement du Génocide, deux (2) représentants de ce gouvernement, Jérôme Bicamumpaka na Jean Bosco Barayagwiza, ont été accueillis à Paris, à l’Elysée et à Matignon, alors que les Etats Unis d’Amérique et la Belgique leur avaient refusé tout visa. Ils ont pu rencontrer des autorités françaises, dont le Premier ministre  Edouard Balladur et le Ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé et Bruno Delaye qui était chargé de l’Afrique à l’Elysée.

Barayagwiza était à l’époque directeur de l’administration et des finances au Ministère des Affaires Etrangères, était membre du comité directeur de la CDR, était egalement cofondateur de la RTLM qui était un outil de propagande du Génocide. Bicamumpaka était membre du MDR Power et Ministre des Affaires Etrangères du gouvernement génocidaire. Bicamumpaka était un extrémiste qui a osé déclarer devant le Conseil de Sécurité de l’ONU que le Génocide perpétré contre les Tutsi était nécessaire.

Les associations des droits de l’homme ont mis la pression sur la France, clamant qu’il n’était pas compréhensible que la France puisse accueillir des personnes qui avaient du sang sur leurs mains, il leur a été répondu que la France avait accueilli les représentants du gouvernement rwandais dans le cadre des discussions avec les deux parties; peu après il a été déclaré qu’il s’agissait d’une “visite privée”. La France savait qui elle accueillait et quel soutien politique elle devait leur fournir pour que le Génocide puisse continuer.

2.      Massacres de Tutsi à  Gikonko, Gisagara

La Commune Mugusa était dirigée par le Bourgmestre Kabayiza André. Il a été nommé à ce poste en 1992 alors qu’il travaillait à la Primature. Il a remplacé Kanyamanza Onesphore qui était un des coordinateurs de la planification et de la mise en œuvre du Génocide. A l’époque un militaire désigné sous le nom d’Adjudant fut nommé directeur de l’école secondaire de Gikonko. Il était originaire de Gisenyi et se comportait comme s’il était le “commandant” du Génocide. Il donnait des instructions pour l’installation des barrières et l’entrainement des jeunes gens Hutu pour se préparer à tuer les Tutsi. Nkusi Augustin était directeur du PRB qui s’occupait de la riziculture locale. Comme il y avait un téléphone, c’est là que venaient les militaires pour recevoir leurs instructions relatives à la planification et la mise en œuvre du Génocide. C’est également au PRB que se tenaient les réunions qui planifiaient le Génocide. La liste des Tutsi à tuer était dressée par le Bourgmestre, en collaboration avec les Conseillers et les anciens Bourgmestres.

Tout a commencé dans le Secteur Buhoro qui était habité par de nombreux réfugiés burundais. Ceux-ci ont commencé par abattre des vaches des Tutsi et en ont consommé la viande. Le Conseiller est allé à la Commune où on lui donna des policiers et l’agronome de la Commune pour l’accompagner. Ils sont allés arrêter les burundais en cause et ont amenés ceux-ci à la Commune. Lorsqu’ils y sont arrivés, “Adjudant” est arrivé, a fait libérer les burundais et a grondé ceux-ci parce qu’ils avaient commis la seule faute d’abattre les vaches alors que les propriétaires de celles-ci étaient encore vivants. Ceci est arrivé le 8 ou le 9 avril 1994. Les Tutsi, venus des Communes Rusatira, Ruhashya, Shyanda, Mbazi, et Mugusa, ont commencé à être rassemblés à la Commune. Plus de 25,000 Tutsi y ont été tués le 27 avril 1994. Pour les rassembler les Conseiller ont pris des mégaphones et ont appelé les Tutsi à se rendre sur le terrain de football. Les rassembler a pris deux jours. Les militaires ont ouvert le feu sur les Tutsi et les tueurs porteurs d’armes traditionnelles ont achevé les survivants.

