Les maladies cardio-vasculaires au Rwanda : Un tueur à la bouche cousue !

Cependant, partant de cette comparaison, le Docteur Bonaventure Nzeyimana, professionnel des soins de santé au sein du Minisante, se désolait du fait que les Rwandais n'ont pas eu et n'ont toujours pas l'habitude d'aller effectuer des  séances d'entretien des « moteurs de leurs vies ». « Il est bien malheureux, déplore-t-il, que certaines personnes au Rwanda veillent au régulier et bon entretien des moteurs de leurs véhicules alors que leurs moteurs à eux-mêmes (leurs cœurs) se rouillent et se meurent du manque de bon maintien ».

Les maladies cardio-vasculaires ne sont pas très statistiquement illustrées mais selon des constatations qui se font à partir des hôpitaux rwandais, elles sont en train de soulever la courbe. Selon le ministère de la santé au Rwanda, les maladies du cœur et d'autres maladies non infectieuses sont parmi les grandes causes de mortalité des Rwandais et le Docteur Bonaventure Nzeyimana trouve que pire est le fait que ces maladies « n'ont aucune politique nationale destinée à les soigner ou à sensibiliser la population pour une lutte contre elles ». Et pourtant elles sont bien présentes.
 
Le CHUB (Centre Hospitalier Universitaire de Butare) a conclu une étude sur l'imminence de danger lié à ces maladies au Rwanda : La période incluse entre les mois de janvier et juin 2008 a apporté à cet hôpital 106 patients dont plus de la moitié (54%) avaient eu des complications de la maladie au niveau des hôpitaux des districts et avaient reçu des transferts pour pouvoir venir au CHUB. 67 d'entre eux, ont été hospitalisés et 7 ont succombé à la maladie. C'est tout un dixième de ces patients hospitalisés, qui n'a pas pu sortir de l'hôpital mais dont la vie s'y est éteinte.    
 
La jeunesse de Butare (qui, par ailleurs, représente la jeunesse du Rwanda) vit curieusement sous une grande menace de ces maladies. L'étude du CHUB montre que presque 15% de cette jeunesse (de Butare) est estimé avoir des risques de développer des maladies du cœur. Sur le graphique, leur bâton arrive, dans la longueur, certainement après celui des vieilles personnes qui, naturellement, sont les plus exposées aux maladies.
 
Pour le Docteur Bonaventure Nzeyimana, les risques de ces maladies au Rwanda continueront à monter sur le graphique tant que certains problèmes ne seront pas résolus : Tout d'abord, le niveau relativement réduit des médecins rwandais en diagnostique et traitement de ces maladies un peu étranges ; ensuite des contraintes matérielles de nos hôpitaux, ce qui ne leur permet pas de les diagnostiquer et même de les traiter, et enfin le comportement des rwandais en général qui les fait sous estimer ces maladies et ignorer le danger qu'elles englobent.
 
Trois issues vers une résolution
 
« Mieux vaux prévenir que guérir, » quelqu'un l'aurait dit, un sage en tout cas. Il ne serait pas plus préférable à une personne de se laisser dominer par la maladie et d'aller se faire rétablir que de ne pas tomber malade du tout. Les trois issues que parlent les hommes médicaux débouchent toutes sur le changement de comportement vis-à-vis de ces maladies et de la vie quotidienne de tout et chacun. Elles comprennent entre autre : l'alimentation saine, la pratique d'une activité sportive et le contrôle médicale régulier.           

L'alimentation constitue un facteur très important dans le contrôle de la santé du cœur. Le Docteur André Musemakweri horrifie l'usage abondant de l'huile lors de préparation des repas dans les familles ou dans des restaurants. « Avec de l'huile, nous brûlons la pomme de terre, la banane, la viande, le haricot  etc., et à la fin nous nous retrouvons brûlés nous aussi, » dit-il.
 
