Le Burundi interdit les associations de défense des droits de victimes Tutsis à se recueillir

Des personnes au monument de Kwibubu commémorant plus de 150 élèves Tutsis tués le 21 octobre 1993

Les autorités burundaises ont empêché toutes les associations de défense des droits de victimes Tutsis, les rescapés et parents de se rendre au monument de Kwibubu pour commémorer les massacres de plus de 150 élèves Tutsis. 

D’après SOS Médias Burundi qui livre cette information, les intéressés demandent au gouvernement de revenir sur sa mesure.

Dans un communiqué conjoint, les associations indiquent que c’est le ministre en charge des affaires intérieures qui s’est opposé à la cérémonie. Il les a convoquées dans son bureau à trois reprises mais les a reçues deux fois. Leurs représentants déplorent une décision sans fondement et sans base légale.

En plus, disent-ils, « le ministre ne nous a jamais donné de réponse écrite alors que nous lui avions demandé la permission à travers une lettre ».

« Je n’ai pas de réponse écrite à vous donner », a répondu Martin Niteretse, le ministre en charge des affaires intérieures.

Des représentants des associations des rescapés et parents d’élèves Tutsis lui demandaient une réponse écrite suite à leur interdiction d’aller se recueillir sur le monument à Kwibubu, en commune de Giheta dans la province de Gitega (centre du Burundi).

À trois reprises, il leur a dit verbalement qu’ils doivent seulement se rendre au monument de feu président Melchior Ndadaye et ses compagnons afin d’y déposer des gerbes de fleurs car “Ndadaye est un héros national”.

Jeanne Rutamuceru, représentante de l’association des rescapés des massacres du lycée de Kibimba parle de  «violation de conventions signées par le Burundi en matière de droits humains».

« Ce qui est regrettable, il a même refusé de nous donner une autre date à laquelle nous pouvons aller nous recueillir à la tombe commune des nôtres », se désole Rutamuceru.

Quant à Maître Christian Ntakarutimana, du rassemblement des juristes en action au Burundi (Raja), le CNDD-FDD veut « rendre justice aux Hutus tout en punissant les Tutsis ».

« Le CNDD-FDD s’est toujours comporté ainsi depuis qu’il était au maquis », accuse-t-il. Il estime que le Burundi n’aura jamais de « justice équitable » aussi longtemps que l’ancien mouvement rebelle Hutu sera au pouvoir.

Les associations parlent de « deux poids deux mesures », étant donné que les associations de défense des droits de victimes Hutus sont toujours autorisées à commémorer la mort des leurs. Elles demandent au gouvernement de “revenir sur sa décision qui risque d’entraver le processus de réconciliation entre Burundais”.

C’est la troisième année consécutive que les autorités burundaises empêchent les représentants des associations de défense des droits de victimes Tutsis de se rendre au monument de Kwibubu comme ils le souhaitent.

Mais c’est la première fois qu’aucune délégation ne soit autorisée à y aller. Les deux dernières années, un nombre limité de personnes (ne dépassant pas dix participants) était permis d’aller déposer des gerbes de fleurs en mémoire des victimes des massacres de Kibimba et prononcer des discours.

Pour rappel, plus de 150 élèves Tutsis du lycée de Kibimba avaient été rassemblés dans une station-service de Kwibubu le 21 octobre 1993 avant de subir une mort atroce. Certains ont été brûlés vifs, d’autres décapités. C’était à la suite de l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye, suivi aussi de massacres de Tutsis sur tout le territoire burundais. Seul l’ancien directeur du lycée de Kibimba a été condamné dans cette affaire.

Au pouvoir depuis 2005 grâce aux accords d’Arusha, les dirigeants actuels, issus de l’ancien mouvement rebelle Hutu le CNDD-FDD sont souvent critiqués de « favoriser les victimes Hutus », tout en bafouant les droits des rescapés Tutsis et des associations militant pour les droits des victimes Tutsis.

La plupart de Hutus au pouvoir ont été victimes des massacres de 1972 qui ont emporté plus de Hutus que de Tutsis. Ils militent sans relâche pour que ces événements soient considérés comme « un génocide », ce qu’ils ont obtenu à l’Assemblée nationale fin 2021 à travers la très controversée commission vérité et réconciliation CVR avant que le président Neva ne refuse de l’entériner en mai cette année. (Fin)