«Urgence à améliorer nos outils de production, les infrastructures énergétiques, numérique, de la logistique et du transport» – Macky Sall

Mme Aïssata Tall Sall, Ministre des Affaires étrangères du Sénégal

Niamey: Le Président Macky Sall du Sénégal, et Président en exercice de l’Union Africaine, a ouvert le Sommet de Niamey sur l’Industrialisation en soulignant l’urgence d’améliorer les outils de production, les infrastructures énergétiques, numériques, de la logistique et du transport ». Lire son discours lu par sa Ministre des Affaires étrangères, Mme  Aïssata Tall Sall:    

Au nom de l’Union Africaine, je voudrais vous remercier, cher frère Mohammed BAZOUM,ainsi que le peuple nigérien, pour l’accueil chaleureux que vous nous avez réservé, et toutes les dispositions prises pour la bonne organisation de nos travaux. 

Ce Sommet vient à son heure. Avec le triple impact du réchauffement climatique, de la pandémie COVID-19 et de la guerre en Ukraine, nous mesurons en effet tous les jours combien nos pays restent vulnérables aux aléas de la nature et aux chocs exogènes. 

C’est dire que si les questions de paix et de sécurité s’imposent à nous, il nous faut, de façon volontariste, consacrer plus de temps aux priorités économiques de l’agenda 2063 si nous voulons accélérer le processus de développement et d’intégration de notre continent. 

Cela est d’autant plus nécessaire que l’Afrique a le potentiel de ses ambitions d’émergence et d’intégration : 30 millions de km2 ; 1,4 milliard d’habitants ; 60% des terres arables non exploitées du monde ; 40% des réserves mondiales d’or ; 85 à 95% des réserves de métaux du groupe du chrome et du platine ; 85% des réserves de phosphates ; plus de 50% des réserves de cobalt et un tiers des réserves de bauxite ; sans compter ses importantes ressources hydriques, gazières et pétrolières. 

A trois ans de la fin de la 3e Décennie du développement industriel de l’Afrique, il nous faut donc davantage travailler pour rompre le cercle vicieux de l’échange inégal qui fait de l’Afrique un réservoir de matières premières exploitées à bas coût, et dont une partie nous est ensuite revendue à des prix exorbitants. 

Il y a urgence à améliorer nos outils de production, y compris les infrastructures énergétiques, du numérique, de la logistique et du transport pour soutenir la productivité de nos industries. 

Il y a urgence à assurer l’employabilité de nos jeunes en développant davantage la formation technique et professionnelle, pour que, du soudeur à l’ingénieur de conception, nos pays puissent disposer du capital humain apte à soutenir la transformation structurelle de l’industrie à tous les niveaux : de la petite PME-PMI à la grande unité de production.  

Sans un capital humain de qualité, nos ressources continueront d’être spoliées, et le dividende démographique sera plus un handicap qu’un avantage pour stimuler le développement du continent. 

J’attire également l’attention de notre sommet sur la nécessité de vaincre les lourdeurs procédurales et bureaucratiques qui freinent le processus de préparation et d’exécution de nos projets. 

Sur le chemin de l’émergence, il ne doit pas y avoir de temps à perdre dans des formalités et lenteurs indues.

Si les règles de transparence et de reddition des comptes restent une exigence normale de bonne gouvernance, elles ne devraient pas constituer des entraves à l’efficacité du processus décisionnel qui inspire et ajuste les politiques de développement.

Cela est d’ailleurs valable aussi bien pour nos Etats que pour les partenaires techniques et financiers, bilatéraux et multilatéraux.  

Au demeurant, l’industrialisation et la transformation structurelle de nos économies restent également tributaires de la gouvernance mondiale.

Certes, nous avons la responsabilité de prendre les bonnes décisions au plan interne et interafricain. Mais nos efforts de développement seront vains tant que le système économique et financier international continuera de maintenir nos pays dans un corset de règles et pratiques qui freinent les flux d’investissement vers l’Afrique, au moment où nous avons le plus grand besoin de financements à des conditions soutenables. 

C’est tout le sens du plaidoyer que je mène sans relâche depuis le début de mon mandat à la tête de notre Union sur plusieurs fronts : 

➢Premièrement, la réforme, par l’OCDE, des conditions d’accès au crédit export, en assouplissant les règles sur les taux du crédit et la durée des délais de grâce et des périodes de remboursement. 

Cela permettrait de mobiliser plus de ressources pour le financement des projets de développement, y compris par l’investissement privé et le partenariat public privé. 