La consommation excessive de l'huile a longtemps caractérisé le caractère copieux des repas rwandais comme nous l'affirme un autre médecin du CHUB, le Docteur Sanctus Musafiri, mais pour lui, il est grand temps pour le Rwanda de penser à la sensibilisation pour le modèle dépourvu de l'huile, « le modèle ougandais » comme il le précise, une campagne de sensibilisation pour une longue période à commencer maintenant.
 
Lors d'une émission à la Radio Salus, les Docteurs Ganza et Nzambaza ne se sont pas empêché de pointer du doigt la consommation de la graisse et pire encore, de la graisse animale qui souvent est riche en cholestérol et qui, par conséquent, contribue à la diminution voire même le bouchonnement du calibre des vaisseaux par l'effet que l'on appelle techniquement l'athérosclérose, qui est l'entassement de ces graisses aux parois internes des vaisseaux.
 
« Il faut que les Rwandais apprennent à manger et il faut qu'ils arrivent à se défaire de l'idée qu'un bon repas est celui riche en graisses, » disaient conjointement les deux docteurs. «  L'art culinaire consisterait également à nous permettre de construire un repas 'ami du cœur,' » concluaient-ils.
 
La deuxième issue reflète une habitude à prendre, celle d'avoir une activité physique à accomplir. Le Pharmacien Fabrice Ngango Migabo de la Pharmacie Continentale et initiateur du service Point Santé, relève également de l'importance d'avoir un sport à pratiquer pour pouvoir contrôler la santé du cœur. Aussi avoue-t-il qu'un sport n'est pas toujours le terrain, la tenue, le temps ou la tranche d'âge approprié. « Il suffit de marcher pendant 30 minutes par jour, et votre cœur vous dit merci, » dit-il.
 
Il se pourrait que la culture des Rwandais ne privilégie pas beaucoup la pratique du sport, ce que reconnaît le Docteur Bonaventure. Mais à ce sujet, le Docteur prêche qu'aussi longtemps que la santé est mise à risque de danger, il faut aller au-delà de certains murs dans lesquels cette culture pourrait nous confiner.  
 
La dernière issue se résumerait en cette phrase, « les médecins ne sont là que pour cela. Allez les voir ». Le Docteur Bonaventure Nzeyimana, lui, affirme que chacun devrait voir le médecin au moins deux fois par an, ou même trois pour ceux qui le peuvent. « La plupart des maladies cardio-vasculaires sont presque toujours remédiables dans leur récence (lorsqu'elles sont encore récentes). Et lorsqu'elles se développent à l'insu de leurs porteurs, parfois elles atteignent leur niveau irrémédiable, ce qui est bien regrettable.
 
Et puis, le cœur pourrait avoir des problèmes suite aux infections microbiennes qui ont été mal soignées, à l'exemple des angines de poitrine, la bronchite ou même la grippe comme le dit le Docteur Ganza. « Ce n'est pas que certaines de ces maladies semblent sans importance à bien de personnes qu'elles n'ont pas parfois des conséquences très catastrophiques, » mettait-il en garde.
 
La bataille est continuelle
 
« La pensée que les maladies de ce genre ne sont réservées qu'aux occidentaux et aux riches, est une pensée qui n'est pas à jour, » dit le Docteur Bonaventure. « Le problème fait face à tout le monde, même à ceux dont le ventre est creux, » ajoute-t-il. « C'est un problème de tous, une question à laquelle tout le peuple rwandais doit apporter une partie de la réponse.
 
Le changement de comportement est un élément clé pour un nouveau rythme de vie favorable à la santé du cœur. Valoriser les produits légumiers et fruitiers issus des petits champs agricoles (uturima tw'igikoni) comme telle est d'ailleurs la politique de l'Etat, ensuite pratiquer un sport ou une activité physique quelconque et enfin aller voir un médecin ou un autre agent de santé le plus souvent possible permettront aux gens d'avoir des « moteurs » robustes et infatigables, et le cœur rwandais sera le cœur à envier. « Il faudra également que les Rwandais se méfient de la consommation du tabac et de l'abus de l'alcool, » met en garde le Docteur Bonaventure. (Fin).