Procès Hategekimana/Manier pour génocide à Paris, 1 juin 2023. J14

•           Audition de Silas SEBAKARA, détenu.

•           Audition d’Eliezer NSENGIYOBIRI.

•           Audition de Marie-Jeanne MUKANSONEYE, partie civile (CPCR).

•           Audition d’Esdras SINDAYIGAYA.

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Audition de monsieur Silas SEBAKARA, détenu, en visioconférence de KIGALI, cité à la demande du ministère public.

Sur questions de monsieur le président, le témoin dit qu’il est né en 1960. En 1994, il était un simple agriculteur. Il habitait la cellule de MBUYE, commune de Nyanza qu’il connaît bien.

Dans la commune, il y avait des policiers communaux et un détachement de gendarmerie. À NTYAZO se trouvait un camp de réfugiés hutu burundais (NDRBeaucoup de ces réfugiés, dans certains endroits du Rwanda comme à GISAGARA, près de BUTARE, participeront activement au génocide).

Après l’attentat contre l’avion du président HABYARIMANA, le témoin reconnaît qu’il y a eu un génocide commis contre les Tutsi mais qui, à NTYAZO, a commencé après le 20 avril. Jusque-là, les Hutu et les Tutsi entretenaient de bonnes relations. Avec l’attentat, tout a changé.

C’est Philippe HATEGEKIMANA, BIGUMA, qui leur a dit de tuer les Tutsi. Lorsque ces derniers fuyaient, il est passé où ils se trouvaient et il les a incités à tuer.

Le témoin affirme avoir vu BIGUMA transporter le bourgmestre NYAGASAZA alors qu’il se trouvait près de chez lui, à MUKONI, et que les Tutsi avaient commencé à fuir. Silas SEBAKARA a vu les gens fuir vers la colline de RUKORE. Est arrivé alors un véhicule avec, à son bord, BIGUMA et des gendarmes. Ce véhicule se dirigeait vers la rivière AKANYARU après être passé par MUKONI. La voiture double cabine, de couleur blanche, s’est arrêtée à leur hauteur: c’était le matin. A bord, plusieurs gendarmes et quelques hommes à l’arrière. Le bourgmestre Narcisse NYAGASAZA était à l’intérieur de la cabine.

Le bourgmestre a salué le témoin et lui a demandé d’assurer la sécurité. Il semblait contraint et BIGUMA, de la main, lui a fait signe de se taire. BIGUMA les a rassemblés autour du véhicule et leur a dit que les gens qui fuyaient étaient des Tutsi. Il leur a demandé de les arrêter, de prendre leurs vaches et si possible de les tuer; de jeter ensuite leurs corps dans la rivière AKANYARU.

Il a demandé aux gens si quelqu’un savait manier une arme à feu ou une grenade. Comme personne ne savait, il leur a demandé d’aller chercher des armes traditionnelles. Il leur a montré NYAGASAZA en leur disant qu’il allait le tuer. C’est alors que la voiture est repartie.

Un jeune homme qui était arrivé à bord d’une moto, Jérôme NTAWUKURIRYAYO, agent recenseur, leur a demandé si BIGUMA venait de passer en voiture. C’est ainsi qu’ils ont appris l’identité du gendarme qui leur avait parlé.

Le témoin déclare ne pas avoir assisté à la mort du bourgmestre NYAGASAZA. C’est lors de la collecte d’information, à la prison de NYANZA, qu’ils ont appris que ce dernier avait perdu la vie à MUSHIRARUNGU. Après cette exécution, les Tutsi ont commencé à être tués. Le témoin reconnaît avoir participé aux tueries, mais pas ce jour-là. Il a participé à d’autres attaques contre ses voisins tutsi restés sur place ou contre ceux qui étaient venus d’ailleurs pour se cacher.

Dans le véhicule en question, il y avait entre autres MUSONERA de NTYAZO, un commerçant, ainsi que Pierre NYAKARASHI, un ancien policier communal.

Le témoin reconnaît avoir lui-même été jugé par la Gacaca de MBUYE et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

S’il a accepté de parler, c’est pour servir la vérité, pas pour obtenir un quelconque avantage. Lorsque les enquêteurs lui ont présenté la planche photographique, il a reconnu BIGUMA sur la photo numéro 4. Alors qu’il avait reconnu BIGUMA lors d’une confrontation avec l’accusé, aujourd’hui, il ne le reconnaît pas!

