L’orpheline du Génocide Grâce Umutoni retrouve sa famille grâce à l’ADN, juste vingt-six ans après la mort de ses parents

Grâce Umutoni et un de ses oncles maternels

C’est finalement ce Mercredi 22 Juillet 2020 que la jeune infirmière, Grâce Umutoni,  rescapée du Génocide des Tutsi, a retrouvé sa famille par le recours au test de l’ADN, juste vingt-six ans après l’extermination de ses parents en 1994.

Les résultats des tests ADN que Grâce brandit dans ses mains indiquent qu’Antoine Rugagi du district de Rubavu est son oncle maternel. Réel ouf de soulagement pour cette jeune fille qui est  maintenant connectée à un oncle maternel, frère de sa mère. Elle a maintenant une identité. Elle pourra savoir à quoi ressemblaient sa famille, ses parents. Elle connaîtra ses origines.

«Je ne sais rien de ma vie avant le Génocide. Je ne sais pas qui étaient mes parents, leurs noms, comment ils sont morts, où ils sont enterrés. Tout le monde m’appelle Rafiki, mais je ne sais même pas si c’était mon vrai nom ou juste un surnom de mes parents », avait confié cette infirmière professionnelle.

Grâce aux encouragements de ses amies, la jeune Grâce a fait circuler dans le grand public sur facebook une fiche avec sa photo pour tenter de chercher ses origines. Par un heureux hasard, son oncle Rugagi résidant à Rubavu a décidé de suivre la piste. La large affiche diffusée allait dans le sens de convaincre Rugagi que Grâce est sa nièce.

«Rugagi a vu la photo et a décidé de suivre la piste. Il est même allé chercher les femmes qui avaient travaillé à l’orphelinat où vivait Umutoni, il y a 26 ans. Quand il a finalement rassemblé les pièces, il a contacté Umutoni pour un test ADN et les résultats d’aujourd’hui indiquent qu’ils correspondent. Il est le frère de sa mère. Les résultats publiés le Mercredi 22 Juillet placent la probabilité qu’ils soient des parents à 82,9% », témoigne une amie d’Umutoni Grâce.

Retour aux racines de Grâce

On est en plein Génocide en 1994. Grâce, qui a deux ans, confuse et effrayée, se présente à l’Hôpital King Faysal de Kigali, en compagnie de son frère identifié comme Yves.

Après une inspection minutieuse, il a été découvert qu’Yves, cinq ans, avait été blessé par balle dans la paume et les côtes, alors qu’il s’enfuyait de chez eux. Lorsque les combats pour prendre  Kigali se sont intensifiés, les deux faisaient partie des centaines d’enfants non accompagnés qui ont été secourus par des soldats de la RPA-Inkotanyi et emmenés à l’hôpital neuropsychiatrique de Ndera où un orphelinat avait été improvisé.

A Ndera, les femmes qui se portaient à l’époque volontaires pour s’occuper des enfants, ont pu extraire d’Yves de rares informations, avant qu’il ne décède des suites de ses blessures. D’après ces informations, Umutoni savait maintenant que sa maison était située à Nyamirambo, une banlieue de Kigali, et qu’elle était la deuxième de trois enfants.

Outre Yves, son jeune frère, dont le sexe est inconnu, aurait été tué aux côtés de leurs parents.

À la fin du Génocide, Umutoni et les autres enfants de l’hôpital de Ndera ont été transférés dans une école voisine qui avait été transformée en orphelinat.

«Mon premier souvenir d’enfance était à l’orphelinat où je suis restée et j’ai pris mes cours de maternelle pendant des années avant d’être adoptée par l’une des soignantes qui m’aimait beaucoup parce que tout le monde avait l’habitude de commenter notre ressemblance», a-t-elle dit.

En 1998, une décision a été prise de fermer l’orphelinat et Umutoni a été rapidement adoptée par Léonille Mukahigiro, elle-même rescapée du Génocide, qui a déménagé avec elle dans sa maison  familiale à Ngoma, dans l’actuel district de Huye.

Malheureusement, peu de temps avant son adoption, Mukahigiro est tombée gravement malade et elle est décédée. La mère de Mukahigiro, Marguerite  Nyiragabiro, qui a maintenant 85 ans, a pris la tutelle. Elle a envoyé Umutoni à l’Ecole Primaire de Ngoma, avant de passer au Collège Imena pour le cycle inferieur également à Huye et plus tard au High School d’Agahozo Shalom pour son cycle supérieur.

Elle a ensuite regagné l’Université Gitwe dans le district de Ruhango où elle a suivi des cours en soins infirmiers généraux et elle a terminé en 2018. Umutoni travaille actuellement dans une pharmacie de la province de l’Ouest.

Grâce Umutoni a décidé de chercher ses racines pour ne pas toujours constituer un poids pour sa famille d’adoption, surtout que la grand-mère est sur sa pente et qu’elle peut décéder d’un moment à l’autre.

«Je sais avec certitude que mes parents sont morts, mais j’aimerais les connaître. Certains de mes oncles, tantes, cousins, pourraient-ils peut-être avoir survécu. J’aimerais avoir une photo de ce à quoi ressemblait ma famille. Peut-être qu’à partir de cette histoire, quelqu’un peut me reconnaître à cause de ma ressemblance avec l’un de mes parents», se disait-elle.

Et c’est grâce au laboratoire médico-légal introduit en Juin 2018 qu’elle a atteint son objectif d’obtenir les résultats des tests d’ADN. D’autres Rwandais peuvent accéder maintenant à de tels divers services, toujours dans le respect de la loi du pays. (FIN)