Plus de 240 militaires burundais détenus pour refus de combattre aux côtés des FARDC contre le M23

Enterrement du major Ernest Gashirahamwe, le premier haut gradé de la FDNB à avoir été tué dans le Nord-Kivu, le 16 novembre 2023 à Bujumbura

Ces militaires de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) sont détenus dans les prisons de Bururi et Rumonge dans le sud-ouest du pays, et dans les maisons d’arrêt de Ngozi et Ruyigi, respectivement dans le nord et l’est du Burundi.

Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui livre cette information, la détention préventive a déjà été confirmée pour certains. Ils sont entre autres poursuivis pour « insurrection et refus de l’ordre de bataille ». Très peu disposent d’un avocat.  

Les prisons de Bururi et Rumonge hébergent respectivement 21 et 103 militaires. Ils viennent de passer plus d’un mois en prison, selon des sources pénitentiaires.

La maison d’arrêt de Ngozi renferme 84 militaires au moment où la prison centrale de Ruyigi en abrite 34.

La majorité de ces militaires ont été arrêtés le 9 décembre dernier sur ordre de l’état-major de la FDNB, assurent des témoins. Ils étaient déjà arrivés sur le sol congolais, selon leurs témoignages.

Ils ont été détenus dans différents cachots dont la police militaire dans la ville commerciale Bujumbura durant plus d’un mois avant d’être transférés en prison, disent des sources proches du dossier.

La plupart de ces militaires ont été transférés à ces prisons respectives pendant la nuit entre le 21 et le 23 janvier 2024, ont confirmé à SOS Médias Burundi des sources aux prisons de Bururi, Rumonge, Ngozi et Ruyigi.

« Très peu disposent d’un avocat », disent nos sources.

Tous les 242 détenus ont déjà été entendus par les juges militaires de l’auditorat militaire. La détention préventive a déjà été confirmée pour ceux de Ruyigi et Ngozi il y a quelques jours, alors que les militaires détenus à Bururi et Rumonge attendent la décision de l’auditorat militaire qui les a interrogés le 12 février.

« Ils sont poursuivis pour insurrection et refus de l’ordre de bataille », expliquent des proches des détenus.

Selon des sources militaires, les concernés sont détenus pour avoir refusé d’aller combattre aux côtés des FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo) contre le M23.

Pour ces militaires « cette opération est entourée d’une incompréhension totale, le gouvernement nous renie en cas de décès et c’est inacceptable de combattre sous l’uniforme d’une armée étrangère (uniforme des FARDC). Pire encore, pas d’ordre de mission ni de salaire supplémentaire pour cette tâche ».

« Pour qu’un militaire professionnel s’engage au combat, il faut au moins qu’il y ait le mobile du conflit, le motif, la motivation, la volonté. On doit également mesurer ses forces et faiblesses et celles de l’ennemi. Or, dans la situation actuelle, on nous demande d’aller combattre aveuglement », dit un capitaine de l’armée burundaise qui a préféré déserter pour aller se réfugier dans un pays de la sous-région.

Certains hauts gradés qui ont témoigné sous couvert d’anonymat estiment que  « nos collègues devraient être libérés sans conditions ». « Tout ordre de combat sans aucune réelle cause à défendre est susceptible de refus », rappellent-ils.

Le Général de brigade Gaspard Baratuza, chargé des communications et relations publiques au sein de la FDNB n’était pas disponible pour répondre aux questions. Mais un haut gradé posté à l’état-major de l’armée burundaise qui a témoigné sous couvert d’anonymat a confirmé à SOS Médias Burundi que plusieurs militaires sont emprisonnés « pour avoir refusé d’aller combattre aux côtés des FARDC contre le M23 et détourné les fonds de guerre ». Il n’a pas donné les chiffres exacts.

« Certains ont déjà été révoqués de l’armée mais il y en a aussi qui ont été acquittés. Ce n’est un secret pour personne, beaucoup de militaires sont détenus pour ces faits », a-t-il conclu.

Le Burundi et la RDC ont signé un accord bilatéral permettant aux forces burundaises d’intervenir au Congo. Entre septembre 2023 et janvier 2024, plusieurs militaires burundais dont des officiers supérieurs ont été tués dans la province du Nord-Kivu à l’est de la RDC.

Le 29 décembre 2023 lors d’une émission publique, le président Évariste Ndayishimiye a annoncé depuis la province de Cankuzo à l’est du pays que « c’est normal que les militaires burundais soient tués sur le territoire congolais ».

« Le Burundi est en train d’aider pour combattre et éradiquer le terrorisme, nous sommes en Somalie, en Centrafrique…Comme vous le savez, la RDC est déstabilisée par plusieurs groupes armés. Il y a des accords de défense mutuelle. Si vous n’aidez pas votre voisin à éteindre le feu quand sa maison brûle, demain si c’est votre tour, il ne viendra pas vous aider. Si le Burundi va secourir la RDC, il se défend lui-même car une bonne guerre, tu la mènes avant de la mener. La guerre, c’est un jeu de la mort. Si tu renies ça, tu n’es plus militaire. Un militaire doit se mettre en tête qu’il doit mourir pour sa nation. Ça c’est très normal. Tu dois te sacrifier [….]. Nous, les militaires nous avons signé pour ça, le contraire revient à pécher contre sa déontologie », a-t-il dit.

Et de continuer sur un ton très sévère en répondant à une question d’un journaliste local relative aux emprisonnements des militaires qui refusent d’aller combattre aux côtés des FARDC.

« L’armée a son propre règlement. Il y a un militaire que tu envoies par exemple monter la garde mais préfère aller boire de la bière, il doit être puni car l’armée a un règlement. Si vous êtes en mission, les indisciplinés sont ramenés à l’ordre…Que ce soit au Congo, en Centrafrique ou en Somalie, partout ils sont punis…les Burundais aiment les rumeurs, laissez les forces de sécurité garder leur secret professionnel, si les civils s’en mêlent, demain nous n’aurons plus des gens pour sécuriser et protéger notre pays. Ne vous mêlez plus de ça ». (Fin)