Maître PHILIPPART fait remarquer que la fille et le gendre de monsieur MUSONERA sont parties civiles dans ce procès. Elle demande au témoin s’il connaît le prénom de cette victime. Il ne se souvient pas mais lorsque l’avocate du CPCR lui suggère le prénom d’Apollinaire, il acquiesce. Le témoin est amené à préciser que la cellule de MUKONI se trouve à deux ou trois kilomètres de la rivière AKANYARU. Il n’a pas entendu de coup de feu en provenance de cette rivière, pas ce jour-là en tout cas.

Interrogé par un autre avocat des parties civiles, le témoin avoue que les massacres qui se sont perpétrés le lendemain sont bien en rapport avec les propos de BIGUMA ce jour-là. Il connaît aussi la famille d’un enseignant prénommé Antoine: sa mère s’appelait MUKAKIBIBI. Mais il ne connaît pas les circonstances de sa mort. Selon lui, tous les massacres de RUKORE ont un lien avec les propos de BIGUMA.

Sur la question de madame AÏT AMOU, avocate générale, il dit que NYAGASAZA était un homme bien qui aimait les Hutu et les Tutsi. On l’a arrêté parce qu’il aidait des Tutsi à franchir la frontière sur la rivière AKANYARU. Lui-même devait fuir en suite.

Toujours sur question du ministère public, le témoin dit qu’il n’était pas facile de différencier les gendarmes et les policiers communaux: ils avaient un uniforme « kaki blanchâtre » et un béret de même couleur. Quant à la voiture, elle était, comme il l’avait déjà dit, « d’un blanc pas très clair ». Toutes les pistes étaient en terre (NDRA l’approche de l’AKANYARU et sur la commune, elles sont encore aujourd’hui en latérite).

Sur questions de monsieur le président qui reprend la main, le témoin dit qu’il n’y avait pas de barrière à la rivière AKANYARU, que les biens des commerçants ont bien été pillés. Mais il ne sait rien des massacres à l’ISAR SONGA.

Les quelques questions de la défense n’apporteront pas grand-chose de plus dans la connaissance des événements évoqués.

Audition de monsieur Eliezer NSENGIYOBIRI, cité à la demande du ministère public.

En 1994, Eliezer NSENGIYOBIRI était un agriculteur originaire de la région de  MUSHIRARUNGU. Le vendredi 21 avril 1994, il a entendu un militaire dire aux Hutu de sa région d’aller tuer les Tutsi et de manger leurs vaches. Il a dit qu’ils allaient tuer des Tutsi le lendemain. Eliezer a appris par le biais du conseiller de secteur Israël DUSINGIZIMANA, que ce militaire était le capitaine BIRIKUNZIRA. Dans la journée, le témoin dit que plusieurs barrières ont été érigées et notamment celle du lieu dit BLEU-BLANC. Le témoin avoue avoir déjà participé à des rondes.

Le samedi 23 avril 1994, jour du Sabbat, Eliezer dit être allé à l’église le matin, puis il s’est dirigé vers le sommet de la colline qui fait face à la colline de NYABUBARE pour aller voir sa famille. A ce moment-là il dit avoir vu le conseiller de secteur Israël  partir et revenir avec BIGUMA. Quand ils sont arrivés, Israël était dans un véhicule, et devant lui, BIGUMA était dans un autre véhicule à double cabine blanche qui transportait des gendarmes et le bourgmestre NYAGASAZA. Les véhicules se sont arrêtés près du bureau de secteur de MUSHIRARUNGU qui était en construction.

Plusieurs membres de la population se sont dirigés vers le véhicule qui venait de se garer. Elieser a su que le gendarme qui était sorti du véhicule avec NYAGASAZA était BIGUMA par Israël. BIGUMA s’est adressé aux gens autour du véhicule et a dit qu’ils venaient d’attraper cet homme  en désignant le bourgmestre NYAGASAZA alors qu’il faisait passer des Tutsi par la frontière. Il a ensuite posé des questions à NYAGASAZA, notamment il lui a demandé où étaient les Inkotanyi. NYAGASAZA lui a répondu qu’il n’avait pas d’informations. BIGUMA aurait décrété : « Voyez-vous l’arrogance de cet homme ici ? ». Puis il lui a demandé d’ôter ce qu’il avait dans les poches, il a retiré un billet de 1000 francs. BIGUMA lui a ensuite demandé de s’étendre par terre. Le militaire qui était avec lui lui a tiré dessus sous ordre de BIGUMA. HATEGEKIMANA a ordonné à des gens autour d’enterrer le corps du bourgmestre.

