L’octroi des ARV aux nouveaux-nés diminue les risques de contamination du VIH

Même si Jischa est séronégative, grâce au traitement PTME, le risque de la transmission du VIH de la mère séronégative à l’enfant est réel. Selon le rapport annuel de Trac (Treatment and Research AIDS Center) de 2007 la prévalence du VIH chez les enfants nés de mères séropositives est de 10.3%. Et Méthode Kirezi, assistant médical et responsable de l’équipe de prise en charge des personnes séropositives au centre de santé de Kicukiro, ajoute : « Chaque enfant né d’une mère infectée est classé dans la catégorie d’enfants dits “exposés” donc susceptibles d’avoir le VIH ».

Au premier jour de sa naissance l’enfant né d’une mère séronégative prend la Névirapine qui est un antirétrovial mais il prend également l’AZT  (un antirétroviral aussi) pendant 7 jours pour diminuer le risque de transmission du VIH. L’enfant ne subit le test de dépistage au VIH qu’à l’âge de 1 mois et demi. Diana, la petite fille d’Olive Mukagasana qui a un mois ne sera fixée sur son statut sérologique que dans les deux semaines à venir.

Pourquoi mettre au monde en se sachant séropositive ?

A cette question Olive Mukagasana ne parvient pas à cacher son embarras. « Je ne sais pas ce qui m’est arrivé car je suivais un régime contraceptif pour éviter de tomber enceinte ». Mais pour Méthode Kirezi, assistant médical au centre de santé de Kicukiro, l’ignorance est la principale cause de ses grossesses. « Depuis 2003 je travaille dans le service qui s’occupe des séropositifs et j’ai déjà vu des femmes qui ont eu trois voire même quatre enfants en se sachant séropositive dès le premier ». Et Méthode d’ajouter : « beaucoup de ses femmes quand ils réalisent que le premier enfant n’est pas infecté elles croient que ce sera toujours la même chose. Ce qui n’est pas vrai car j’en connais beaucoup qui ont fait ce mauvais calcul et elles ont eu un deuxième ou un troisième enfant séropositif ». Ce responsable de l’équipe de prise en charge des personnes séropositives au centre de santé de Kicukiro affirme que chaque fois qu’ils en ont l’occasion ils conseillent à ces femmes de s’abstenir d’avoir des enfants car
non seulement elles les mettent en danger – leurs enfants – mais aussi elles mettent en danger leur propre vie car une grossesse affaiblit une femme séropositive.

Quel soutien de la part de leurs associations ?

Olive Mukagasana est membre de l’association Abizeranye. Cette association a vu le jour en 2002. Actuellement l’association réunit 159 membres tous séropositifs dont 22 hommes. Comme dans beaucoup d’autres associations regroupant des personnes séropositives, dans l’association Abizeranye une grande majorité des membres sont des gens pauvres avec un niveau d’étude très bas, souvent l’école primaire ou même pas. Goretti Mukagasana, secrétaire de l’association Abizeranye affirme que l’association n’offre pas de soutien financier à ses membres. « Si nous nous réunissons souvent c’est pour échanger des informations et nous soutenir moralement. Avant l’avènement des associations les malades du Sida étaient des laissés pour compte et mouraient de désespoir dans un isolement total. Actuellement ce n’est plus le cas », dit-elle.

Il est vrai que l’association n’a pas de moyens. Comme propriété elle n’a qu’un terrain d’à peu près 10 mètres sur 15 offert par le Secteur de Kicukiro (Umurenge wa Kicukiro) sur le quel est construit une maison minable où se rencontrent les membres. La solidarité est leur première arme.

Goretti Mukagasana, une des responsables de l’association en sa qualité de secrétaire affirme : « dans nos rencontres régulières nous sensibilisons nos membres quant à la nécessité et aux moyens d’éviter des grossesses (parfois non désirées), mais il y a toujours des femmes qui tombent enceintes ».

Le lait maternel est la principale cause

Selon l’Equipe Spéciale InterAgences ONUSIDA/UNICEF/FNUAP/OMS sur la transmission mère-enfant du VIH, il est toujours préoccupant de noter que jusqu’à 20% des nourrissons nés de mères infectées par le VIH peuvent contracter l’infection par le lait maternel, ceci dépendant de la durée de l’allaitement au sein et d’autres facteurs de risque. Une alimentation de substitution est le seul moyen d’éviter totalement une transmission postnatale du VIH; cependant, dans de nombreux endroits du monde en développement dont le Rwanda, cette méthode peut ne pas être toujours utilisable. Malgré le risque de transmission du VIH, l’allaitement au sein apporte une nutrition adéquate, une protection passive contre certains des micro-organismes, y compris des pathogènes respiratoires et gastro-intestinaux, et il est plus économique. L’allaitement au sein exclusif répond à la totalité des besoins nutritionnels du nourrisson jusqu’à l’âge de quatre à six mois et, en retardant la reprise de la fécondité, il joue un rôle important dans l’espacement des naissances.