➢Deuxièmement, la lutte contre les congés fiscaux abusifs, l’évasion et l’optimisation fiscales qui privent nos pays d’importantes ressources financières, alors même que l’impôt doit être payé là où l’activité génère la richesse. 

➢Il est heureux que l’OCDE ait adopté en octobre 2021 l’Accord historique sur l’impôt minimum mondial de 15 %, marquant une étape significative dans la lutte contre les pratiques fiscales anormales.

Dans le même esprit, j’appelle à une adhésion massive de nos pays de la Convention multilatérale BEPS pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. 

➢Troisièmement, la lutte contre la perception exagérée du risque qui renchérit les primes d’assurance et le coût de l’investissement sur le continent. 

Des études récentes ont en effet montré comment les notations des agences d’évaluation sont biaisées par des critères sans rapport avec l’économie, comme des facteurs linguistiques et culturels. 

Ces manquements ont d’ailleurs été critiqués dans le Rapport 2022 sur le financement du développement durable publié en avril dernier par une soixantaine d’institutions internationales, dont le FMI et la Banque mondiale ; 

➢Quatrièmement, une transition énergétique juste et équitable, qui permet à nos pays d’utiliser leurs propres ressources pour satisfaire leurs besoin d’industrialisation à des coûts compétitifs et assurer l’accès universel à l’électricité dont plus de 600 millions d’africains restent encore privés. 

Au demeurant, plusieurs de nos pays mettent en œuvre des stratégies de mix énergétique pour un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique. 

D’ailleurs, en matière d’adaptation au changement climatique, ce sont plutôt nos pays qui financent leurs projets verts, notamment les infrastructures, en recourant à la dette, puisque les engagements financiers convenus pour soutenir les efforts d’adaptation des pays en développement tardent à se concrétiser.

En mettant en place la Zone de libre-échange continentale africaine, nous avons réalisé le rêve que les pères fondateurs de notre Organisation ont consigné dans la Déclaration d’engagements de Monrovia, le Plan d’action de Lagos et le Traité d’Abuja. 

Je salue les efforts remarquables que notre frère, le Président Mahamadou Issoufou, continue de consacrer à la promotion de la ZLECAf avec l’appui du Secrétariat. 

A ce jour, 44 Etats Parties ont ratifié l’Accord portant création de la ZLECAf. J’exhorte vivement les autres Etats signataires à faire de même.

Avec le lancement de l’Initiative du commerce guidé de la ZLECAf, qui permet l’échange de98 produits dans le cadre du régime commercial préférentiel de la Zone, un pas important est franchi vers l’intensification du commerce intra africain qui ne représente actuellement que moins de 17% des échanges extérieurs du continent. 

J’engage instamment nos pays à mettre en place les systèmes douaniers de la ZLECAf et à adopter l’Initiative du commerce guidé comme outil de promotion des échanges commerciaux intra africains.

Il est tout aussi important d’offrir au secteur privé les facilités prévues par l’Accord et les mécanismes de la ZLECAf, en levant les obstacles tarifaires et non tarifaires aux échanges.  

D’autre part, en même temps que nous appliquons nos textes, il est fondamental de poursuivre la construction d’infrastructures de base pour le transport et la logistique. 

Le commerce et l’intégration resteront des vœux pieux si nous demeurons isolés les uns des autres, et si pour voyager à l’intérieur du continent, nous sommes parfois obligés de transiter par l’extérieur.  

Au-delà des textes, c’est par les routes, les autoroutes, les ponts, les ports, les aéroports et le chemin de fer que nous pourrons faciliter les investissements et la libre circulation des personnes et des biens indispensables à l’intégration. 

D’autre part, la pandémie Covid-19 nous rappelle la nécessité de mieux coordonner nos efforts en matière de production, de commercialisation et de transport d’équipements et produits médicaux et pharmaceutiques pour répondre aux urgences sanitaires.

J’engage l’Union Africaine et ses agences, notamment l’AUDA-NEPAD, l’AgenceAfricaine du Médicament, Africa CDC et le Secrétariat de la ZLECAf, à travailler en synergie dans ce sens, sur la base du régime des droits de propriété intellectuelle de la ZLECAf. 

Ces efforts sur la santé viendront ainsi en complément de ceux que nos Communautés économiques régionales et institutions financières comme la BAD et AFREXIMBANKdéploient en soutien au commerce et à l’intégration africaine. 

Je félicite le Secrétariat exécutif de la ZLECAf pour ses efforts et remercie la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel pour leur soutien.

Je déclare maintenant ouvert le Sommet extraordinaire de l’Union sur l’Industrialisation et la Diversification économique, et sur la Zone de libre échange continentale africaine. Je vous remercie de votre attention. (Fin)