Ensuite, selon le témoin, BIGUMA est descendu en contre-bas avec plusieurs gendarmes qui étaient restées près du véhicule et ils ont tiré sur les gens qui se trouvaient à NYABUBARE. Il a vu environ 50 assaillants marcher vers le sommet de la colline de NYABUBARE ou se trouvaient les Tutsi. A partir de là, il dit ne pas savoir ou exactement était positionné BIGUMA et les gendarmes, mais il a entendu des explosions et a vu la terre se soulever.

Le témoin, qui dit ne pas avoir été sur la colline de NYABUBARE lui-même admet tout de même avoir participé à des attaques notamment à BITARE à NDUZI, en mai 1994 et à la colline de NYAMIYABA. Il a été condamné et a demandé pardon

Audition de madame Marie-Jeanne MUKANSONEYE, partie civile déjà constituée (CPCR), en visioconférence de KIGALI.

Marie-Jeanne MUKANSONEYE est une partie civile représentée par le CPCR. Elle est originaire de la commune de NYABUBARE. Sa famille comprenait 10 membres au total, son père et deux de ses frères sont décédés avant 1994. Ils ne sont que 3 rescapés du génocide, les autres ont tous été tués en avril 1994. Marie-Jeanne avait 9 ans au moment des événements.

Marie-Jeanne raconte dans une déclaration spontanée, qu’après l’attentat contre l’avion du président, elle et sa famille ont commencé à dormir dehors pour échapper aux tueurs. En croisant beaucoup de Tutsi qui fuyaient des attaques, un bon nombre d’entre eux se sont regroupés et ont décidé d’aller se réfugié au sommet de la colline de NYABUBARE pour s’organiser se défendre : « On s’est dit qu’on allait pas être tués si on était tous ensemble ». Le groupe est resté sur place pendant plusieurs jours. Puis, ils ont vu arriver des gendarmes qui cherchaient Pierre NGIRINSHUTI, un ancien gendarme qui était aussi réfugié sur la colline. Les gendarmes avaient fouillé sa maison et avaient menacé les Tutsi présents de tous les tuer s’ils ne le trouvaient pas.

Après leur départ, Pierre leur a dit qu’ils ne voulaient pas le tuer que lui mais tous les Tutsi. Il a ensuite entraîné les réfugiés à se battre et à se défendre. Pendant plusieurs jours, des gendarmes et civils ont tenté d’attaquer la colline mais ils étaient repoussés par les Tutsi qui se défendaient avec des bâtons et des pierres. Après environ 4 attaques, est arrivée l’attaque finale. Marie-Jeanne raconte qu’elle a vu les gendarmes arriver et que Pierre a dit que c’était BIGUMA. Les gendarmes ont installé une arme sur la colline d’en face, la colline de MUSHIRARUNGU. Les Tutsi ont alors été bombardés par des obus qui soulevaient la terre et les corps. Ils se sont dispersés et ont tenté de fuir. Des Interahamwe les encerclaient et tuaient ceux qui avaient survécu aux tirs d’obus et de balles avec leurs armes traditionnelles.

Marie-Jeanne et sa mère ont été séparées par un obus qui leur est tombé dessus. Marie-Jeanne a tenté de fuir la colline. Elle raconte avoir trouvé un enfant qui tétait encore le cadavre de sa mère. Elle a pris l’enfant avec elle pour le sauver, mais un peu plus loin, un Interahamwe les a interceptés et après avoir arraché l’enfant des mains de Marie-Jeanne, il l’a tué l’enfant avec sa machette. Ensuite, il a levé sa machette pour tuer Marie-Jeanne qu’il a réussi à toucher, mais elle a réussi à se glisser entre ses jambes et à partir en saignant.

Dans sa fuite, Marie-Jeanne n’a pas réalisé qu’elle avait été touchée d’une balle à la cuisse. Elle est tombée dans un tas de corps et est restée ensevelie pendant 3 jours. En se réveillant, elle a réussi à se dégager en tirant sur un arbre et a continué son chemin. Elle a tenté de retourner chez elle pour se cacher, mais est tombée sur une de ses voisines et son mari qui se cachaient également. Elles sont parties ensemble à la nuit tombée en direction de MUSHIRARUNGU, mais en marchant dans les marais de Bishya, Marie-Jeanne s’est enfoncée dans la boue.

