Le Rwanda qui a vécu un génocide comprend la gravité de l’Holocauste

Le  Ministre Bizimana prononce son discours 

Le Ministre rwandais de l’Unité Nationale et Engagement Civique, Dr Bizimana Jean Damascène, a rappelé la nécessité de sensibiliser les jeunes aux dangers de l’idéologie d’intolérance et de haine qui précède la perpétration de tout génocide.

L’homme d’Etat rwandais a fait cette indication à Kigali lors d’une cérémonie dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, c.-à-d. le génocide commis contre les Juifs entre 1940 et 1945. 

En tant qu’Etat qui a été victime du génocide commis contre les Tutsi en 1994, le Ministre a dit que le Rwanda comprend la gravité de l’Holocauste. 

Ci-dessous l’intégralité du discours du Ministre Bizimana Jean Damascène.  

Au nom du Gouvernement rwandais, je commence par exprimer aux survivants de l’Holocauste ainsi qu’à leurs familles et amies ma profonde solidarité et sympathie pour la mémoire des victimes. Le Gouvernement rwandais est à vos côtés pour se souvenir de cet horrible événement et s’incliner avec vous à la mémoire des victimes.

En effet, depuis le 1er novembre 2005, l’Assemblée générale des Nations unies a choisi la date annuelle du 27 janvier comme jour de mémoire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau par les Alliés en 1945 et organise la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Rappelons que dans ce camp d’extermination d’Auschwitz, plus d’un million cent mille Juifs y ont péri dans des conditions atroces.

Merci pour avoir organisé cette journée de souvenir dans ce Mémorial de Kigali ; c’est l’occasion commune d’engager une réflexion sur l’Holocauste et de rappeler les valeurs profondes qui fondent l’humanité que l’Holocauste a outrageusement bafouées.

La mémoire de l’Holocauste est une nécessité historique que l’humanité entière doit se souvenir dans le but de rappeler sa cruauté, d’informer les jeunes générations sur sa gravité ainsi que sur le danger du négationnisme qui est la poursuite de l’Holocauste sous une autre forme.

Un moment comme celui-ci est une occasion particulière pour redonner vie à l’humanité bafouée par la Shoah et de s’adresser plus particulièrement aux jeunes de notre temps qui n’ont pas connu ce drame sans nom et les sensibiliser aux dangers de l’idéologie d’intolérance et de haine qui précède la perpétration de tout génocide.

C’est aussi un moment d’interpeller les jeunes de notre temps à s’engager contre les stéréotypes et les clichés raciaux et ethnistes et les mobiliser pour œuvrer en faveur de l’unité et de la paix en vue de la construction d’un monde paisible et pacifié.

Les témoignages qui accompagnent ce moment de souvenir d l’Holocauste nous aident à nous rappeler qu’il y a eu des périodes de l’histoire récente, lors de la Shoah, entre 1940 et 1945, tout comme lors du génocide commis contre les Tutsi en 1994 où l’homme a commis l’irréparable en exterminant son semblable, n’épargnant ni bébés et nourrissons, ni malades sur les lits des hôpitaux ou encore des réfugiés dans des synagogues et lieux de culte. C’est cela le génocide, ce crime sans nom.

Cette commémoration de l’Holocauste nous rappelle que nous avons un devoir envers les jeunes générations du monde. Ces jeunes doivent connaître le passé pour leur permettre de faire tout ce qui est possible pour que les leçons de l’Holocauste servent à lutter contre la perpétration d’autres génocides et d’unir leurs efforts pour combattre sa négation.

Cela est important car l’histoire montre souvent que sans une attention de tous les jours, les drames de l’ampleur de l’Holocauste sont capables de se reproduire partout dans le monde.

Souvenons-nous en effet qu’en 1945, les Nations Unies avaient institué la Charte qui avait pour but de prévenir tout autre génocide. Trois ans plus tard, en 1948, les Nations Unies ont adopté la convention pour la prévention et la répression du génocide qui avait pour prétention de prévenir tout génocide. Une année après, en 1949, les Nations Unies ont adopté une série de conventions de droit international, les conventions de Genève qui réglementent le droit des conflits armés.

