Le Premier Ministre burundais menace de tuer tous les collaborateurs de rebelles rwandais basés dans la Kibira

Au milieu, le premier ministre burundais Gervais Ndirakobuca en marge de la réunion avec les représentants administratifs, les responsables sécuritaires et des habitants à Mabayi, le 22 août 2023

L’annonce a été faite ce mardi en marge d’une réunion du Premier Ministre Gervais Ndirakobuca avec les représentants administratifs, les responsables sécuritaires et des habitants de la commune de Mabayi, en province de Cibitoke (nord-ouest du Burundi). Il a également déclaré que les autorités burundaises vont organiser un recensement pour renvoyer chez eux les Rwandais qui vivent à Mabayi. 

Récemment, un responsable communal des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD) a été tué par des rebelles rwandais basés dans la réserve naturelle de la Kibira. L’administrateur communal, deux autres administratifs et trois Imbonerakure ont été arrêtés. Ils sont soupçonnés de collaborer avec les rebelles, selon le Collectif SOS Médias Burundi qui livre cette information. 

Ce mardi, Gervais Ndirakobuca, ancien rebelle Hutu et natif de la commune voisine de Bukinanyana était très enragé. Selon lui, les habitants de Mabayi qui collaborent avec les rebelles rwandais s’exposent à des menaces, conséquences et problèmes inimaginables.

 «Vous jouez avec le feu », a-t-il affirmé.

Plan de tuer tous les collaborateurs de rebelles rwandais

Gervais Ndirakobuca a été on ne peut plus clair. Tous les habitants qui collaborent avec les rebelles rwandais installés dans la réserve naturelle de la Kibira s’attirent les foudres des autorités burundaises.

« Vous risquez d’enterrer au moins 300 personnes à la fois. On n’acceptera pas que nos militaires se fassent tuer tout le temps. Pourquoi vous aidez ces gens ? S’ils ont des revendications qu’ils aillent réclamer ça dans ce pays (le Rwanda) et qu’ils aillent s’y ravitailler. Ils risquent de causer beaucoup d’autres problèmes que vous ne l’imaginez”, a-t-il déclaré sous un ton très sévère.

Et de renchérir: “cessez de collaborer avec ces gens avant qu’il ne soit trop tard ».

Une partie de la Kibira où sont rapportés les rebelles rwandais du groupe armé FLN

Probable isolement de la commune de Mabayi

Selon M. Ndirakobuca, la situation qui prévaut à Mabayi ne profite ni à la commune de Mabayi ni à la province de Cibitoke, encore moins à la nation burundaise.

« Voulez-vous que l’on enterre les cadavres chaque jour comme c’était le cas durant la guerre civile? Voulez-vous que les gens passent la nuit dans la brousse en train d’être piqués par des moustiques, qu’ils soient exposés à toute forme de maladie ? C’est ça que vous voulez revivre ici à Mabayi ? Il s’agit d’un dernier avertissement », a déploré Gervais Ndirakobuca.

Et de continuer « La paix n’a pas de prix. Si demain nous décidons de fermer les routes pour que les camions qui transitent par ici en provenance de Ngozi (nord) transportant la farine, si nous fermons du côté de la commune de Rugombo (même province de Cibitoke) et empêchons tous les transporteurs de vivres de venir ici à Mabayi, vous allez souffrir. Vous aurez des problèmes et malheureusement c’est l’étape suivante. On n’a pas de choix ».

Recensement de ressortissants rwandais afin de les refouler

Le premier ministre burundais a annoncé également « un recensement dans le but de dénombrer tous les Rwandais qui vivent à Mabayi pour les refouler vers le Rwanda”.

Emprisonnement des administratifs corrompus

L’ancien rebelle Hutu a été très clair. Les autorités de la petite nation de l’Afrique de l’est ne veulent plus entendre parler de représentants administratifs qui collaborent avec les rebelles rwandais ou leur offrent un service.

« Aujourd’hui j’ai fait appel à vous les habitants parce que je veux que toute la vérité soit dite. Nos représentants dans les zones et sur les collines, ceux-là qui ont vendu leur âme au diable, révélez leur identité ici tous. Si vous avez peur, venez me le dire en secret. Nous allons tous les envoyer en prison […] et nous allons les libérer quand la paix et la sécurité seront revenues », s’est-il insurgé.

Il a qualifié les collaborateurs des rebelles rwandais « de tiques dans nos vêtements », disant qu’il est inacceptable de les garder.

Pour Gervais Ndirakobuca, il n’y a pas de paix à Mabayi.

Dans la nuit du 9 août dernier, Isidore Niyongabo alias Maisha, responsable communal des Imbonerakure a été tué par des rebelles rwandais affiliés au groupe armé FLN, selon les sources contactées par SOS Médias Burundi.

Dans la foulée, l’administrateur communal de Mabayi Nicodème Ndahabonyimana, deux autres administratifs locaux et trois Imbonerakure ont été interpellés. Ils sont incarcérés dans un cachot du SNR (Service national des renseignements) dans la ville commerciale de Bujumbura. Il leur est reproché de collaborer avec les rebelles.

Bénéficiant d’une complicité de certains hauts gradés de l’armée et responsables administratifs en échange de l’or exploité illégalement dans la forêt naturelle de la Kibira notamment, les rebelles rwandais installés dans cette immense forêt perdent de plus en plus de soutien ces derniers temps suite au réchauffement diplomatique entre Kigali et Gitega, selon des sources sécuritaires.

Récemment, au moins six d’entre eux ont été tués dans des combats avec la FDNB (Force de défense nationale du Burundi), plusieurs autres capturés et blessés. Ils sont soignés et détenus dans la capitale économique. Lors des dernières années, plusieurs commerçants, autorités locales et membres de la ligue des Imbonerakure ont été arrêtés et envoyés en prison pour avoir coopéré avec ces rebelles. Ils sont pour la plupart détenus à la prison centrale de Bujumbura dite Mpimba.

« Les autorités burundaises devraient cesser avec ces mises en garde éternelles et passer à l’action », estime un journaliste burundais qui connaît le dossier. (Fin)