Des Interahamwe les ont trouvé alors qu’elle essayait de se dégager. Ils ont commencé à les frapper à coup de machette et de gourdin clouté. Puis, le mari voisin a réussi à convaincre les assaillants qu’ils étaient des Hutu qui fuyaient l’ancien militaire Pierre NGIRINSHUTI qui était armé. Les Interahamwe, convaincus, les ont aidés et conduits à REMERA.

Une fois à REMERA, le conseiller de NYANZA, ELIYA a reconnu Marie-Jeanne et a décidé de l’emmener chez sa tante maternelle qui était mariée à un Interahamwe en disant qu’ainsi, son mari pourrait la tuer lui-même. Le conseiller l’a alors fait monter dans un véhicule avec d’autres Tutsi et a fait plusieurs arrêts sur la route pour tuer progressivement les passagers. Il s’est notamment arrêté à l’étang de NYAMAGANA ou il a tué et torturé beaucoup de Tutsi et à l’orphelinat de GAKENYERI.

Après ces arrêts, le conseiller a conduit Marie-Jeanne chez sa tante et sa famille qui s’apprêtaient à fuir vers GIKONGORO et qui ont accepté de la prendre avec eux. Marie-Jeanne est donc arrivée à GIKONGORO dans la zone Turquoise. Elle a perdu sa tante qui a fui autre part, et a rejoint un camp de réfugiés. Au sein du camp, elle a de nouveau survécu à une attaque d’un Interahamwe qui l’a reconnu. Et elle a été témoin de la torture et du meurtre de Azaliya MPIRWA par plusieurs gendarmes à la suite d’une réunion que BIGUMA aurait organisé à GAHONGO au cours de laquelle il aurait appelé à « tuer celui qui avait empêcher de tuer les Tutsi ».

Plus tard, un homme a aidé Marie-Jeanne à rejoindre le FPR qui était de l’autre côté de la rive de la rivière MWOGO en la faisant monter à bord d’un camion-citerne qui contenaient 18 autres réfugiés Tutsi. Quand ils sont arrivés auprès des soldats du FPR, un grand nombre d’entre eux s’étaient noyés dans la citerne. Après ce trajet, Marie-Jeanne a été soignée, nourrie et protégée par les soldats du FPR qui l’ont ensuite remise à son oncle maternel. Elle a retrouvé ses deux frères survivants quelques années après le génocide.

Audition de monsieur Esdras SINDAYIGAYA, cité à la demande du ministère public.

Le témoin, en réponse aux questions de monsieur le président LAVERGNE, donne des précisions sur ses activités lors du génocide à NYANZA en 1994.

« En 1994, j’étais agriculteur. J’ai appris l’attentat contre l’avion du président HABYARIMANA comme les autres. J’ai vu le génocide de mes propres yeux. En 1994, quand la « guerre » a éclaté, j’étais déjà un homme et j’ai vu des gens tuer, des vaches se faire manger. Chez nous, les massacres ont commencé un vendredi et se sont poursuivis le jour du sabbat. C’était en avril. J’habitais à MUSHIRARUNGU, comme aujourd’hui. »

Monsieur le président propose de projeter une carte de la commune de NYANZA. Pour ceux qui étaient dans le public, il était impossible de repérer les lieux évoqués. Le président questionne le témoin sur l’emplacement des barrières. Lui ne connaît que celle de GAKONI, proche de l’église adventiste. Quant à la barrière de MUSHIRARUNGU, c’est celle qui se trouvait au centre commercial Blanc-Bleu.

Selon le témoin, les attaques du vendredi, peu connues, ont été repoussées. Par contre, il est témoin oculaire de celles qui se sont déroulées le samedi. C’est ce jour-là que le bourgmestre Nyagasaza a été tué par balles, près du bureau communal. Les Tutsi avaient commencé à fuir leurs collines depuis deux ou trois jours. Les patrouilles ou les rondes avaient commencé avec des gens venant de GIKONGORO, mais des personnes de MUSHIRARUNGU ont participé après.

