Mahama: entre inquiétude et espoir après l’annonce du rapprochement entre Gitega et Kigali

Vue du camp des réfugiés burundais de Mahama

Le Burundi et le Rwanda se sont convenus de tourner la page et de renormaliser leurs relations diplomatiques. C’était jeundi dernier à Bujumbura, la capitale économique lors de la célébration du 59 ème anniversaire de l’indépendance du Burundi. Le premier ministre rwandais était parmi les invités de marque. Depuis ce jour dans le camp des réfugiés burundais de Mahama au Rwanda, les opinions sont partagées entre inquiétude et espoir.

Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé ce dossier, certains craignent d’être rapatriés de force alors que d’autres pensent que les deux pays discuteront des garanties de sécurité des réfugiés qui auront choisi de rentrer.

Dans les rues, au restaurant, dans des boutiques tout comme à la maison, les discours du président burundais Évariste Ndayishimiye et du premier ministre rwandais Édouard Ngirente parlant de renormaliser les relations diplomatiques alimentent les débats.

Inquiétude

Rapatriement volontaire des réfugiés Burundais en provenance du Rwanda

“Sans doute que la demande du président burundais de voir tous les réfugiés rentrer va être exaucée et exécutée par le pays hôte pour lever tout malentendu”, disent certains réfugiés qui ne veulent pas rentrer.

Ils indiquent craindre la fermeture du camp de Mahama qui suivra les discours de renormalisation des relations diplomatiques qu’ils ont entendus dans les médias locaux et internationaux.

Par peur, certains ont d’ailleurs commencé à vendre des objets de valeur. “Mon voisin a vendu son moulin. La boutique d’à côté de chez moi est presque vide. Il reste des produits alimentaires seulement comme la farine et les haricots. Même cas pour le marché central. Des vendeurs disent vouloir conserver de l’argent pour qu’ils n’encaissent pas beaucoup de perte si le camp vient à être fermé », explique un réfugié de la zone 1 de Mahama.

Espoir

Pendant que certains réfugiés se font un sang d’encre, d’autres vivent dans l’espoir d’un rapatriement serein. “Moi j’ai espoir que nous n’allons pas être chassés. Notre sort aura une issue favorable. Peut-être que les deux pays vont se convenir sur notre protection une fois au Burundi”, explique un leader communautaire.

Plusieurs réfugiés, essentiellement des jeunes qui ont participé dans les manifestations contre un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza en 2015 pensent que « leur situation sera évoquée avant de retourner au pays ». “De toutes les façons, le Rwanda qui nous a hébergés pendant plus de 6 ans ne va pas nous livrer dans les mains d’un gouvernement que nous avons fui sans compromis même si des intérêts d’un pays priment toujours sur ceux des étrangers qu’il accueille. Nous exigeons que nos droits soient respectés et que l’on ne nous considère pas comme des cartes dans un jeu », espèrent-ils.

Rapatriement volontaire des réfugiés Burundais en provenance du Rwanda-Mahama

Des activistes et analystes indépendants saluent le pas franchi par les deux capitales. Ils souhaitent néanmoins que les bons discours soient traduits par des gestes concrets, surtout la réouverture des frontières. “Depuis bientôt 6 ans, les populations des provinces de Muyinga, Ngozi, Kirundo et Cibitoke (au nord-est et nord-ouest du Burundi) et des Rwandais des régions de Bugesera, Butare, Rusizi (sud et sud-ouest du Rwanda) n’exercent plus le commerce transfrontalier », déplorent-ils.

Plus grave encore selon Gervais Nibigira, vice-président du RCP (Réseau des citoyens probes) qui s’est exprimé sur la Voix de l’Amérique (Kirundi/ Kinyarwanda), certaines familles se sont vues séparer, les mariages entre les deux populations frontalières étant fréquents.

Il dit craindre que les droits des réfugiés soient bafoués. “L’ ouverture de la frontière commune permettra aussi aux réfugiés de rentrer, s’ils trouvent bien-sûr que la cause de leur exil n’est plus. Pas par force. Mais j’insiste: que la renormalisation des relations diplomatiques ne soit pas une source de malheur pour uns”, laisse-t-il entendre.

Assurance de Kigali

En mai dernier, le président rwandais a tranquillisé les réfugiés burundais. Dans les colonnes de Jeune Afrique, Paul Kagame avait tenu à souligner que son pays ne va pas lâcher des personnes qui sont sous protection des Nations-Unies. “Ces gens qui n’avaient nulle part où aller sont aujourd’hui traités comme des réfugiés. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas livrer unilatéralement des gens qui sont venus trouver refuge chez nous. Ce que nous pouvons en revanche garantir, c’est que, aussi longtemps qu’ils seront là, ils ne pourront pas s’organiser à partir de notre territoire pour attaquer le Burundi. Mais la protection est depuis longtemps garantie”, a déclaré le président rwandais.

D’après les chiffres du HCR, le Rwanda abrite actuellement plus de 47.800 réfugiés burundais. (Fin)