Cet arsenal juridique n’a pas suffi pour empêcher au monde de connaître d’autres génocides après l’Holocauste comme l’attestent les événements survenus en Ex-Yougoslavie en 1993 et au Rwanda en 1994, pour ne citer que ces deux cas parmi les plus graves qui ont marqué la fin du 20ème siècle.

Tout ceci pour dire que la fin de l’Holocauste et l’extermination de plus de six millions de Juifs n’a pas suffi pour donner au monde la paix stable qui s’imposait. Il existe toujours un échec de la Communauté internationale dans la prévention et la répression des génocides et autres crimes graves définis par le droit international.

Pour vaincre cette faille, il faut une coopération régulière de tous les Etats pour perpétuer la mémoire de l’Holocauste en réprimant d’une part les auteurs du génocide partout où ils se trouvent, et d’autre part, en mettant en place, dans chaque Etat, des lois qui répriment le négationnisme.

Le négationnisme de l’Holocauste et celui de tout autre génocide ne doit pas être toléré. Le négationnisme n’est pas une opinion, c’est un délit qui doit être puni par la loi partout où il se produit. Le négationnisme est une nouvelle forme de génocide. L’historien français Pierre Vidal Naquet le dit correctement quand il note que le négationnisme est une tentative d’extermination sur le papier qui relaie l’extermination réelle.

Dans ce domaine, le Rwanda accorde beaucoup d’importance à la mémoire de l’Holocauste. Dans nos sites de mémoire, l’Holocauste y est expliqué aux visiteurs. Dans les programmes scolaires, les jeunes rwandais apprennent l’histoire de l’Holocauste. Au niveau de la recherche, le Rwanda favorise des programmes d’échange avec les Instituts d’histoire de l’Holocauste et envoie des Rwandais pour visiter les musées de l’Holocauste à travers le monde. Il y a aussi un échange d’étudiants et d’enseignants et un partenariat entre associations rwandaises et juives qui luttent, dans différents pays, pour la mémoire de l’Holocauste et du génocide des Tutsi.

Sur le plan pénal, la législation rwandaise réprime à la fois le génocide et la négation de tout génocide reconnu par les Nations Unies ou par un Tribunal international. Cela signifie que toute personne qui oserait nier, sur le territoire rwandais, la réalité de l’Holocauste, serait passible de poursuites pénales.

A travers la participation à cette commémoration de l’Holocauste, le Rwanda réaffirme son engagement indéfectible à lutter contre l’antisémitisme, le racisme et les autres formes d’idéologie de la haine qui peuvent conduire à l’extermination ciblée sur un groupe.

Le Rwanda, en tant qu’Etat qui a vécu un génocide, nous comprenons la gravité de l’Holocauste autant que vous. La Shoah est un crime qui affecte profondément notre pays et nous avons un devoir de solidarité.

Nous avons la responsabilité collective de commémorer en commun et de traiter solidairement les conséquences de l’Holocauste et du génocide commis contre les Tutsi, notamment dans le traitement des traumatismes résiduels, dans l’organisation des politiques de mémoire, dans la préservation des sites historiques, dans la promotion de l’éducation et de la recherche.

Cette responsabilité implique de faire connaître les causes, les conséquences et la dynamique de ces crimes afin de renforcer la résilience des jeunes face aux idéologies de la haine.

Je conclus en réitérant encore une fois ma solidarité aux victimes de l’Holocauste, aux survivants ainsi qu’aux Etats d’Israël et d’Allemagne qui unissent leurs efforts pour commémorer en commun l’Holocauste, et en tirer des leçons d’humanité pour l’avenir.

Le Gouvernement rwandais sera toujours à vos côtés pour que Never Again soit à jamais une réalité de tous les instants. (Fin)