Ce sont les conseillers qui demandaient de lutter contre l’ennemi tutsi: Israël DUSINGIZIMANA, Emmanuel KAMUHANDA ou encore NGIRABATWARE. Lors des patrouilles, les maisons des Tutsi étaient fouillées, voire incendiées. Tous ses voisins tutsi ont quitté leur maison.

Le jour de la grande attaque, les gendarmes sont arrivés avec Israël, avec à leur tête Philippe HATEGEKIMANA, alias BIGUMA. Le témoin habitait tout près de chez Pierre NGIRINSHUTI.

Comment avait-il su que BIGUMA était présent sur les lieux des massacres? Le témoin dit qu’il le connaissait avant, depuis leur jeunesse. Il était originaire de RUKONDO, aujourd’hui NYAGISOZI. Monsieur SINDAYIGAYA ne lui a pas parlé mais quand il s’est adressé à la population, il a commencé par dire: « Moi, BIGUMA». Il a ajouté: « Il faut tuer les Tutsi ».

Concernant les événements qui se sont déroulés chez Pierre NGIRINSHUTI, le témoin rapporte qu’on a commencé par jeter une grenade sur la maison mais Pierre était absent. Beaucoup de Tutsi présents ont été tués, certains ont réussi à s’enfuir. Les militaires (ou les gendarmes) avaient des armes à feu; la population des armes traditionnelles.

Il y aurait eu, selon le témoin, plus de deux cents victimes ce jour-là, enterrées à la demande du conseiller Israël. Les corps dispersés ont été rassemblés et jetés dans un trou qu’ils avaient dû creuser, comme s’ils avaient participé à l’Umuganda (travaux communautaires).

Le témoin a participé à l’attaque car il y était obligé. Il était armé d’un gourdin. Si on ne tuait pas un Tutsi qu’ils rencontraient, ils pouvaient se faire tuer eux-mêmes.

Concernant François HABIMANA, un témoin qui sera entendu le jeudi 5 juin, il l’a très bien connu. Maître PHILIPPART lui demande ce qu’il sait de lui. « C’est moi-même lui qui lui ai proposé de dire à BIGUMA qu’il était de mère tutsi et de père hutu,  qu’il était le beau-frère d’un certain Vincent, un Interahamwe bien connu. » C’est ainsi que l’accusé l’a fait monter dans sa voiture en lui promettant de le tuer s’il lui avait menti. HABIMANA est le seul à avoir été sauvé de cette manière.

Invité à regarder en direction du box où est assis BIGUMA, le témoin dit que c’est bien lui, BIGUMA. Ce dernier, par contre, comme chaque fois qu’on lui a posé la question, ne connaît pas celui qui lui fait face.

Sur question de madame AÎT AMOU, le témoin est amené à expliquer le proverbe souvent cité: «Si le serpent s’enroule autour de la cruche, il faut tuer le serpent et la cruche avec. » Ce qui veut dire que si un Hutu cache un Tutsi, il subira le même sort que celui qu’il protégeait.

Alors qu’il avait reconnu BIGUMA sur la planche photographique qu’on les enquêteurs français lui avaient présentée, il conteste les propos de madame l’avocate générale. En réalité, il n’a probablement pas compris la remarque qu’on venait de lui faire.

L’audition du témoin va se terminer par une rafale de questions de l’avocat de la défense. Plus d’une cinquantaine de questions qui irritent le témoin. Devant l’Assemblée nationale, on parlerait « d’obstruction ».  L’avocat ne manque pas de souligner les contradictions du témoin mais dans son désir de trop bien faire, il va jusqu’à lui demander si MUSHIRARUNGU dépend de KIGALI. L’avocat veut faire dire à tout prix au témoin qu’il a été « préparé » avant sa venue devant la cour, un argument éculé qu’on entend à chaque procès. L’interrogatoire se terminera dans la confusion, l’avocat de la défense allant même jusqu’à reprocher au président d’avoir manifesté son agacement qui pourrait influencer les jurés. Pas sûr que la méthode serve son client qui, dans son box, semble se désintéresser de ce qui se passe dans la salle. Chaque fois qu’on lui donne l’occasion de s’exprimer, il répond qu’il n’a rien à dire. (Fin).

Compte rendu réalisé par Margaux Gicquel, Alain Gauthier, Jacques BIGOT pour les notes et la mise en page pour le compte du CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda)