Un officier de liaison de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité aura son bureau à l’Ambassade de France dès Septembre prochain

L’Ambassadeur de France à Kigali, Antoine Anfré.

Dès le 20 Septembre de cette année 2021, un Officier de liaison de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH) aura son bureau dans les locaux de l’Ambassade de France à Kigali, et fera le lien entre le Parquet de Paris et le Parquet de Kigali, en matière de poursuite contre des suspects du Génocide des Tutsi du Rwanda, selon l’Ambassadeur de France à Kigali, Antoine Anfré. Ecoutons ses propos sur ce sujet :

« Alors en termes des moyens, comme vous le savez sans doute, il y a au sein du parquet national anti-terroriste à Paris un pôle « crime contre l’humanité » et ce sont les juges de ce pôle qui instruisent les affaires contre les présumés génocidaires. Par exemple, depuis que je suis ici, je suis arrivé le 12 juillet, j’ai rencontré une juge d’instruction française qui fait partie de ce pôle qui a passé 15 jours à Kigali et qui a rencontré le procureur général de Kigali avec qui elle est en contact quasi-quotidiennement puisqu’il va y avoir un procès je ne sais plus si c’est en septembre ou en novembre contre un présumé génocidaire. Il y aura un autre procès, je suis en contact avec une autre juge toujours du même pole,  qui portera l’accusation pour un procès qui aura lieu fin novembre début septembre.  

Donc on est conscient que pendant des années, il n’y a pas eu d’efforts suffisants en la matière. Maintenant il y a un phénomène de rattrapage qui est aussi compliqué, parce que moi je ne suis pas spécialiste de la justice pénale. Mais ce que j’ai compris, c’est que pour le travail de ces juges pour monter des dossiers à charge contre les présumés génocidaires, il ne suffit pas seulement d’avoir de l’intelligence, des informations des services secrets, des historiens, il faut des témoignages. 

Le génocide a eu lieu il y a 27 ans, beaucoup de ceux qui ont commis ces crimes n’ont pas laissé des traces écrites ou on fait en sorte que ces traces écrites disparaissent. Maintenant, ces procédures sont fondées sur des témoignages oraux. Et les témoignages oraux souvent avec le temps, c’est souvent compliqués. Il faut que ces témoignages soient cohérents, aillent dans le même sens, sinon évidement la défense s’empare des éventuelles contradictions qui peuvent exister. Et donc, la priorité pour ces juges français que j’ai pu voir, et qui sont des juges avec  moins de 40 ans, qui sont des juges très motivés, c’est de réunir des dossiers les plus solides possibles pour que les procès puissent aboutir.

Il n’a y a rien qui serait plus négatif qu’un procès qui démarre et qui aboutit par un non-lieu. On sait que la personne a une part de résistibilité, mais en même temps, si la justice ne peut pas le caractériser dans le cadre d’un procès d’assises, voyez-vous que c’est presque une régression. Donc, ce que je veux dire, c’est que c’est un dossier qui est compliqué.

On est conscient des enjeux en France, on est conscient des attentes, on sait que ces attentes sont légitimes. Les innombrables victimes du génocide méritent que justice leur soit rendue. Il faut que justice soit faite. Mais la justice, c’est quelque chose qui est indépendant, qui n’est pas soumis au pouvoir politique. Le code de procédures pénales en France est plus compliqué que le code administratif. Je suis un fonctionnaire, je ne suis pas un juge. Ce que je sais, c’est qu’un dossier pour un procès d’assises est un énorme travail. Il y a des moyens qui ont été mis en œuvre pour renforcer les magistrats de ce pôle « crime contre l’humanité ».

On a aussi un Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité  avec des policiers et des gendarmes. Cet office central est en fait le bras armé des juges. Les moyens de cet office central ont été aussi augmentés. On va avoir à l’Ambassade d’ici normalement le 20 Septembre un officier de liaison qui vient de cet office central dont le rôle sera de faire le lien entre cet Office central, le pôle « crime contre l’humanité » du parquet national anti-terroriste de Paris et le parquet de Kigali. Il sera un officier supérieur de gendarmerie qui aura un bureau dans les locaux de l’Ambassade et qui aura cette mission.

Donc, on se donne les moyens de faire que ce qu’on a fait jusqu’à présent, après je préfère être honnête, on espère aboutir. On comprend qu’il faut aboutir aussi parce que ces gens vieillissent. Kabuga a 87 ans. Lui en revanche, il sera jugé à la Haye. Mais il est clair que la France fournira tout ce qu’elle peut fournir. Son arrestation à Amiens après des années de clandestinité, c’est le résultat du travail de cet Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité. C’est un travail effectivement sans doute qui aurait dû être fait avant. C’est clair, Mais comme on dit, il n’est jamais trop tard pour bien faire, même si sans doute, ça aurait été mieux que ça soit fait avant ».

L’Ambassadeur Anfré s’est exprimé sur le cas de Madame Agathe Kanziga, résidant actuellement en France, et veuve de feu Président Habyarimana :

« Par rapport à Agathe Habyarimana, je pense que c’est un sujet douloureux pour beaucoup de gens, y compris en France. Après, comme je vous le disais, il est indispensable d’avoir un dossier qui tient la route devant une juridiction. Faire un dossier qui tienne la route devant une cour d’assises, c’est plus qu’un travail de journalisme. Les journalistes, les historiens, peuvent y contribuer. Mais c’est en  fait un travail des juges fondé sur des témoignages qui ne doivent pas se contredire, qui doivent être cohérents.  C’est un très long travail, c’est un travail compliqué. Ce que je pense quand même, c’est que ces gens qui ont estimé pendant des années que la France pouvait leur être un sanctuaire, maintenant ils savent que ce n’est plus le cas. Et ça, c’est quand même une bonne chose ». (Fin)