A la tête des tueurs, il y avait l’assistant bourgmestre Sylvestre, fils de Mugenzi, et en collaboration avec son père, le Conseiller du Secteur Gikonko du nom de Twagirayezu, Kayitare Yusi qui était directeur du CERAI et président de la  CDR dans la Commune, le Brigadier de la Commune du nom d’Athanase et l’Inspecteur des écoles, Muramba.

3.      Massacres de Tutsi sur la colline de Nyamure, dans le Secteur Muyira, District Nyanza

La colline de Nyamure était située dans l’ancienne Préfecture de Butare, Commune Ntyazo, Secteur Nyamure, Cellule Gatare; actuellement c’est en District Nyanza, Secteur Muyira, Cellule Nyamure, village de Gatare.

De nombreux Tutsi ont commencé à se réfugier sur la colline Nyamure le 20 avril 1994,  mais y ont trouvé d’autres qui y étaient arrivés avant eux. Ils y ont passé une semaine jusqu’au 27 avril 1994, date à laquelle ils ont été attaqués et tous massacrés.  Ils s’y étaient réfugiés en croyant que les actes de violences s’arrêteraient rapidement et qu’ils retourneraient alors chez eux. Plusieurs d’entre eux auraient pu se réfugier au Burundi avec lequel spécialement les Communes Ntyazo, Muyira et Ntongwe étaient frontalières. Ils avaient également le sentiment que s’ils étaient attaqués ils pourraient se défendre parce qu’ils se trouvaient sur une position en hauteur où ils pouvaient se servir de pierres, comme c’est par ailleurs arrivé lors d’attaques ultérieures. De nombreux Tutsi étaient venus des Communes Muyira, Ntyazo  et Rusatira dans la Préfecture Butare, des Communes Kigoma et Ntongwe dans la Préfecture Gitarama, et d’ailleurs.

Ceux qui avaient pu s’enfuir en amenant avec eux des provisions ont partagé    celles-ci avec beaucoup d’autres de sorte que ces provisions ont été vite toutes consommées. Assoiffés et affamés parce qu’ils étaient sur le sommet de la colline loin de leurs champs, les réfugiés se sont organisés pour envoyer des équipes la nuit aller chercher de quoi manger dans leurs champs, mais cela est devenu de plus en plus difficile parce que, à partir du 24 avril 1994, ils ont commencé à subir des attaques de génocidaires qui venaient les tuer. Très vite ils se sont mis à abattre leurs vaches qu’ils avaient amenées avec eux, pour en consommer la viande.

Après y être arrivés le 20 avril 1994, dès le lendemain 21 avril 1994 les réfugiés ont commencé à être attaqués par des groupes de tueurs composés de nombreux membres ordinaires de la population et d’Interahamwe, armés de machettes, gourdins, lances et autres armes traditionnelles. Les armes à feu ont été utilisées pour briser la résistance des réfugiés qui se défendaient vaillamment en se servant de pierres et de quelques arcs. Depuis le 22 avril 1994 jusqu’au 26 avril 1994, les attaques se sont succédées, et des Tutsi ont continué à se réfugier sur la colline. Le 25 avril 1994, des Tutsi qui s’étaient réfugiés sur la colline Nyamure allaient être attaqués par des tueurs qui étaient venus en douce, mais ceux-ci ont été aperçus par des réfugiés au sommet de la colline qui ont semé l’alarme. Cet incident a cependant semé la panique parmi les réfugiés dont certains descendirent la colline en s’enfuyant, dix (10) parmi eux furent tués par les tueurs; d’autres furent tués, surpris dans leurs champs où ils étaient venus chercher de quoi manger. Pendant cette période, les dirigeants des Interahamwe ont dirigé les attaques et continué à mobiliser la population pour participer aux massacres des Tutsi.

A la tête des tueurs il y avait MUHUTU  Adalbert, Bourgmestre de la Commune Muyira, Twagiramungu Zacharie, président du MDR  dans la Commune Ntyazo, différents Conseillers de la Commune Ntyazo, Murindahabi du Secteur Nyamure, Murindahabi Isaïe du Secteur Gatonde, Mutabaruka  du Secteur Kayanza. Il y avait aussi de nombreux Interahamwe qui avaient été entrainés comme Sendima,  Munyaneza  Gaspard et d’autres. Il y avait également  Ndahimana qui était médecin et directeur du Centre de Santee de Nyamure, il a en particulier fourni le véhicule du Centre pour aller amener des Interahamwe et des policiers aux Communes Muyira et Ntyazo. Aussi Munyakayanza et Mbarubukeye, tous les deux étaient des enseignants à l’école primaire de Nyamure et ont activement participé à la mobilisation de la population pour tuer les Tutsi; ils ont eux-mêmes dirigé des attaques et ont participé aux massacres des Tutsi qui s’étaient réfugiés sur la colline Rwezamenyo, voisine de celle de Nyamure, et ils sont surtout réputés pour avoir tué de jeunes élèves qu’ils enseignaient à l’école primaire de Nyamure; ces enfants s’étaient en effet réfugiés auprès d’eux, espérant être protégés par leurs éducateurs, lesquels les tuèrent de façon atroce. Il y avait encore un nommé Gakuba qui portait toujours des grenades sur lui. 

Le 26 avril 1994, les tueurs sont venus en dessous de la colline, l’ont encerclée et y ont passé la nuit pour empêcher les réfugiés de s’enfuir. Le 27 avril 1994, les Tutsi ont été attaqués par des tueurs qui les ont massacrés à l’arme à feu, grenades et de nombreuses armes traditionnelles; les Tutsi n’ont pas pu résister à cette attaque. De nombreux militaires et gendarmes sont venus de la Sous-préfecture de Nyabisindu à Nyanza; la plupart d’entre eux avaient passé deux semaines à la Commune Muyira en compagnie du Bourgmestre Muhutu Adalbert, les autres sont venus de Nyanza le 27 avril 1994. Il y avait des policiers venus des Communes Muyira et Ntyazo. Un véhicule, qui est passé par Busoro, avait également amené des Interahamwe de Bugesera.

Les militaires ont posté des armes à l’école primaire de Nyamure et ont commencé a tirer sur les Tutsi qui furent pris de panique parce que parmi eux certains étaient morts ou grièvement blessés; la plupart d’entre eux dévalèrent la colline et furent tués par les génocidaires qui avaient encerclé la colline. Apres avoir ouvert le feu et tué de nombreux Tutsi, les tueurs ont escaladé la colline, ont tué les survivants et achevé ceux qui respiraient encore. De très nombreux corps sans vie des victimes sont longtemps restés sur la colline. Près de 22,378 Tutsi ont été tués sur la colline Nyamure.

Parmi ceux qui ont dirigé les attaques et ceux qui portent une grande responsabilité dans les massacres, il y avait le Bourgmestre de la Commune Muyira, Muhutu Adalbert qui a été condamné à la prison à perpétuité mais qui s’est réfugié au Zaïre, Twagiramungu   Zacharie, président du MDR  dans la Commune Ntyazo,  des policiers de la Commune Muyira dirigés par le policier Ruberandinda Claver qui était en compagnie d’autres policiers, dont Gasanganwa  et d’anciens policiers dont Bazarama et Bizoza.  Ruzindana Silas, un commerçant important du centre de Muyira à Nyamiyaga, a fourni son véhicule pour transporter des Interahamwe à Nyamure. Il a lui aussi été condamné à la prison à perpétuité mais s’est réfugié au Congo Brazzaville.

CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et mis en œuvre par l’Etat rwandais. Les Massacres des Tutsi à partir du 7 avril 1994 au matin, en même temps, est la preuve que le plan du Génocide avait été préparé par l’Etat. (Fin).

*Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif/Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)