[Opinion] L’ambassadeur de France au Rwanda revient sur les promesses du Président MACRON

 Le nouvel ambassadeur de France au Rwanda Antoine ANFRE s’adresse à la presse rwandaise

By Alain GAUTHIER, président du CPCR*

Ce 10 août 2021, le nouvel ambassadeur de France au Rwanda, monsieur Antoine ANFRE, lors d’une conférence de presse tenue à Kigali, est revenu sur les «promesses» que le président MACRON avait faites lors de son séjour à Kigali en mai dernier. Le diplomate français a en particulier annoncé l’arrivée au Rwanda d’un  «officier de liaison» qui sera chargé des dossiers «présumés génocidaires». Le rôle de cet «officier de liaison»? «Faire le lien direct entre les instances judiciaires française et rwandaise », selon le site IGIHE. Nous attendons plus de précisions sur les décisions concrètes qui seront mises en œuvre.

Paris souhaiterait envoyer «un signal fort» aux rescapés du génocide des Tutsi, la France n’étant plus «le sanctuaire des génocidaires». «Le Pôle crimes contre l’Humanité» créé en 2012 au Tribunal de Grande Instance de Paris verrait ses moyens renforcés? C’est ce que le CPCR ne cesse de réclamer depuis des années et ce qu’il rappelle au Président MACRON dans son dernier courrier adressé au Président de la République quelques heures après les promesses qu’il avait faites au Mémorial de Gisozi. Courrier resté à ce jour sans réponse.

Des promesses, nous en avons entendu depuis ces 25 dernières années, des promesses qui «n’engagent (généralement) pas que ceux qui les font mais ceux à qui on les fait»! Quoi qu’en dise le nouvel ambassadeur, la France reste une terre d’asile des personnes qui ont participé activement au génocide des Tutsi.

«Deux dossiers passeront en cour d’assises d’ici novembre», rapporte le site IGIHE! Si ce sont les propos de monsieur Antoine ANFRE, nous nous devons d’apporter quelques rectificatifs. Le prochain procès, celui de Claude MUHAYIMANA, reporté à deux reprises pour cause de COVID, se déroulera du 22 novembre au 17 décembre. Quant au procès de Laurent BUCYIBARUTA, ancien préfet de Gikongoro, il devrait se tenir du 9 mai au 1 juillet 2022. Enfin, les procès des deux médecins de Butare, Sosthène MUNYEMANA et Eugène RWAMUCYO, tous deux déférés devant la cour d’assises, ne sont toujours pas programmés, les accusés usant et abusant des procédures auxquelles la justice française leur permet de recourir.

Il ne faudrait pas que le pouvoir actuel fasse référence à ces affaires pour prouver qu’il tient ses promesses. En effet, les affaires évoquées plus haut sont bien antérieures aux propos du Président de la République. Si les «moyens nouveaux» annoncés permettent un changement radical dans la poursuite des auteurs du génocide, nous ne pouvons que nous en féliciter. De toute façon, le retard pris à juger ne se rattrapera jamais. Sans le travail des associations comme la nôtre, personne, à ce jour, n’aurait été jugé, le Parquet n’ayant pris l’initiative des poursuites que depuis  2019!

Des propositions, nous en avons fait. Pourquoi pas un «pôle spécialisé» pour les crimes concernant le génocide des Tutsi? Le regroupement des affaires dans un grand procès dédié au génocide des Tutsi, plusieurs informations judiciaires étant clôturées depuis plusieurs mois? Si l’on veut que justice soit rendue, nous ne pouvons plus nous contenter de demi-mesures. Il va falloir innover sous peine de voir de nombreuses affaires tomber dans l’oubli.

Même si notre détermination est grande, l’avancée des procédures judiciaires dépend des autorités qui, jusqu’à ce jour, n’ont pas fait preuve d’un grand enthousiasme. Nous ne pouvons que jouer «la mouche du coche» et rappeler à ceux qui nous gouvernent des promesses rarement tenues, même dans le cadre d’un génocide : le génocide des Tutsi du Rwanda a été perpétré depuis bientôt trente ans. Et trente ans après, nous ne pouvons pas nous contenter de promesses. (Fin).

*Le CPCR (Collectif des parties civiles pour le Rwanda) est une association française dont l’objet est de traduire devant les juridictions françaises les personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide des Tutsi de 1994 et qui ont trouvé refuge sur le territoire national. Elle a été créée par Alain et Dafroza Gauthier en 2001.