« Nous disons à toutes les femmes enceintes infectées du VIH de s’abstenir d’allaiter leur bébés et de recourir à une alimentation de substitution quand elles en ont les moyens. Malheureusement très peu le peuvent », dit Méthode Kirezi. Aux autres mères aux moyens limités -de loin plus nombreuses- l’allaitement au sein exclusif est recommandé jusqu’à l’âge de six mois. Après l’enfant doit arrêter l’allaitement définitivement. « Un mélange d’aliments et du lait maternel accroît sensiblement le risque d’infection même si certaines mères le font pour ne pas susciter des soupçons quant à leur statut sérologique », déplore-t-il.

Pourquoi pas une protection juridique ?

 « Ce n’est pas seulement une question de transmission. C’est une tragédie, car en plus d’être malades, les femmes séropositives peuvent transmettre l’infection au VIH à leurs enfants. Et le pire, c’est qu’elles sont marginalisées et rejetées quand leur statut sérologique est découvert », dit Méthode Kirezi. Etant confronté, quotidiennement aux problèmes des enfants nés des mères infectés, cet assistant médical préconise la création d’un cadre de protection juridique qui défendrait les droits des enfants nés des mères séropositives. Méthode (qui dit avoir participé à beaucoup de conférences sur le Sida dans différents pays africains) affirme que le Rwanda est très avancé dans l’encadrement des personnes vivant avec le VIH/Sida. « Nous sommes très en avance par rapport aux nombreux pays africains mais il manque une protection juridique. Notre société doit faire quelque chose à l’endroit de ces enfants nés des femmes séropositives ».

Etude sur l’utilité des données PTME pour la surveillance du VIH chez les femmes enceintes.

Par PTME il faut entendre Prévention de la Transmission de la Mère à l’Enfant. Trac a développé protocole d’étude, dans le but de savoir si les données du programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant peuvent être utilisées pour la surveillance du VIH chez les femmes enceintes au Rwanda. Cela éviterait l’augmentation du travail et des dépenses financières qui surviennent pendant la période de sérosurveillance et améliorerait la couverture géographique du système de surveillance du pays ainsi que la précision des estimations car la taille de l’échantillon deviendrait plus importante.

Cette étude doit être menée dans toutes les centres de santé ayant à la fois le service de PTME et le programme de sérosurveillance du VIH. La base de données de la surveillance de 2007 et 25% des données de PTME collectées au cours de la même période que l’enquête de sérosurveillance de 2007 doit être utilisée pour répondre aux objectifs de cette étude. Trois types de questionnaires sont à utiliser : un questionnaire de collecte des données individuelles et deux questionnaires évaluant la qualité des données collectées par le service de PTME.

L’analyse de l’acceptabilité du test VIH par les femmes enceintes recrutées par le PTME
(variable dépendante) sera calculée puis analysé selon les facteurs socio démographiques et obstétricaux (les groupes d’âge, le milieu de résidence, la profession, la scolarité et le nombre de grossesses).

La mesure d’association pour étudier la relation entre l’acceptation du test VIH et les différents facteurs sera le rapport de cotes. La proportion des femmes séropositives enrôlées dans le programme de surveillance sentinelle et dans le programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant sera déterminée par le calcul de la prévalence du VIH dans les deux populations et de son intervalle de confiance à 95%. L’analyse de la qualité des données du PTME sera descriptive.

L’espoir est permis

Trac a initié le nouveau régime comprenant plusieurs molécules ARV en Septembre 2005. Fin Novembre 2007, sur un total de 8.059 femmes qui ont été testées VIH positif, 5.945 femmes (74%) ont reçu le traitement ARV prophylactique. Parmi ces femmes qui ont reçu le traitement, 25% ont reçu la trithérapie, 30% AZT+NVP et 45% la NVP seule.

En 2007, au total 174.791 accouchements étaient attendus parmi les femmes venus en Consultation Prénatale (CPN) dans les Formations Sanitaires (FOSA) offrant les services de PTME et 6.335 étaient des accouchements attendus parmi les femmes VIH+ venues en CPN. Pour 6.183 accouchements notifiés parmi les femmes VIH+, il y a 5.951 enfants qui ont reçu la prophylaxie à la naissance, soit une proportion de 96%. Par prophylaxie il faut comprendre l’ensemble des mesures propres à prévenir les maladies.

Ces statistiques montrent clairement que beaucoup de femmes enceintes testées VIH+ reçoivent le traitement antirétroviral et beaucoup d’enfants qui naissent des ces femmes ont reçu la prophylaxie. Ce qui augmente les chances des mères séropositives d’allaiter leurs enfants sans risque de les contaminer.